L'esprit des « Lumières » brille d'un éclat particulièrement vif en Prusse-Brandebourg sous le règne de Frédéric II (1740-1786). L'influence rationaliste se manifeste tout spécialement dans le débat théologique qui oppose les théologiens « éclairés » à l'orthodoxie luthérienne repliée depuis près de deux siècles sur ses « Livres symboliques » et la Formule de Concorde de 1580. Pour leur part, les néologues sont regroupés autour de la revue de Friedrich Nicolai, la Allgemeine deutsche Bibliothek (1765-1792), un monument encyclopédique de portée nationale, exerçant une influence incomparable sur un public nombreux, notamment dans le domaine théologique avec ses milliers de recensions d'ouvrages parus au cours de plus d'un quart de siècle. L'ouvrage permet de découvrir l'identité de ces théologiens « éclairés » dont les recensions sont cryptées pour respecter leur anonymat ; il passe en revue les étapes du démantèlement de la dogmatique luthérienne (péché originel, révélation, trinité, la grâce, les oeuvres) ; dépeint l'ébranlement des certitudes propres à la transmission historique d'un dogme originel aux fondements immuables ; évoque quelques controverses entre Kant et les néologues, entre Moses Mendelssohn et Friedrich Heinrich Jacobi ; aborde les affrontements internes entre protestants face à l'avancée du catholicisme. On n'échappe pas à cette réalité que la démolition doctrinale de l'orthodoxie luthérienne est l'oeuvre des néologues luthériens et en aucune façon des réformés. Quant à la politique des Hohenzollern, souverains réformés, de confession ultra-minoritaire depuis la conversion de l'Electeur Sigismond en 1613, régnant sur un pays d'essence luthérienne à tradition provinciale et corporatiste, leur stratégie est restée foncièrement irénique. Évitant tout conflit doctrinal, exigeant la tolérance entre les deux confessions, c'est par des réformes liturgiques (simplification des rituels) et ecclésiales (faisant siéger des Hofprediger réformés dans les consistoires luthériens) qu'ils tissent le lent ouvrage aboutissant en 1819 à la constitution d'une Église Évangélique unifiée.