Ecrivain et poète, Volker Braun entretient avec le langage un rapport ludique et sensuel, voire charnel. Dès les premières poésies dans les années soixante-dix 1, le lecteur est frappé par le retour incessant à une nature sauvage et à l'animalité, que sert une langue « nouvelle et forte » (Alain Lance 2). Définitivement citadin, le Roman de Hinze et Kunze, publié en 1985 après quatre longues années de tractations avec la censure, se joue majoritairement dans le huis clos de la Tatra noire qui sillonne le pays sans guère quitter l’asphalte. La nature pourtant n’est pas totalement absente de ce texte étrange qui se déroule malgré tout dans ce que l’auteur qualifie, de manière euphémistique, comme « la plus verte des provinces » 3. Plus faune que flore, la nature reprend ses droits de manière inopinée, à travers toute une série de figures animales surgies au détour d’une description ou d’une comparaison. Il n’y a pas chez Volker Braun de bestiaire à proprement parler, au sens traditionnel que recouvre ce terme dans la littérature et la culture du moyen âge : on chercherait en vain un « recueil de fables, de moralités sur les bêtes » [Le Robert]. Braun ne pratique pas non plus de « poésie animalière » dans la veine de la Tierdichtung germanique en vogue à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Cependant, la mention régulière et parfois systématique de tel ou tel animal dans les œuvres en prose de Volker Braun bâties autour du couple Hinze et Kunze 4 n’est pas l’effet du hasard. Elle semble obéir à la logique poétique de l’auteur et traduit la volonté assumée d’inscrire ses personnages dans un règne animal où ils sont mus par les mêmes pulsions et les mêmes instincts. Ainsi, il semble plus indiqué de parler ici de bestiaire littéraire ou figuré. S’il paraît difficile d’établir une ligne directrice reliant les uns aux autres les différents animaux qui peuplent Le Roman de Hinze et Kunze et les Libres propos, on peut cependant tenter dans un premier temps un classement par catégories de ce bestiaire imaginaire, avant d’essayer de dégager la fonction à la fois symbolique et poétologique de ces images.

Les éléments du bestiaire

Insecte, poisson, chien, cheval, taureau, cochon, souris, âne, cerf, singe, rapace, coq, fourmi, tortue géante, méduse, scarabée, larve ou papillon, les occurrences animalières animent de manière singulièrement foisonnante le discours d’un narrateur-auteur qui prétend fort justement décrire sans comprendre 5, mais dont la langue trahit incontestablement les origines poétiques et la richesse de l’imaginaire.

Un premier classement du bestiaire de Volker Braun dans le Roman de Hinze et Kunze et les Libres propos permet de procéder par catégories fonctionnelles pour constater d’emblée la prédominance des animaux terrestres par rapport aux espèces aériennes et aquatiques. L’ancrage physique dans le sol et la terre, qui constitue par ailleurs un des leitmotive de la poésie de Volker Braun 6, trouve ici son corollaire naturel. Aux côtés des mammifères (chien, cochon, cheval, taureau, cerf, âne, singe, souris), poisson, coq, fourmi, tortue, méduse, scarabée et larve incarnent encore un rapport étroit au sol et au sous-sol dans sa profondeur invisible (terre, eau). Aucune figure animale dans l’entourage du couple Hinze/Kunze ne s’élève vers le ciel. Les seuls oiseaux qui apparaissent dans le texte sont envisagés d’un point de vue métaphorique et dépréciatif : il s’agit de l’image du rapace appliquée une première fois aux musiciens du salon de thé de l’opéra qualifiés par le narrateur d’« oiseaux de proie gris et hirsutes» (Trad. 90) (HK, 100 : « graue zauslige Raubvögel »). Cette image est réemployée une seconde fois par l’auteur de manière indirecte et métonymique à l’endroit du personnage de Maria, une des nombreuses conquêtes féminines de Kunze qui s’avère à l’usage plus prédatrice que prévu et que Kunze qualifie avec lucidité de « charogne » au sens de « garce » (HK, 114 : « Maria hat mich drauf gebracht, das Aas »). Enfin Agatha, membre vigoureux du personnel de l’établissement d’Etat où Kunze suit sa cure, est une forte femme dotée de « cheveux d’un noir de corbeau » (HK, 126 « ein glitzerndes Haarnetz über dem Rabenhaar ») La fonction figurée du rapace renvoie sans ambiguïté à l’enserrement et au sol, et non à l’envol. Toutes les figures animales convoquées par l’auteur, à l’exception de la larve qui porte en germe la possibilité d’un mouvement ascendant et surtout d’une modification d’état lorsque « le papillon fait éclater le cocon » (Trad.78) (HK, 87 : « wie der Falter die Larve sprengt »), ramènent à la terre ferme et révèlent un ancrage vital dans le sol nourricier.

