Bernard Conein
Présentation : L'interprétation de l'action en Analyse de Conversation
Michel de Fornel
Remarques sur l'organisation thématique et les séquences d'actions dans la conversation
Jean-Marie Marandin
Des mots et des actions : compliment, complimenter et l'action de complimenter
Louis Quéré
Mise en place d'un ordre et mise en ordre des places : l'invitation comme élément conversationnel
Renaud Dulong
« Vous vous rendez compte ? » Etude du format d'un récit de victime
Michel de Fornel
Catégorisation, identification et référence en Analyse de Conversation
Jean Widmer
Quelques usages de l'âge : explorations dans l'organisation du sens
Jacques Guilhaumou
Enoncés et récits sur la mort de Marat (juillet 1973). La matérialité de la langue dans la description de l'archive
Résumés en français
English Abstracts
Ouvrages reçus
Résumé
L'établissement et le développement d'un thème dans la conversation constituent un accomplissement pratique et interactionnel. On étudie empiriquement deux types de séquences servant à la transmission d'information nouvelle, les annonces de nouvelles et les requêtes d'information générale. A partir de l'analyse de ces mouvements thématiques, on précise le lien entre thème et structure séquentielle, entre « mise en thème » et « mise en séquence ». Un traitement conversationnel est proposé des liens complexes que peuvent entretenir, au niveau interprétatif, l'organisation thématique et l'organisation des séquences d'action.
Summary
Setting up and developping a conversational topic can be considered as both a practical and interactional accomplishment. We carry out an empirical study of two kinds of sequences used to transmit new information, news announcements and requests for general information. From one analysis of these topical movements, we then clarify the exact relation between topical and sequential structure, topic and sequence processing. FinaIly, we set down the complex relationships that (at the interpretative level) can sustain topical organization and organization of sequences of action.
Résumé
L'analyse de conversations enregistrées permet de décrire certaines procédures d'interprétation des énoncés employées par les locuteurs, même si les répliques ne prennent pas la forme explicite d'une interprétation. En effet certaines répliques indiquent comment elles traitent l'énoncé du tour de parole précédent en montrant par une action conforme qu'elles sont dirigées vers une partie ou la totalité de cet énoncé. Plusieurs cas d'analyse montrée sont examinés sur des exemples de séquences conversationnelles. L'observation des contextes d'usage d'un verbe d'action (inviter) incite à distinguer différents emplois performatifs et constatifs de ce verbe dans le cadre d'une activité d'invitation selon son emplacement dans la conversation. A travers l'analyse des répliques à des questions sur l'activité de l'auditeur, sont analysés deux modes d'interprétation montrée: l'interprétation par action au deuxième tour de parole et les interprétations par inférence des répliques partielles au troisième tour. Une telle distinction est approfondie par l'étude des répliques à certains directifs indirects.
Summary
Analysis of recorded data aIlows one to describe certain forms of interpretation of speaker utterances even if these replies do not appear to be explicit interpretations. Indeed, certain replies indicate their responsive treatment of the utterance of the prior turn by showing through a corresponding action that they are directed to part or aIl of this utterance. Several cases of analysis displayed by speakers are studied from examples of conversational sequences. Upon observing the contexts of uses of an action verb (invite) we are led to distinguish different performative and constative uses of this verb within the context of the activity of invitation from its location in the conversation. From an analysis of replies to questions about the recipient' s activity, we study two modes of displayed interpretation : interpretation by action at the second speaker' s turn and interpretations by inference from the partial replies of the third turn. Such a distribution is further examined in a study of replies to certain indirect directives in conversation.
Résumé
L'auteur distingue deux postures: celle du témoin qui appréhende une conversation sans y participer et celle du conversant qui co-construit la conversation en montrant dans chacune de ses prises de parole une interprétation de ce qui se passe ou de ce qui se fait dans l'interlocution. Comment l'analyste de conversation, qui est un témoin, peut-il décrire l'action langagière des conversants ? L'auteur s'attache au statut de la catégorie COMPLIMENT. Dans la première partie, il décrit son statut dans la description proposée par A. Pomerantz dans « Compliment Responses (... l » (1978). Dans la seconde, il présente une reconstruction de la catégorie associée au mot compliment en français contemporain. Dans les troisième et quatrième parties, consacrées à la description de fragments de conversation, il montre comment la valeur d'action d'un énoncé se construit dans l'interlocution en mettant en jeu des mécanismes interprétatifs, des savoir-faire conversationnels ou des effets de signifiant dont la description échappe totalement à une catégorisation immédiate des tours de parole.
