La grammaire générale est d'ordinaire associée à la période classique entre un
terminus a quo, 1660, date de publication de la
Grammaire Générale et Raisonnée de Port-Royal, et un
terminus ad quem mal défini, qui se situerait dans les deux premières décennies du XVIII
e siècle. Cette vue traditionnelle, renforcée par la notion de "linguistique cartésienne" mise à la mode par Chomsky, procède d'une conception héroïque de l'histoire grammaticale, succession de révolutions coperniciennes (Port-Royal, Saussure, etc.).
Le présent recueil s'inscrit en faux contre cette conception. Il a pour but essentiel de suggérer que l'histoire grammaticale, comme d'ailleurs toute histoire, est faite d'avances et de reculs, d'abandons et de récupérations, de mouvements profonds et, par là, non directement perceptibles que l'historien doit tenter de restituer. On sait depuis longtemps que la grammaire générale ne naît pas avec Port-Royal. Mais il convenait de préciser dans quelle tradition se situe l'ouvrage d'Arnauld et Lancelot, et de marquer avec force le rôle capital des Modistes dans l'élaboration de la grammaire générale. Il fallait aussi montrer que, malgré son importance, la Grammaire de Port-Royal ne bouleverse pas le champ du savoir pendant cent cinquante ans, qu'au contraire il de développe au XVIIIe siècle un mouvement original dont, par-delà les Idéologues, Humboldt est l'héritier. D'où le sous-titre que nous avons choisi: des Modistes aux Idéologues.
Ce Cahier collectif est avant tout conçu comme un guide de lecture. C'est pourquoi il s'ouvre sur deux bibliographies commentées qui en sont comme l'introduction, l'une sur la période initiale, celle de la grammaire médiévale si mal connue, l'autre sur la période finale, l'époque classique proprement dite. De la même manière, chacun des articles qui illustre un aspect de cette longue histoire de la grammaire tend à faire le point d'une question en suggérant au lecteur des lignes de réflexion et de recherche.
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