La Dame du Job et Les Fruits du Congo peuvent être rassemblés non seulement sous le signe du récit d'enfance ou d'adolescence mais surtout sous celui de ce qu'on pourrait appeler « l'invention des mythologies ». Ces deux romans ont en effet la particularité d'accorder une place prépondérante à ces figures tutélaires - personnages issus de l'imagination des enfants ou adolescents et d'une image (affiche publicitaire, illustration) - que sont la Dame du Job et la grande négresse, ou pour leur forme masculine, plus ténébreuse et moins érotique, l’étrange M. Panado. Ces figures allégoriques très originales font des romans de Vialatte des sortes de fictions au carré où les personnages chimériques deviennent eux-mêmes producteurs des fictions dans lesquelles ils finissent par se perdre. Comme dans le Noé de Giono (1947), le monde inventé se superpose au monde réel pour lui donner une richesse et une profondeur exceptionnelles. On est bien loin ici du « roman traditionnel » balzacien contre lequel le Nouveau Roman va bientôt prendre fait et cause. La brièveté du découpage en séquences, le traitement surprenant de l’événement, l’importance accordée au quotidien, le mélange des genres, la mise en abyme de la représentation, tout concourt à faire de ces deux récits des réussites hors du commun qui méritent d’être découvertes ou redécouvertes.
Dossier critique
Les Fruits du Congo et La Dame du Job d'Alexandre Vialatte
Études réunies par Alain Schaffner
Alain Schaffner, Un romancier « notoirement méconnu », p. 5
Dany Hadjadj, L'écrivain et les militaires : de l’expérience vécue à la création romanesque, p. 9
Catherine Milkovitch-Rioux, Enfances en guerre dans La Dame du Job et Les Fruits du Congo, p. 23
Agnès Spiquel, Le rêve d’un rêve : Dora dans Les Fruits du Congo, p. 37
Anaëlle Touboul, De la folie ordinaire à la folie meurtrière : M. Vingtrinier ou le « génie du néant », p. 49
Anne-Laure Milcent, Les déesses en papier dans La Dame du Job et Les Fruits du Congo, p. 65
Pierre d’Almeida, Province et poésie dans Les Fruits du Congo, p. 77
Delphine Lallet, La mélancolie dans Les Fruits du Congo, p. 87
Denise Buot de l’Épine, Le langage sacré : nommer le monde chez Vialatte, p. 101
Alain Schaffner, « Le Pont du Gard de la littérature » : l’héritage proustien secret d’Alexandre Vialatte, p. 109
Bibliographie, p. 123
Lectures étrangères
Charlotte Thimonnier, Dire le geste : la poétique descriptive de Juan José Sae, p. 127
Romans 20-50
Azucena Macho Vargas, À propos des espaces dans Villa Oasis d’Eugène Dabit, p. 137
Romans contemporains
Christian Donadille, Jean-Christophe Rufin ou la compassion en miroir dans Asmara et La Salamandre, p. 147
Mathilde Barraband, Le roman dépassé. Une histoire fin de siècle autour de P. Bergounioux et F. Bon, p. 159
Cinéma et roman
Flavia Conti, L’espace de la page à l’écran : Vercors, Cocteau et Melville, p. 171
Compte rendus p. 185