Arriver au cinéma en retard, la séance commencée, la noirceur déjà totale, les images déjà déchainées sur l'écran, et juste des apparitions (des choses, des corps, des mouvements, des visages, des sons) qui attirent l'attention...
Voilà une façon de se rendre compte que les films enchainent une relation sensorielle avec les spectateurs faite de petites agressions, de fragments spectaculaires. Le cinéma ne raconte pas seulement des histoires, mais montre des images qui nous touchent, et font que nous restons dans la salle. Si le cinéma narratif relègue en général le spectateur à une position sécurisante d'observateur-voyeur, au contraire, le cinéma des attractions interpelle directement le spectateur, destinataire privilégié du plaisir du spectacle, stimulant ses sens et ses émotions.
Le cinéma est une machine à voir. Dès sa naissance, il a généré une nouvelle manière stupéfiante de voir, permettant parfois aux choses filmées de se révéler dans toute leur beauté. C’est ainsi que les premiers théoriciens du cinéma, que nous étudions notamment dans ce livre, ont commencé à en parler... Le cinéma est observé sous la loupe du concept d’attraction : ainsi des moments de la théorie classique (le montage des attractions chez Eisenstein) se trouvent côte à côte avec des exemples d’images contemporaines : là où la fiction croise le documentaire (la production de Werner Herzog), là où les images de synthèse croisent les prises de vue réelles, là où le cinéma entre au musée.