Un second classement de ce bestiaire imaginaire peut se faire à partir de la fonction narrative des animaux évoqués. La plupart des figures animales qui apparaissent dans le roman ne sont pas intégrées à la diégèse, elles sont convoquées par le narrateur-auteur dans le cadre du récit, par le biais de comparaisons, et ne jouissent pas d’une autonomie réelle. Les bêtes ne surgissent généralement que de manière fugace, le temps d’une image. Ainsi en va-t-il de la comparaison du chauffeur avec un insecte sur laquelle s’ouvre le roman : « le chauffeur maigre, comme un insecte dans la boîte étincelante » (Trad. 7) (HK, 7 : « der magere Fahrer, wie ein Insekt in der blitzenden Schachtel »). Volker Braun recourt souvent aux figures animales dans la description physique des personnages : Kunze présente ainsi de « petits yeux vifs de souris » qui plaisent à Lisa (Trad., 45) (HK, 49 : « kleine, mausschnelle Augen »). Même la voiture de fonction que conduit Hinze, la Tatra, n’échappe pas à ce zoomorphisme puisqu’elle se transforme, au contact d’un chauffeur déjà insecte, par deux fois en scarabée (HK, 97 : « der magere Fahrer mit dem Mistkäfer 7 », HK, 170 : « der zerbeulte schwarze mistige Käfer »), la couleur noire du véhicule se prêtant particulièrement bien à cette comparaison. Mais dans la plupart des occurrences, l’animal en soi ne joue qu’un rôle mineur qui est avant tout un rôle de faire-valoir, de catalyseur.

Car si la plupart des animaux mentionnés dans les deux textes ne le sont que de manière anecdotique, la mise en relation est cependant toujours fondamentalement signifiante. A chaque fois, la référence animalière vient renforcer un trait déjà caricatural et s’accompagne ainsi souvent d’une réflexion politique ou sociale. Hinze est comparé à un singe savant dans la scène rétrospective qui relate son combat contre la machine, du temps où il était encore ouvrier : « Elle le forçait à accomplir toujours les mêmes mouvements, qu’il exécutait en se jouant, comme un danseur, ou comme un singe, en fin de matinée, comme un idiot ! » (Trad. 75) (HK, 84 : « Sie zwang ihn zu immer denselben Bewegungen, die er spielerisch, wie ein Tänzer vollführte, oder wie ein Affe, am späten Vormittag, wie ein Idiot ! »). La tonalité péjorative qui perce à travers les éléments successifs de la comparaison ne laisse aucun doute quant à la dénonciation de l’aliénation par le travail. Dans la même veine thématique et un registre de comparaison voisin, Hinze utilise la figure de l’âne pour expliquer à Kunze que les ouvriers sont « occupés à se déchaîner comme des bourriques » (Trad., 30) (HK, 32 : « weil sie beschäftigt sind, immer wilder zu werden, wie die rammdösigen Esel »). La traduction française, en dépit de sa grande qualité, ne rend pas vraiment compte de la dimension imagée de l’expression allemande dans son ensemble, car la comparaison en allemand est en réalité double : « wie die rammdösigen Esel » (HK, 32) indique de fait une parenté du prolétariat non seulement avec la figure traditionnellement peu flatteuse de l’âne, mais encore – à travers l’adjectif composé –, avec celle du bélier et du mouton (d’après le DUDEN, rammdösig signifie « dösig wie ein Schaf », en référence à la pratique paysanne qui consistait à laisser au soleil les moutons afin qu’ils perdent toute agressivité). La double connotation péjorative de l’adjectif « rammdösig » (à la fois « dumm » et « überreizt », bête et surexcité) renforce encore le portrait négatif que Hinze, dans ce passage, dresse du prolétariat socialiste encore aliéné selon lui. A un autre moment, c’est Lisa qui compare son mari Hinze à un âne, dans un long passage au cours duquel elle semble découvrir la véritable nature du personnage, proche de l’animal : « Un âne. J’aime un âne […] Je tiens sa tête d’âne, la partie la plus précieuse de tout le livre, et j’embrasse sa gueule teigneuse. Sa grande gueule. » (Trad.156) (HK, 176-177 : « Een Esel. Ick liebe einen Esel. […] Ick halte sein Eselskopp, det teuerste Teil vont janze Buch, und küsse sein borstijes Maul. Sein jroßes Maul. »). A travers la figure de l’âne, Lisa reproche à Hinze son attachement aveugle pour Kunze : (HK, 176 : « Sein Herr Kunze reitet auf ihm wie Jesus nach Jerusalem durch Berlin Mitte. » Trad. 156-157 : « Son Seigneur Kunze, monté sur son dos, le fait trotter à travers Berlin, comme Jésus en route vers Jérusalem. ») La comparaison tourne finalement à l’avantage de Hinze auquel Lisa trouve des excuses : « Il ne peut pas se défendre, le pauvre animal » (Trad. 157) (HK, 177 : « Er kann sich nicht wehren, das arme Tier. ») Et c’est d’une « voix humaine » qu’elle l’entend proclamer la vérité à l’instar de l’ânesse Balaam. Le recours à l’épisode biblique confère à la comparaison animale une dimension métaphorique qui transcende le caractère trivial de l’image populaire.