Summary
The author identifies two positions: that of the bystander who follows a conversation without taking part in it and the position of the conversationalist who co-accomplishes the conversation at each turn by displaying his interpretation of the prior turne The question is put forward as to how a conversation analyst who is a bystander can describe this co-performance. With this query in mind, the author addresses the issue of the status of notions such as COMPLIMENT in conversation analysis. First, he outlines the main points of A. Pomerantz's article « Compliment Responses [... ] » (1978). He then goes on to reconstruct the category related to the word compliment in contemporary French. In his final two sections, devoted to descriptions of fragments of actual conversations, he shows how turns take on value as actions in interpretative mechanisms, conversational technique or « effects of signifier » aIl of which go beyond any immediate categorization of turns.
Résumé
Cet article développe l'idée que, pour qu'elle soit vraiment féconde pour l'étude de l'interaction sociale, l'analyse de conversation doit prendre en considération la dimension de l'activité accomplie dans l'échange, et différencier organisation de la conversation et constitution formelle de l'activité. S'appuyant sur des enregistrements de conversations téléphoniques, il propose une analyse du mode d'émergence d'une forme déterminée de l'interaction: l'invitation. La constitution formelle de l'activité est traitée d'une part en termes de différenciation et mise en évidence d'unités spécifiques, déterminées par un mode de catégorisation propre à l'accomplissement de l'action (par opposition à sa description), d'autre part comme un processus interne réalisé conjointement par les partenaires d'interaction dans leur espace d'interlocution (plutôt que comme le résultat du travail de l'analyste).
Summary
This article develops the the sis that for conversation analysis to actually enrich the study of social interaction it should take into account the extent of activity accompli shed in exchange and distinguish organization of the conversation. from formaI composition of the activity. Based on recorded data - telephone conversations -, this study analyzes how a specifie form of interaction, the invitation, cornes into being. The formaI composition of the activity is first examined in terms of its differentiation and a display of specifie units, determined by a mode of categorization adapted to the accomplishment of the action (and not to its description). Secondly, the activity is seen as an internaI process carried out jointly by the parties within these conversational space, rather than as the result of the analyser's work.
Résumé
L'analyse du récit, produit en interaction, de la victime d'une agression tente de mettre en place la notion de format comme gestion de l'agencement des différents épisodes narratifs en vue d'imposer une pointe configurative à l'auditeur du récit. En plus de fournir la description de séquences autobiographiques, la narratrice manifeste l'intention que l'on en tire une leçon morale implicite, le procédé de cette induction jouant sur le seul découpage des séquences. Le caractère interactif de la production du récit lui impose de négocier son format en fonction des exigences d'intelligibilité de son interlocuteur.
Summary
The analysis of the narrative, told by the victim of an assault in an interactional context, attempts to set up the notion of format by ordering the arrangement of different narrative episodes so as to impart a configurative design on the hearer. The narrator gives beyond simply giving a description of autobiographical sequences, as she clearly intends the recipient to understand its implicit moral, the method of this inference depending solely on the sequence distribution. As the narrative is realized, in a given interaction, it must necessarily set down its format in terms of the intelligibility capacity of its recipient.
Résumé
Les catégories sociales, en particulier celles qui servent à référer à des personnes, sont une sous-classe de catégories cognitives. Les principes qui en régissent l'usage présentent cependant la particularité de dépendre des circonstances sociales, interactionnelles et institutionnelles. Partant de la sémantique cognitive, cette étude décrit comment une analyse sémantique des catégories doit partir d'une description de leurs usages conversationnels. A partir d'exemples de conversations recueillies dans différents contextes (téléphone, audience de tribunal, débats télévisés, etc.), on montre que les principes de catégorisation concernent plusieurs niveaux de l'analyse de conversation. On analyse enfin les liens complexes qui existent entre l'identification référentielle et le phénomène de catégorisation.
