À la fin du XIXe siècle, le socialisme français est divisé en organisations rivales avec à leurs côtés des militants qu'on dit « indépendants ». Pour les comprendre, il faut remonter aux débuts de l'Association Internationale des Travailleurs, aux derniers feux du second Empire. Dans les années 1880, ils animent Le Cri du Peuple, La Bataille et La Revue Socialiste en s'aidant des vieux réseaux de l'AIT, de la Commune de Paris et des années d'exil. Pourtant, le poids politique d'un Vallès ou d'un Malon reste bien marginal. Dans la décennie suivante, les enjeux électoraux deviennent primordiaux et exigeaient une étude complète et renouvelée des scrutins de 1889, 1893 et 1898. La victoire socialiste lors des législatives de 1893 est surtout celle des socialistes indépendants ; le programme de Saint-Mandé, accepté par la plupart des partis socialistes est une initiative de Millerand et la volonté d'unité de Jaurès est désormais primordiale.
Loin des querelles qui déchiraient le vieux mouvement ouvrier français, ils apportent une efficacité nouvelle. On les a dit réformistes, anti-marxistes, fédéralistes, idéalistes…, plaquant sur des milliers de militants l'image de quelques leaders. La réalité est plus complexe : au croisement du mouvement ouvrier et des radicaux pour les uns, à l'extrême gauche pour d'autres, ces socialistes indépendants ont avant tout été le reflet de la diversité du mouvement ouvrier français.