Parfois, la mention d’un animal s’apparente à une expression proverbiale. Par exemple dans le passage où le maître et son valet chevauchent par la plaine de Prusse, on peut lire que le maître, ayant aperçu une femme à la lisière de la forêt, « se précipita dans les labours, tel un coq courant sur des charbons » (Trad., 36) (HK, 39 : « lief, wie der Hahn über die Kohlen »). L’expression est attestée depuis le douzième siècle 8 et vise à souligner la rapidité, la vélocité du maître dans cette scène. Mais il est évident dans ce cas que la comparaison n’est pas fortuite : l’appétit sexuel du maître, double historique et littéraire de Kunze, se trouve mis en avant par la figure du coq, traditionnellement associé à une autre expression : « Hahn im Korbe sein » (être comme un coq en pâte) qui renvoie aux conquêtes féminines du maître. D’ailleurs on trouve confirmation de cette lecture un peu plus loin dans le roman lorsque le narrateur mentionne littéralement les « comportements de coq » de Kunze que ses collègues considèrent « comme une maladie » (Trad. 92) (HK, 103 : « seines hahnenhaften Verhaltens wegen, das sie einschätzen als eine Krankheit »). De la même façon, la figure du cerf évoquée à propos de Kunze dans l’un des premiers face-à-face avec Lisa n’est pas exempte de connotation sexuelle. C’est en effet à l’éveil des sens que fait allusion la comparaison avec l’animal des bois : « Il y avait quelque chose en lui qui se mettait en marche, un cerf se frayait un chemin dans le sous-bois » (Trad. 46) (HK, 50 : « Es ging etwas in ihm los, ein Hirsch wuchtete durchs Unterholz »). Si la figure du cerf est traditionnellement employée en allemand pour signifier la rapidité (laufen, springen, tanzen wie ein Hirsch), on trouve depuis le début du vingtième siècle dans tout l’espace germanophone des références à la vigueur sexuelle de l’animal (Hirsch désigne ainsi le jeune homme célibataire et « ein flotter Hirsch » un homme à femmes 9). Parmi ces images populaires qui ont fixé les emplois analogiques de certaines figures animales dans le domaine des comportements amoureux, on peut encore noter la référence au taureau qui apparaît dans le cadre de la caractérisation du couple Hinze/Kunze dont les deux protagonistes se posent en rivaux face à Lisa : « Les deux hommes heurtèrent leurs verres comme des taureaux leurs cornes. Ils essuyèrent la mousse de leur mufle et soufflèrent bruyamment. » (Trad. 47) (HK, 52. « Die Männer stießen mit den Gläsern an wie Stiere mit den Hörnern. Sie wischten sich den Schaum vom Maul, schnoben vor sich hin.) ». Kunze confirme l’image sexuelle attachée au taureau dans une autre scène, avec Maria cette fois qu’il vient d’ailleurs de qualifier, non sans à-propos, de « kalte Kuh » : « Sinon, nous continuerons à vivre comme les taureaux pour la monte » (Trad. 102) (HK, 114 : « Sonst leben wir weiter wie die Rucksackbullen »).

Si la référence zoomorphique recèle toujours un sens figuré dans ce bestiaire, rares sont les animaux qui interagissent directement dans le texte, en tant qu’acteurs du roman. La seule exception est constituée par un chien policier qui joue un petit rôle lors de deux scènes au registre comique. Lors de sa première apparition, le chien est décrit comme l’attribut du policier : « ein Polizist mit einem Hund » (HK, 112). Il n’intervient pas de manière spectaculaire dans le scénario. Seule sa sortie est soulignée par le narrateur qui distingue volontairement ici l’homme de l’animal : « Du livre donc disparurent le policier tête haute et le chien savant baissant la sienne » (Trad. 100) (« Der Polizist verschwand erhobenen, der kluge Hund gesenkten Hauptes aus dem Buche » HK, 113). Le lecteur perçoit déjà dans ce passage la nature particulière de l’animal, qui semble mieux saisir la situation que son maître comme en témoigne sa qualité de « chien savant » aux allures modestes que l’on retrouve dans la seconde scène lorsqu’il poursuit Hinze : « le chien savant sur ses talons, Hinze, effrayé, fourra les pierres dans sa poche de pantalon » (Trad. 148) (« Gefolgt von dem klugen Hund, Hinze steckte die Steine verschreckt in die Hosentasche », HK 167). Or le chien ne se contente pas de tenir son rôle de chien policier féroce en mordant Hinze (Aber das Tier biß barsch hinein, HK 167). A la fin de la rencontre, il arbore encore un comportement anthropomorphique en reconduisant Hinze et Kunze à la Tatra en lieu et place du policier après l’épisode agité de la tentative de destruction du véhicule officiel par le chauffeur : « Le chien savant conduisit les deux passagers » (Trad. 151) (« Der kluge Hund geleitete die beiden Insassen » HK, 170). Toutefois, cet eXemple d’animal acteur du texte demeure l’exception dans le bestiaire de Volker Braun : plus généralement, l’animal occupe une fonction métaphorique, symbolique et poétique dont il convient de mesurer la portée.

