Collection  : Objet

Collection crée en 1981 par Philippe Bonnefis et dirigé par lui-même. La collection compte 85 titres, le 85e marquant la fin de la collection avec la disparition de son directeur le 5 mai 2013.


Au cœur de chacun de vos livres, il y a comme une boîte noire – une boîte de Pandore – contenant des images qui défient et défont toute figuration. De quelle matérialité relèvent les objets héliotropes de votre œuvre ? Leur présence insolite et bizarre ?

- « Objet » : comme vous avez raison de vous arrêter à ce mot insolite ou bizarre, c'est vrai, j'ai le culte de l'objet. La collection que je dirige aux presses du Septentrion, depuis 1981, je l'ai appelée « Objet ». J'avais à l'époque lesdites presses sous ma responsabilité. Ce qui me donnait le privilège de travailler en étroite collaboration avec les imprimeurs, les maquettistes... J'ai pu de la sorte veiller très directement à la réalisation graphique de ce mot, qui tenait une place gigantesque sur le premier plat de couverture. Il a depuis maigri. Hélas, on se fait vieux. Mais au tout début, quelles rondeurs! Que voulez-vous ? Pour moi, le mot « objet » est rond. Et je ne l'ai choisi que pour cela. Je n'aime pas ce qui est aigu ou trop droit. Je hais le triangle, fantasme de guillotineur. C'est comme cela, et je n'y peux rien, je n'aime que le rond. Il me faut des courbes, comme il en faut à Adami. Si j'étais amateur de science-fiction, je m'intéresserais beaucoup au déplacement des fusées. L'astronomie ne connaît que les espaces courbes ou incurvés. Jamais de lignes droites, pour elle. Choisir le mot « objet » pour une collection, et choisir la forme dans laquelle ce mot apparaîtrait en couverture, valait manifeste littéraire... Comme automobile, en ces années-là, j'avais une « Fuego ». Pas la sportive en pointe de flèche. La toute ronde. Les étudiants, pour me taquiner, disaient quand ils me voyaient au volant: « Tiens, voilà Bonnefis dans son œuf ». Bien trouvé, et tout à fait d'à propos. L'« objet », dans l'image que je m'en faisais, au fond, c'était cela avant tout. Un habitacle, et, pour tout dire, le seul espace habitable à mon sens…

Europe, octobre 2010, n° 978, Au-delà des sources. Entretien avec A. Wald-Lasowski par Philippe Bonnefis p. 311-324. (p. 320)


Hommage à Philippe Bonnefis

La Revue des Sciences Humaines est en deuil.

Philippe Bonnefis nous a quitté le 5 mai 2013, avec lui, elle a perdu celui qui, en compagnie de Jean Decottignies, avait fait d'elle la revue prestigieuse qu'elle est devenue. Il l'avait animée durant vingt ans et continuait d'en être le conseiller attentif. Homme de goût, il ne se souciait pas seulement de la qualité des études critiques qui y sont publiées, il se préoccupait aussi de la maquette de couverture, de la typographie, de la qualité du papier. Il ne négligeait rien. Il manifestait ces mêmes qualités dans la direction de sa collection, « Objet », des Presses universitaires du Septentrion, où sont parus tant d'ouvrages remarquables. Enseignant exceptionnel, il a marqué des générations d'étudiants que ce soit à l'Université de Lille III ou à Emory University (Atlanta). Qui avait assisté une fois à l'un de ses cours ne pouvait plus l'oublier. Chacun d'entre eux était un événement que l'on attendait, de semaine en semaine. Il avait l'art de ménager l'intérêt et de surprendre, l'art, en partant d'un détail négligé, de faire redécouvrir les œuvres les plus connues, comme celle de Maupassant. Beaucoup de ses étudiants, de ses amis, devenus à leur tour professeurs, ont une dette à son égard : il ne ménageait pas sa peine pour les conseiller et leur venir en aide, il les lisait, il les corrigeait, il suggérait, il les publiait. Ce fut, comme aurait dit Ponge, un suscitateur. Tous reconnaissent en lui un maître.
De cet art, ses nombreux livres publiés par les éditions Galilée témoignent : sur Flaubert, Céline, Giono, Michaux mais aussi sur Pascal Quignard ou Claude Louis-Combet, ou encore sur son ami, Valerio Adami, qu'il a traduit et dont il a commenté les portraits. Car il fut de ceux qui ont su porter l'attention sur la littérature contemporaine et en montrer les richesses. Pour qui ne fut pas son étudiant, c'est un legs précieux, stimulant. Car plus que des ouvrages critiques, ces livres sont des essais inventifs où le lecteur savoure à la fois l'œuvre commentée et le verbe de qui la commente : une prose exacte où toute la richesse de la langue est exploitée, chaque mot mis à sa juste place, une prose, qui par son rythme et sa beauté, a une vertu euphorisante. Peintres et écrivains le tenaient pour l'un des leurs. Un dernier livre venait de paraître, comme toujours enjoué autant qu'érudit. Philippe Bonnefis s’y révèle libre comme jamais et c’est aussi de lui qu’il parle entre les lignes: sa manière sans doute de rester parmi nous. Ce livre s’appelle Pascal Quignard, une colère d’orgues : qu’elles sonnent aujourd’hui à sa mémoire.

Gérard Farasse et Dominique Viart

• ISSN : 2780-9099 (en ligne)

• ISSN : 02917335
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Nathalie Barberger
Objet Numéro 37
La Règle du jeu de Michel Leiris et les textes qui la prolongent témoignent, alors même que le mythe du sujet s'est effondré, d'une interminable " fin de partie ". Autobiographie intempestive, l'entreprise de Leiris permet de cerner ces...



Philippe Bonnefis
Mesures de l'ombre
Baudelaire, Flaubert, Laforgue et Verne
Objet Numéro 79
Le soleil se couche sur l'histoire de la peinture. Triomphe de l'image que les Salons de Baudelaire, sans doute. Mais c'est un triomphe au sens où l'entendent les baroques, une pompe funèbre.



Philippe Bonnefis
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Écrire Baudelaire avec un e au commencement, c'est une faut. Le faire exprès, comme on met des moustache à la Joconde, c'est un acte. Mais alors, quel est le sens de cet acte?Goût de l'outrage, geste de dérision, désinvolture? Pas même cela, j'en...



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Claude Leroy
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Gérard Farasse, Philippe Lemaire
Lettres de château
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Spectre(s) de l'écrit fantastique
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C'est une certaine performativité de la lettre fantastique que l'ouvrage s'attache à mettre en lumière, à partir d'un corpus protéiforme et à travers certains motifs...



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Michel Pierssens
Lautréamont
Éthique à Maldoror
Objet Numéro 7
Passionné d'éthique et de littérature, Ducasse avait tout du bon élève qui en sait trop pour pouvoir croire longtemps ses maîtres, mais pas encore assez pour ne plus croire les livres. Les maîtres sont des "sceptiques" à la mode du Second...



François Berquin
Objet Numéro 74
Ce titre-calembour est emprunté à Larbaud lui-même, Larbaud des Étivaux, qui cultive en effet, et dans tous les domaines, l'art de ne pas se plier à la loi du sens unique. L'art beau des équivoques, c’est celui de ne pas se laisser emprisonner dans un...



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