Summary
In this study social categories, specifically those that are to refer to persons, are considered in a prototype and not in a criterial attribute conception of categorization. The principles that govern their usage, however, display a dependance on social circumstances, either interactional or institutional. With cognitive semantics as our starting point, we explain how a semantic analysis of categories should begin with a description of their conversational uses. From examples of data taken from different contexts (telephone conversations, court hearings, televised debates) we show that the principles of categorization intervene at severallevels of conversation analysis. Finally, we study the complex relationships between referential identification and the phenomenon of categorization.
Résumé
Bien que l'absence de relations bijectives entre signifiant et signifié, sens d'une phrase et signification d'un énoncé soit depuis longtemps reconnue, rares sont les tentatives de traiter conjointement les différentes extériorités de la langue qui déterminent l'interprétation des paroles. Plutôt que de ramener les extériorités à la langue, il s'agit de décrire les principes qui structurent toute production de sens, quittant ainsi le point de vue immanentiste qui rend les extériorités précisément extérieures. Le présent travail veut montrer que le savoir social comme savoir conceptuel est de même nature dans ses usages linguistiques et dans ses usages non linguistiques. Pour ce faire, il est analysé dans son usage direct et dans son usage rapporté. Trois types de savoir sont distingués et leurs relations esquissées: le savoir portant sur les personnes, le temps et l'espace (les corrélats des déictiques), le savoir discursif ou catégoriel, le savoir syntagmatique des schémas d'action. L'analyse est développée à partir d'une catégorie intermédiaire, l'âge. L'utilisation spécifiquement linguistique de ce savoir inclut deux autres principes: les ressources logiques et les ressources modales, principes qui relèvent d'effets particuliers du savoir catégoriel et des schémas d'actions. Si la langue a le privilège de disposer seule de marqueurs permettant d'opérer avec ces principes, le principe d'économie selon lequel n'est formulé que ce que le contexte ne permet pas de communiquer reste central, même dans le cas des structurations formelles et modales. Un immanentisme logique ou sémiologique (narratologique) n'est pas plus défendable que celui de la linguistique ou de la sociologie.
Summary
As this study purports to show that social knowledge as conceptual knowledge is the same kind in both linguistic and non-linguistic uses, it is examined in its direct and indirect aspects. Three types of knowledge are clarified and their relationships set up : knowledge that refers to persons, to time and space (correlates of deictics), discursive or categorial knowledge, and syntagmatic knowledge of actions schemes. An intermediate category - age - is chosen as the starting point of this formulation. The specifie linguistic use of social knowledge embodies two other principles which call on logical and modal resources. These principals are correlates of categorical knowledge and action schemes. If language has the unique privilege of using markers which allow one to act on these principles, the principle of economy (that formulates only what the context does not directly communicate) remains the central issue, even in cases of formaI and modal structurings.
Résumé
A partir d'une enquête archivistique systématique, l'auteur a étudié, au sein d'une dispersion maximale d'énoncés, un événement, la mort de Marat (13-17 juillet 1793). Le but de la présente recherche est d'identifier le mode d'inscription en langue de cet événement dans un premier temps, et de cerner les stratégies discursives qui s'y déploient à travers ses divers registres narratifs dans un second temps. L'auteur examine successivement une série d'énoncés autour de l'expression « mort de marat » (Tableau 1) et un corpus de récits de l'événement (Tableau 2). Il met ainsi en évidence le rôle de la négation (« Marat est mort» / « Marat n'est pas mort») dans l'expérience de l'événement et l'enjeu de la principale ressource interprétative (le tableau de la mort de Marat) dans les narrations de l'événement. Une dispersion raisonnée d'énoncés et des stratéges discursives rendent compte du travail de la langue dans la discursivité de l'archive.
Summary
Based on a systematic investigation of historical records taken from a wide spread of statements, the author has studied an event, the death of Marat (july 13-17, 1793). The aim of his research is first to identify how this event is rendered in language and secondly, to analyse how the discursive strategies are revealed through the multiple narrative levels. A series of utterances related to the statement « mort de Marat» is examined in succession (Table 1) as is the corpus of narratives of the event itself (Table 2). The study thus points to the role of negation (« Marat est mort» / « Marat n'est pas mort ») during the working out of the event and to the function of its primary source of interpretation (the illustration of the death of Marat) within the narratives.