En 1932, A.H. Gardiner, le célèbre égyptologue, publie à Oxford
The Theory of Speech and Language, résultat d'une longue réflexion sur la problématique du langage.
Négation radicale d'une théorie immanentiste du langage, la théorie que propose Gardiner s'appuie sur l'analyse in vivo d'un acte de langage (act of speech) dans son intégralité - tout le parcours de la langue au discours. Ainsi appréhendé dans les conditions normales de production, le langage apparaît comme un moyen d'agir, plus précisèment comme un moyen pour le locuteur de provoquer un face à face avec son allocutaire, dans l'intention de le faire réagir - d'une manière ou d'une autre - à un certain état de choses.
La théorie des actes de langage développée par l'auteur, dans la première partie de son livre, constitue le fondement de la théorie syntaxique qu'il expose dans la seconde partie. Deux composantes sont à prendre en compte dans l'analyse de la phrase, unité de discours: l'état de chose auquelle elle fait référence - son "contenu locutionnel" - et l'intention qui la sous-tend - sa "qualité particulière" ou, comme l'appelle depuis Austin, sa "force illocutoire". Les modalités élocutionnelle (prosodiques et kinésiques) et l'information d'arrière-plan fournie par la "situation" jouent un rôle fondamental dans la révélation de la force illocutoire et occupent ainsi une place centrale dans la théorie.
Les recherches actuelles (étude des actes de langage, pragmatique, ethnographique et sociologie de la communication) témoignent de l'influence souterraine mais réelle de Gardiner, et il semble donc légitime de considérer Speech and Language comme l'un des textes majeurs de la linguistique du XXe siècle.