De l’homme à l’animal

La question de savoir si la comparaison entre un animal et un humain est méliorative ou péjorative pour notre espèce n’est pas simple à trancher. Lorsque Hinze est d’entrée de jeu comparé à un insecte dans sa boîte, le narrateur met en évidence le manque d’envergure et de marge de manœuvre du personnage. De même, les nombreuses allusions au comportement bestial de Kunze envers les femmes qui se traduisent par l’image du porc ne sont guère flatteuses pour la gent masculine puisque Kunze, dans l’épisode de Hamburg, est décrit « tel un porc écumant, ahanant, enjambant avec brutalité le fossé séparant le Nord et le Sud » (Trad. 82) (« Ein schäumendes, röchelndes, das Nord-Süd-Gefälle brutal nutzendes Schwein », HK, 92). On retrouve une image analogue dans le récit onirique de l’un des compagnons de chambrée de Kunze, Hermann, où la métamorphose en cochon se termine sur une note érotique : « Alors je me mis enfin à crier, m’arrachant à moi-même, et en ricanant j’avalai le rhum et saisis sous la table la main de la maîtresse de maison, pour qu’elle brûle. Et elle brûla en effet. Le cochon, monsieur, c’était moi le cochon. » (Trad. 118) (« Da schrie ich endlich und riß aus mir mich und goß den Rum grinsend in mich hinein und hielt der Hausfrau Hand unter dem Tisch, dass sie verbrenne, und sie brannte auch. Das Schwein war ich, mein Herr : ich war das Schwein. » HK, 133). Cette image négative de l’homme face à la femme se retrouve de manière récurrente dans le discours de Lisa, qui ne se prive pas d’insulter « ses » hommes en les traitant de : « Cochons » (Trad. 68) (« Schweine », HK 76) / « Mais quels cochons, quels cochons ! » (Trad. 47) (« Aber die Schweine, die Schweine ! » HK, 51) / « Espèce de cochons » (Trad. 129) (« Ihr Schweine » HK, 145). C’est d’ailleurs Hinze qui explique à Kunze dans le roman la vision particulière et zoomorphique que les femmes ont des hommes en s’appuyant encore une fois sur la même image : « Tu es pour elle une sorte d’animal, un – cochon, une série cochonnée. » (Trad., 71) (« Du bist für sie eine Art Tier, ein – Schwein, eine versaute Serie » HK, 79). Les Libre propos confirment cette vision féminine du « gâchis humain » : « Il n’est bon à rien » (Trad. 31) déclare la femme de Kunze à propos de son mari, utilisant encore une fois la même image (« Er ist versaut », Berichte 37). Au-delà de la comparaison fortement péjorative, c’est le fossé entre les seXes et une nouvelle « cassure » sociale que dénonce l’auteur.

Si la figure du cochon qui parcourt le texte ne pose pas de problème majeur d’interprétation, l’image du chien en revanche se révèle plus complexe à analyser. Dans l’épisode avec le policier déjà mentionné, le chien jouit manifestement d’une considération supérieure (« der kluge Hund »). Mais Hinze, lorsqu’il se trouve comparé plusieurs fois à un chien 10, hérite à la fois du caractère soumis de l’animal, fidèle compagnon de l’homme (et que l’on peut rapprocher du manque d’autonomie associé par Lisa à la figure de l’âne), tandis que la fidélité même apparaît à d’autres moments comme une qualité appréciable à l’instar de la fin de la scène dans la laverie où Kunze, éconduit par une ouvrière sévère, trouve en « Hinze le chien » une consolation immédiate : « Il s’éclipsa sur la pointe des pieds, se traîna jusqu’à la voiture. Hinze, ce chien, bondit à sa rencontre tout frétillant. » (Trad. 29) (« Er stöckelte hinaus, schleppte sich an den Wagen. Hinze, der Hund, sprang ihm wedelnd entgegen. » HK, 31). L’un des Libres propos s’intitule d’ailleurs « Hinze der Hund » (Hinze le chien 11) et on peut y lire une autre dimension, complémentaire, de l’image canine : Hinze en effet est d’abord présenté comme un « chien buté » qui refuse toutes les propositions du fonctionnaire du parti Kunze. Mais une fois abandonné par ce dernier, Hinze le chien se révèle plus autonome que prévu : « En situation de décider lui-même, ce chien de Hinze, à la surprise de tous, prit des initiatives. » (Trad. 86) (Berichte, 66 : « In der Lage, selbst zu entscheiden, Hinze der Hund ergriff überraschend die Initiative. »)

