La période qu'ouvre la Grande Guerre et que clôt la Seconde a créé un cadre radicalement nouveau qui conduit le débat sur le présent et l’avenir de la démocratie vers son point d’ébullition. Parmi ces nouveaux questionnements, celui sur l’« état d’exception » semble aujourd’hui émerger de façon à la fois significative et persistante, tendant à constituer le cœur d’une reconfiguration de la conceptualité politique à l’heure des crises que nous traversons (crise mondiale, européenne en particulier). Empruntant aux réflexions d’auteurs des années 1920 et 1930, nombre de penseurs politiques sont d’avis que nous connaîtrions aujourd’hui un « état d’exception permanent » qui autoriserait le contournement des Constitutions et des règles démocratiques élémentaires. Ce dossier pose la question des usages dont l’état d’exception fait l’objet depuis la fin du XXe siècle et la sortie du monde bipolaire. Que veulent dire de tels usages quant à la compréhension de la crise actuelle et quant à l’avenir de la démocratie ? Ces usages sont-ils analogues, comparables d’une situation à l’autre ? Comment affectent-ils l’État de droit ? L’état d’exception représente-t-il un concept fécond à partir duquel envisager une sortie de crise ? La place qu’il occupe dans les pensées politiques du XXIe siècle est-elle la conséquence d’une conceptualité politique désuète, devenue dysfonctionnelle ? Ou, au contraire, le symptôme d’une résurgence « réactionnaire » plus ou moins larvée, plus ou moins assumée ?