On a tendance à attribuer à la poésie la capacité singulière de résonner au plus profond du lecteur — une qualité qui reste mal éclaircie même si elle est reconnue comme un fait. Dans ce recueil, chacun des contributeurs – spécialistes de l'Europe et des États-Unis – nous propose une explication différente de ce phénomène. Si certains choix n'ont rien d'étonnant (Du Bellay, Vigny, Nerval, Baudelaire), d'autres sont moins attendus — soit par la qualité volontairement antilyrique de la poétique en question (Lautréamont, Ponge, Gottfried Benn), soit par le prosaïsme de l'écrivain (Marguerite Duras). Plus surprenant encore : dans bien des cas, cette résonance ne provient pas tellement de la dimension sonore du langage, où l'on aurait tendance à la chercher, mais de différents aspects du texte, plus conceptuels que sensibles : intertextualité, implications ontologiques ou politiques. Ces études se rejoignent très souvent dans leurs conclusions, à première vue paradoxales. Au fil de la lecture, on observe que l'accord effectué par la poésie se révèle de plus en plus comme la conséquence d'une forme de désaccord qui lui est central — que ce soit entre le lecteur et le poète, le poète et la réalité, la réalité et le langage, ou le langage et lui-même : il semble que la résonance moderne dérive… de la dissonance.