Il semblerait toutefois que l’intention de l’auteur ne soit pas directement à visée anthropologique morale, mais tende simplement – à travers les différentes figures animales dont l’homme se rapproche dans son comportement quotidien –, à empêcher tout surgissement d’une vision idéalisante de l’être humain. Une série de verbes récurrents trahit dans les deux textes l’animalité de l’homme : grogner/knurren (Berichte, 8/11), haleter/japsen (HK, 9/143), souffler/schnauben (HK, 52), bêler/blöken (HK, 92/129). Même l’enfant de Lisa naissant, tel que le décrit le narrateur du Roman de Hinze et Kunze, est affecté par ce zoomorphisme : « C’est avec ce bec maussade qu’il saisira les seins » (Trad. 155) (« mit diesem grämlichen Schnabel wird er nach den Brüsten greifen » HK, 174). D’ailleurs homme et animal se confondent au point parfois de faire totalement abstraction de l’humain pour ne plus laisser subsister que l’animal : Lisa n’a plus des hommes face à elle, mais un mari dont elle a toujours soupçonné le caractère « inquiétant, bestial » (Trad. 156) (« Ich hatte schon wat jespürt an meinem Hinze, so wat Unheimliches, wat Viehisches HK, 176) ou encore des taureaux : « Les taureaux l’ignoraient d’un œil torve. » (Trad. 46) (HK, 52. « Die Stiere stierten vorbei. »). L’humain recule, disparaît derrière la pulsion animale.

Les nombreuses métamorphoses qui affectent les personnages au cours du roman apparaissent alors comme un travail conscient de brouillage des frontières entre l’homme et l’animal. Kunze est le premier affecté par un dédoublement de personnalité qui l’interpelle : « Qu’est-ce qui feulait gémissait hurlait dans son corps ? Qu’est-ce qui voulait en sortir, et pour quelle manifestation ? » (Trad. 26) (« was fauchte stöhnte brüllte aus seinem Leib ? Was wollte aus ihm heraus, zu welcher Kundgebung ? » HK, 28). Dans un des Libres propos, il se transforme même en monstre à trompe, ne se faisant aucune illusion sur sa situation : « Il s’était mué en un monstre. […] Sa trompe tâtonnait, cherchant à posséder sa proie. » (Trad. 82) (« Dass er sich in ein Monster verwandelt hatte […] Sein Rüssel tastete nach dem Besitz. » Berichte, 62). A la fin du roman, le narrateur lui-même est atteint d’une semblable métamorphose : « La sueur perçait mon masque. Au bout d’une temps indéfiniment long, je me retournai à nouveau et remarquai qu’en faisant ce mouvement une autre tête se détachait de mon tronc, visage spontanément joyeux, que mes bras à mon insu commençaient à remuer comme ceux d’un boXeur sûr de lui, que ma bouche méduse folle était aspirée dans le tourbillon » (Trad. 198) (« Der Schweiß brach mir aus der Maske. Ich wandte mich nach unendlich langer Zeit wieder herum und merkte wie in der Bewegung ein anderer Kopf aus meinem Rumpf schnellte mit mühelos fröhlichem Gesicht meine unbeachteten Arme wie die eines selbstsicheren BoXers zu schlenkern begannen mein Mund eine irrsinnige Qualle in den Sog geriet. » HK, 197-198). Ce dédoublement incontrôlé est vécu comme un traumatisme mêlé d’une curiosité existentielle. Le narrateur, comme Kunze, s’interroge sur ce qui lui arrive : « Ce type joyeux grimpa dans mon corps, s’y balançant à en faire valser les branches. Je ne puis l’expliquer, que dois-je répandre ? » (Trad. 175) (« Der fröhliche Kerl stieg in meinen ganzen Körper schaukelte sich darin daß die Äste flogen. Ich kann es nicht erklären, was soll ich verbreiten ? » HK, 198). L’intrusion de l’animalité déclenche chez l’individu la réflexion métaphysique.

Fonction symbolique du bestiaire

En révélant l’animal tapi en chacun des personnages, Volker Braun semble témoigner d’une sorte de propension au « totémisme ». On remarque que très souvent un même animal est systématiquement associé à un des deux personnages : ainsi Kunze est-il caractérisé à la fois par le poisson et par le cheval. La figure du poisson est mentionnée plusieurs fois à l’endroit de Kunze dans le cadre d’une caractérisation physique métaphorique : « ces lèvres qui s’allongeaient comme celles d’un poisson en train de crever » (Trad. 9) (« der die Lippen ausstreckte wie ein verreckender Fisch » HK, 9) et encore : « Kunze dans son désir, lèvres palpitantes, comme un poisson hors de l’eau » (Trad., 127) (« Kunze in sein fischlippiges, japsendes Verlangen » HK, 143). L’assimi-lation au poisson agonisant souligne le caractère extrême du désir d’assouvissement sexuel chez Kunze et révèle sa fonction éminemment vitale. De manière générale, l’érotisme des images liées à la figure de Kunze fonde le caractère de séducteur du fonctionnaire du Parti qui se trouve décuplé par la parenté avec des animaux dont la puissance est notoire. Plus important que le motif pisciforme, c’est le rapprochement avec la figure animale du cheval qui semble définir le mieux Kunze : le narrateur a souligné dès le départ la stature trapue du fonctionnaire, et dans la scène centrale du discours érotique, Kunze est associé à l’image d’un cheval par l’entremise d’un même adjectif appliqué aux deux figures : ainsi « der Stämmige » (HK, 7) devient-il dans le contexte du meet-ing politique socialiste dénoncé du même coup comme une ridicule mise en scène par l’analogie avec le cirque, un « cheval de cirque trapu » (Trad. 105) (« ein stämmiges Zirkuspferd » HK, 118). Quelques lignes plus loin, l’image est renforcée par celle de l’animal de trait : « Tel un animal de trait attelé aux tâches de l’entreprise, il balançait sa nuque robuste. » (Trad. 106) (« Wiegte den festen Nacken wie ein Zugtier, vor den Betrieb gespannt » HK, 119).

