Les sophistes, ces étrangers itinérants qui se font payer pour parler: des sages ou des filous? Mais que disent-ils au juste, d'où vient le pouvoir de leur discours pour qu'ils aient séduit ou inquiété la Grèce et la philosophie?
Si Parménide, alors Gorgias. Toute sa force, la sophistique la tire de l'ontologie, du "Est" originel inauguré par le Poème de Parménide. La sophistique est une ontologie maximale, poussée à bout, démesurément fidèle à elle-même, jusqu'au renversement et à la catastrophe. Ou encore: l'origine dissimule et exploite une équivoque, c'est elle le sophisme, et la sophistique n'est jamais que de l'ontologie conséquente.
Au travers des défilés scrupuleux de la philologie, l'auteur explore le discours le plus violent du plus célèbre des sophistes, le Traité du non-être de Gorgias. "Rien n'est; si c'est, c'est inconnaissable; si c'est et si c'est connaisable, ce n'est pas montrable aux autres". A la fin du Traité, il ne reste rien,ou plutôt il reste rien, rien que du discours, dans un monde où "il n'y a que de l'entendre".
Ce traité est le dernier volet d'un tryptique jadis attribué à Aristote, le Sur Mélissus, Xénophane et Gorgias. L'étude du texte entier permet d'appréhender les mécanismes de la transmission: la doxographie, cette "écriture des opinions" grâce à quoi une bonne part de la philosophie antique est parvenue jusqu'à nous, apparaît ici comme un procès anonyme de citation généralisée, marquée par la sophistique.
Un tel travail voudrait permettre au lecteur non spécialiste de repérer toutes les opérations de constitution et d'interprétation d'un texte dont le statut de fait est toujours et très littéralement fiction.