« Toute l'œuvre proustienne est pleine de ces déplacements ; ils y tiennent une place au moins aussi importante que les souvenirs », écrivait Georges Poulet dans l'Espace proustien. Cet ouvrage se propose de faire des 'mobiles’, les instruments du déplacement symptomatique, le point de départ d’une approche et d’une vision originales. Présenter une sorte de 'revue’ inédite, de ‘défilé’ dans la rue – loin des salons – des personnages principaux de la Recherche… en calèche, victoria, landau, chaise de poste, coupé, bicyclette, automobile… Se replacer, pour cela, dans le contexte de la Belle Epoque et de son atmosphère, poser par exemple sur Albertine, la cycliste de Balbec, le regard des polémistes, Sarah Bernhardt, Stéphane Mallarmé… Stigmatiser à travers ces métaphores sexuelles ou sociales toute une société en marche dans une double direction : l’homosexualité ou le déclassement, deux déclinaisons d’un renversement. Appréhender un art nouveau (autre forme de renversement) : celui d’une métamorphose continuelle engendrée, dans tous les domaines, par la fusion des genres, des images et des sons, prodigieusement créatrice, que le déplacement a activée (« les voitures aussi sont des Renoir »). Revivre chacune des grandes rencontres du héros-narrateur ; accompagner le « voyageur voilé » dans ses déplacements, révélations, et émotions. Approcher ainsi la genèse de l’écriture de la Recherche du temps perdu de manière dynamique, en direct, en soulignant son ancrage dans une réalité mouvante. Prendre le parti de « l’Age des choses » (un des trois titres que Proust en 1913 encore, envisageait de donner à l’un des trois volumes de la Recherche) pour, à l’instar du narrateur avec des choses humbles, accéder à une écriture, un style, une révélation, un plaisir aussi. Chemin faisant, intercepter, kaléidoscopique, l’histoire de la Recherche, de Combray aux grandes avenues parisiennes (côté Swann, côté Guermantes), de Balbec à Montjouvain (côté Sodome et Gomorrhe), et deviner, sous-jacente la vie vécue de son auteur.