La figure du chauffeur Hinze se rattache également à deux images animales : celle de l’insecte qui évoque la maigreur physique extrême du personnage et celle du chien qui correspond à la psychologie en partie soumise et résignée du valet. Mais l’image de l’âne n’en demeure pas moins significative, appliquée à l’ensemble du prolétariat socialiste comme à son porte-parole autodésigné dans le roman en la personne du chauffeur Hinze. Cette conception « totémique » de l’humain qui se révèle à travers la récurrence des figures animales n’obéit cependant pas à un système absolument rigoureux puisque plusieurs figures animales peuvent être appliquées à un même personnage.

A l’opposé du totémisme, symbolisme anthropologique, on note la mise en scène d’au moins deux figures animales dont la fonction métaphorique est clairement d’ordre politique. Il s’agit d’abord du papillon, auquel est consacré de manière tout à fait emblématique le dernier dialogue des Libres propos intitulé « Larvenstadium 12 ». Dans cet ultime échange entre Hinze et Kunze, le représentant du parti clôt le débat sur une envolée lyrique sous forme de parabole destinée à transcender le stade larvaire où se trouve la société socialiste : « Vois-tu ce papillon ? Avant qu’il ne s’élève dans le vent, il est chenille, ne faisant que ramper, dévorer, s’entourant d’une chrysalide tant et si bien qu’on ne peut y voir qu’une momie, créature ailée en devenir. Ainsi Lénine écrivait qu’il se pourrait que la différence politique entre le socialisme et le communisme soit plus grande encore que celle qui sépare le capitalisme du socialisme. Voilà qui est vrai. Mais une chose est tout aussi vraie et tout aussi importante, dit Kunze, c’est notre malaise devant ce nouvel espace qui nous paraît étroit et sombre comme un cocon, et notre pression qui le fera éclater. » (Trad. 110) (« Siehst du den Schmetterling ? Bevor er sich in den Wind hebt, ist er die Raupe, die nur kriecht und frißt, und sich einpuppt, bis man sie nur für eine Mumie ansehen kann: dies werdende Flügelwesen. So schrieb Lenin, der politische Unterschied des Sozialismus zum Kommunismus werde möglicherweise größer sein als der des Kapitalismus zum Sozialismus. Wie wahr. Aber ebenso wahr und wichtig, sagte Kunze, ist unser Unbehagen, dem der neue Raum eng und dunkel dünkt wie eine Hülse, und unser Druck, der sie sprengen wird. » Berichte, 86). Cette parabole de la chenille capable de faire éclater son cocon est également présente dans le texte du roman (« wie der Falter die Larve sprengt » HK, 87) en lien avec l’espoir de révolution prolétarienne et constitue l’un des pôles porteurs d’utopie chez Braun.

La parabole des fourmis que l’on peut lire dans les Libres propos (« Le pouvoir des fourmis » / Die Macht der Emsen) contient également un symbolisme politique. Cette fois Hinze est à l’origine du discours métaphorique qui vise à interroger la condition des travailleurs est-allemands une fois qu’ils se sont emparés du pouvoir : « Lorsque, dit Hinze, les ouvriers s’emparèrent du pouvoir dans l’Etat des fourmis rouges, ils pensaient que leur vie allait en être radicalement transformée. » (Trad. 62) (« Als die Arbeiter, sagte Hinze, im Staat der Roten Waldemsen die Macht ergriffen, dachten sie an nicht weniger, als daß sich ihr Leben gänzlich ändern werde. » Berichte, 48). Or les choses se révèlent plus compleXes que prévu : le travail n’est pas plus facile qu’avant, on doit finalement restaurer « le système hiérarchisé » et surtout : « On avait pris le pouvoir souverain et on était livré à la tyrannie brutale de la réalité sociale » (Trad. 64) (« Man hatte die Herrschaft angetreten und sah sich angeherrscht von den Verhältnissen. » Berichte, 50). A travers cette parabole de la prise de pouvoir des fourmis rouges, qui parodie de manière à peine déguisée et très lucide le passage au socialisme en RDA, Hinze tente pourtant de montrer à Kunze qu’un avenir révolutionnaire est toujours possible du côté du prolétariat, en posant que les fourmis doivent comprendre « que leur pouvoir n’est pas la solution de leurs problèmes, mais une condition pour la transformation totale de leur société » (Trad. 65) (« begreifend, daß ihre Macht nicht die Lösung ihrer Probleme ist sondern eine Bedingung für die Umwandlung ihrer Gesellschaft. » Berichte, 50). Même si Kunze semble ne pas vouloir saisir l’analogie (« A quoi bon parler des Fourmis rouges, dit Kunze, les hommes ne sont pas des fournis » (Trad. 65) « Was redest du von den Roten Emsen, sagte Kunze, die Menschen sind keine Emsen.» Berichte, 50), Hinze en profite pour renvoyer la balle dans le camp des « idéologues zélés » (« unsere emsigen Ideologen »), invitant par là discrètement les élites à repenser l’implication du prolétariat dans l’architecture de la société socialiste.

