En un siècle, Roubaix et Tourcoing se sont transformées de petits bourgs ruraux animés par le battement des métiers à bras en un gigantesque complexe industriel. Comment expliquer que le « Manchester français », alors même que rien ne l'y prédisposait, ait réussi à dominer toute la branche, quand les autres centres lainiers, souvent plus anciens et plus prestigieux, étaient impuissants à enrayer leur déclassement ? Poser cette question cruciale, c'est renoncer à faire une histoire de l'industrie lainière « par en haut » pour étudier les trajectoires des territoires qui la composent et forment autant de mondes industriels originaux. Les performances de Roubaix ne s'expliquent pas seulement par la qualité de ses tissus, la puissance de ses entreprises et l'abondance de sa main-d'oeuvre mais aussi par l'ambition dynastique, la forte solidarité et le projet industrialiste de son patronat qui a vraisemblablement constitué son avantage comparatif le plus important.