La « libération des camps de concentration et d'extermination nazis » ne s'est pas produite au même moment ni de la même manière partout. Elle est survenue à une période où le régime nazi se radicalisait et dans des circonstances si différentes que parler de libération comme d’un événement unique, n’a aucun sens. La notion d’événements libérateurs paraît à cet égard plus opératoire.
Du côté des victimes, la sortie de l’univers concentrationnaire, si elle ouvrait des espoirs de liberté retrouvée, restait encore bien angoissante dans ses perspectives et ses modalités et faisait l’objet d’une très grande attention et mobilisation des organisations clandestines, là où il en subsistait. Il est par ailleurs légitime de s’interroger sur le rôle joué par les comités internationaux clandestins juste avant et au moment de la libération des camps et sur la part de vengeance et de violence que généra aussi cet événement..
L’intrication des événements à la guerre, l’hostilité d’une grande partie de la population allemande envers ceux qu’elle continuait à considérer comme de dangereux ennemis du Reich, l’ambiguïté des ordres d’Himmler, sources d’interprétation divergentes, le climat général de brutalité des responsables du parti qui n’épargnait pas la société allemande elle-même, apparaissent comme la trame d’un épisode qui coûta la vie à 300 000 détenus en quelques mois.
Au-delà de la perspective événementielle proprement dite, qui concerne surtout l’historiographie, le dossier entend également poser le problème des représentations, photos et documentaires, témoignages et constructions post-événementielles épousant les clivages de la guerre froide, mais aussi celui des « pourquoi » d’une mise en récit et en image tout autres qu’innocentes.