Fonction poétologique du bestiaire

Considérées d’un point de vue strictement poétique, les métaphores animales constituent des moments à part dans l’écriture de Volker Braun. Le surgissement de ces figures qui finissent par constituer un véritable bestiaire s’apparente à d’autres formulations à caractère poétique qui concourent à reconstruire l’imaginaire du poète dans l’espace du roman, comme en témoigne les exemples suivants : « er knüllte plötzlich seine Miene zusammen wie eine trostlose Zeitung » (HK, 8) (il chiffonna brusquement son visage comme un journal désespérant et le jeta) (Trad., 8)/ « [Kunze] lachte lautlos wie ein Toter, wie ein Maiplakat, wie ein glückliches Kind » (HK, 60) ( [Il] se mit à rire sans bruit, comme un mort, comme une affiche du Premier mai, comme un enfant heureux.) (Trad., 54)/ « Dem Furchtsamen rauschen alle Blätter » (HK, 63) (L’oreille pusillanime entend murmurer toutes les feuilles) (Trad., 57)… Mais au-delà de la poésie se manifeste aussi l’intention poétologique. Il semble que l’écrivain revendique par là un espace de liberté inédit dans un processus de création en butte au carcan étroit du roman socialiste. L’auteur use des comparaisons animales pour vivifier le caractère descriptif du récit et rompre avec la monotonie du réalisme castrateur imposé par la politique culturelle officielle qu’incarne Frau Messerle.

En ce sens, on peut d’ailleurs considérer que le zoomorphisme à l’œuvre dans les écrits autour du couple Hinze-Kunze relève au premier chef de la technique du « konspirativer Realismus » mise en avant par l’auteur de manière tout à fait autoparodique dans le roman 13. Ce réalisme conspirateur concourt à susciter l’empathie du lecteur rompu au discours préformaté de l’art socialiste en jouant sur l’ironie et la distanciation. Les nombreuses métaphores animales qui émaillent le texte se lisent finalement comme un parti pris stylistique et plus encore poétique, une manière détournée de souligner sans y paraître un contenu critique, de renforcer par la symbolique une description sinon anodine, un moyen de rendre plus sensibles, plus visuelles certaines scènes ou situations.

On notera pour conclure que la maigreur, caractéristique physique majeure du valet dans le couple Hinze/Kunze, est d’emblée donnée à voir par l’auteur à son lecteur, en quelque sorte rendue à sa matérialité, habilement visualisée grâce à l’image de l’insecte enfermé dans un écrin : dès les premières lignes du roman, Hinze se trouve « épinglé» comme un papillon de collection dans sa boîte. La comparaison animale permet, par le biais de l’image visuelle, de mettre au jour un comportement humain particulier. De la même façon, grâce au motif pisciforme qui le fait apparaître sous les traits d’un poisson agonisant hors de l’eau, Kunze est d’entrée de jeu décrit de manière particulièrement saisissante comme un animal en manque, privé de son milieu vital, donné comme un être porteur d’utopie en quête d’absolu. Ainsi l’auteur parvient-il en quelques images seulement à révéler la psychologie de ses personnages, tout en donnant l’impression par ailleurs de contenir son imaginaire en s’auto-fustigeant à intervalles réguliers : ne pas dévier de la droite ligne du récit, ne pas poser trop de questions, rester au plus près du corps nu, se tourner vers « l’action proprement dite, la représentation essentielle de la réalité » (Trad., 14) (« wenden wir uns der eigentlichen Handlung zu, der wesentlichen Darstellung der Wirklichkeit » HK, 14). Or c’est précisément le caractère réducteur de telles affirmations qui fonde en retour le recours à l’imaginaire animalier et à la force symbolique du bestiaire littéraire.

