Noble très important de Béotie, Plutarque a connu, de 45 à 127, les règnes de Claude, Néron, Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus, Domitien, Nerva, Trajan at Hadrien. Toute sa carrière d'homme politique et de philosophe montre que Rome n'a cessé d'entrer dans ses préoccupations. Comment supporter, quand on est épris de liberté et imbu de la supériorité hellénistique, la domination d'étrangers? Plusieurs séjours en Italie lui ont fait découvrir la société romaine et permis de ouer de solides amitiés avec des personnages puissants. C'est ainsi qu'il en arrive à porter sur ces barbares qui occupent son pays depuis plus de deux siècles un jugement plutôt favorable. Indépendamment du réalisme qui l'incite à ne pas vouloir risquer de compromettre les bienfaits de la paix romaine, il leur reconnaît des mérites fonciers et, surtout, il croit retrouver presque partout l'influence de la Grèce. En décrivant les vainqueurs comme des enfants de la civilisation grecque, il panse les blessure d'amour-propre de ses compatriotes. Mais, plus encore, il dépasse les clivages ethniques afin de proposer à ses contemporains, grecs et romains, la réalisation d'un homme nouveau, gréco-romain, qui synthétise les deux cultures et conduit l'humanité à une espèce de perfection. Sur la base d'une analyse de la rencontre des deux systèmes socio-culturels telle que la manifeste, aussi bien dans les
Vies parallèles que dans les
Oeuvres morales, la représentation de l'Empire romain par un Hellène, cet essai entreprend de dégager les principes anthropologiques qui président chez Plutarque à la pensée de l'altérité de Rome et à la conception de cet idéal d'une création à la fois inter-ethniques et supra-ethnique. L'exemple de ce personnage de l'Antiquité, qui puise dans ses racines des schèmas explicatifs capables de lui donner la maîtrise de son époque sert, plus que jamais aujourd'hui, de miroir aux lecteurs de son oeuvre.