Les Mémoires de Simone de Beauvoir nous livrent à la fois une image irremplaçable de l'histoire du XXe siècle, l'autoportrait d’une féministe pionnière et d’une intellectuelle de premier plan, les étapes d’un dialogue ininterrompu avec Sartre. Animé par le souci de tout dire d’une époque et d’une intimité, ce projet n’a guère d’équivalent. La publication de carnets et de journaux jusque-là inédits permet de relire dans une perspective nouvelle l’une des plus impressionnantes entreprises mémoriales jamais écrites par une femme.
Pourquoi, comment Beauvoir a-t-elle écrit ses Mémoires ? Commencée vers 1956, leur rédaction répond à une pulsion introspective ancienne dont témoignent les premiers écrits de la jeune fille. Des allers et retours entre le texte définitif et les journaux intimes (en particulier les Cahiers de jeunesse, récemment publiés, et le Journal de guerre) permettent de mieux comprendre comment Beauvoir mémorialiste propose un texte nouveau, hybride, mêlant l’intime et « l’extime », le personnel et le collectif, l’irruption de l’Histoire et le fil de l’individualité.
Observer dans le détail une telle élaboration, réfléchir à la fabrique des Mémoires et à leur archéologie, ce n’est pas seulement s’intéresser à une question esthétique ou formelle, c’est aborder les enjeux (éthiques, intellectuels) propres à une entreprise littéraire ambitieuse et originale.
Introduction. Une entreprise courageuse et singulière
Beauvoir à contre-courant
S'inscrire dans l'histoire d’un genre dévalorisé
Le statut des textes de Beauvoir : Mémoires ou autobiographie ?
Chapitre I. La fabrique des Mémoires
Les vertiges de la temporalité
Du journal intime aux Mémoires
La Force de l’âge : le journal inséré et mis en scène
Une autre temporalité
La reconstruction du récit de conversion à l’Histoire
La leçon de Gide, ou comment préserver son individualité en temps de guerre
Beauvoir inspiratrice et Sartre incitateur
La concurrence des genres : correspondances, journaux intimes et Mémoires
Beauvoir et Sartre face à l’intime
Chapitre II. Beauvoir avant Beauvoir : les Cahiers de jeunesse
Une nouvelle donne
Un baromètre de l’âme
Oser écrire
Lectures de jeunesse
« Comme tout ce qui m’arrive est important ! »
Une mystique de la lecture
Où des maîtres anciens font leur réapparition
Des Cahiers de jeunesse aux Mémoires d’une jeune fille rangée
Jacques
Entre orgueil et piété
Un creuset de la somme autobiographique
Chapitre III. L’intime et le non-dit
Le geste mémorial différé : le détour par le roman
Le non-dit des Mémoires
Le goût de la vérité
Du non-dit au mensonge
Ce « drôle d’objet » qu’est une vie
Deux formes du vouloir « tout-dire » : Violette Leduc et Simone de Beauvoir
Chapitre IV. D’une guerre à l’autre, ou la conversion politique
Avant la conversion ou « l’ancien optimisme »
La force des Mémoires
L’irruption de l’Histoire : d’une guerre à l’autre
Beauvoir vers le « tout-politique » ?
Retour de l’intime
Un affect politique
Des moments d’engagement militant
Les journaux insérés dans La Force des choses
« Journal d’une défaite » (26 mai-28 octobre 1958) : un journal adressé
Chapitre V. Une ambition totalisante
Des textes gigognes
La tentation du bilan ou l’anti-chronologie
Faire le point
Le bilan des bilans : Tout compte fait
Le paradoxe des Mémoires
Conclusion
Bibliographie