Sans être vraiment dominante ni cruciale, la présence animale dans Le Roman de Hinze et Kunze et les Libres propos se lit comme un motif récurrent de l’écriture de Volker Braun. Elle contribue sans aucun doute à la tension et à l’équilibre entre intellectualité et animalité au sein d’une œuvre dominée par le questionnement. Le lecteur est d’emblée frappé par l’efficacité visuelle invariable des mentions animales au sein du récit. Les images surgissent à l’improviste, plus surprenantes les unes que les autres, au détour d’un texte qui parvient ainsi à déjouer le carcan formel du réalisme socialiste. L’animal présent en chacun des personnages se révèle au travers de nombreuses figures de comparaison. Le mode d’écriture « animalière » adopté par l’auteur demeure d’ordre métaphorique. Les analogies entre l’humain et l’animal composent une sorte de bestiaire poétique dont la présence soulève la question d’une véritable pensée anthropologique qui guiderait l’auteur. Mais plus qu’une vision particulière de l’humain, le recours à la figure animale chez Braun semble participer de l’élan vitaliste qui sous-tend une « écriture forte » qui n’est pas sans rappeler le style du jeune Brecht (Baal, Im Dickicht der Städte). La composition du bestiaire littéraire qui peuple l’œuvre en prose de Volker Braun projette les personnages dans l’irrationnel et l’irrévérencieux, tandis qu’il renvoie la censure à ses propres limites et le lecteur à ses propres fantasmes.

Notes

1. Volker Braun, Provocations pour moi et d’autres, traduit et présenté par Alain Lance, Pierre-Jean Oswald : Honfleur, 1970.

2. Cf. Alain Lance, « Ein Freund, ein guter Freund, Das ist das schönste, was es gibt auf der Welt », Volker Braun in perspective, German Monitor 58, Rolf Jucker (Ed.), Amsterdam, NY : Rodopi, 2004, 65-70.

3. Cf. « 300 km, in die grünste Provinz. » Hinze-Kunze-Roman, Suhrkamp, 1988, p. 118. Toutes les références au texte allemand renvoient à cette édition. Pour la traduction française, voir Le Roman de Hinze et Kunze, traduit de l’allemand par Alain Lance et Renate Lance-Otterbein, Messidor, 1988 (ici p. 105).

4. On examinera ici non seulement les occurrences présentes dans le texte du Hinze-Kunze-Roman, mais également celles qui figurent dans un écrit que l’on peut considérer comme complémentaire, composé parallèlement à l’écriture du roman et publié en 1983 : Berichte von Hinze und Kunze (Suhrkamp) / Les Libres propos de Hinze et Kunze, (Paris Messidor, 1985, Texte français de Gilbert Badia et Vincent Jezewski). Le recours à ce texte nous semble indispensable dans la mesure où plusieurs scènes et situations des Libres propos, dont un certain nombre de comparaisons animales, se trouvent reprises et développées dans le roman.

5. Cf. « Ich begreife es nicht, ich beschreibe es. » Hinze-Kunze-Roman, op. cit, p. 7. (Trad. p. 7)

6. Plusieurs commentateurs ont étudié le rapport à la nature dans la poésie de Volker Braun, en particulier Katrin Bothe, « Der Text als geologische Formation. 'Archäologisches Schreiben’ als poetologisches Programm im Werk Volker Brauns », in : Volker Braun in perspective, German Monitor 58, Rolf Jucker (Ed.), op.cit., 1-37.

7. Ce groupe prépositionnel a été omis dans la traduction française.

8. Cf. Röhrich, Lexikon der sprichwörtlichen Redensarten, Herder, 1973, 1988, Bd. 2, p. 525. « Wie der Hahn über die Kohlen laufen » : sehr flüchtig, eilig.

9. Cf. Röhrich, op. cit., Bd. 2, 425.

10. Parfois de manière très crue comme dans la première scène avec le policier : « Meint er meinen Schwanz ? » (HK, 112) (Trad. 100 : « Parle-t-il à ma queue ? »). Dans les Libres propos, Hinze le chien se comporte vraiment comme tel, se « meurtrissant les pattes qui revendique par là un espace de liberté inédit, un espace de création en butte au carcan étroit du réalisme socialiste. à chercher la bonne porte : ‘dann tappst du wieder die Pfoten wund’ » (Berichte, 39).

11. Cf. Volker Braun, Berichte von Hinze und Kunze, Suhrkamp, 1983, p. 66. Traduction française de Gilbert Badia et Vincent Jezewski, Libres propos de Hinze et Kunze, Messidor, 1985, p. 86.

12. Klaus Schumann voit dans cette image une analyse politique de la situation du socialisme : « Daß Braun in den letzten Jahren schonungsloser als früher die bestehenden gesellschaftlichen Zustände im ‘Larvenstadium’ zeigt (wie im gleichnamigen Gedicht) [...] erklärt sich au seiner Erfahrung, daß der Übergangsprozeß, der zur Herausbildung kommu- nistischer Produktions- und Lebensweisen führt, in größeren historischen Dimensionen gesehen werden muß als bisher. » Cf. Der Stoff zum Leben –Welt im Gedicht (74-102), in : Klaus Schuhmann « Ich bin der Braun, den ihr kritisiert... » Wege zu und mit Volker Brauns literarischem Werk , Leipziger Universitätsverlag, 2004.

13. Voir passages pp. 184, 185 et 189 du Hinze-Kunze-Roman.