Le maurrassisme et la culture

L'action française, culture, société, politique (III)
First Edition

Il s'agit ici d'aborder la politique et le culturel non seulement par l'histoire des idées mais par l’histoire des moments, des lieux et des effets que suscite la pensée de Charles Maurras.


Il s'agit ici d'aborder la politique et le culturel non seulement par l'histoire des idées mais par l’histoire des moments, des lieux et des effets que suscite la pensée de Charles Maurras. Read More

L'Action française a de multiples facettes et le maurrassisme dépasse la personne et l'œuvre propre de Charles Maurras. Après une première série d'études sur les héritages, les milieux sociaux ou religieux, les cas régionaux et les vecteurs de diffusion du mouvement (L’Action française. Culture, société, politique, Septentrion, 2008), une deuxième rencontre a explicité les relations du doctrinaire avec ses interlocuteurs étrangers ainsi que la réception et les usages du maurrassisme hors de France (Charles Maurras et l’étranger. L’étranger et Charles Maurras, Peter Lang, 2009).
Ce troisième ensemble est plus spécifiquement consacré au maurrassisme et à la culture, aux liens entre politique, philosophie et esthétique. En effet, à l’Action française, le projet culturel est central. Fondé sur un corpus d’idées puisées dans des registres variés et diffusées selon des modalités diverses, porté par des individus ou des acteurs collectifs, bénéficiant d’appuis et de relais, le maurrassisme est un objet pluriel qui relève d’une histoire à la fois politique, sociale et culturelle. Son étude requiert, comme c’est le cas ici, les analyses menées en commun par des spécialistes français et étrangers, venus de diverses disciplines.
Les succès indéniables que rencontre l’Action française dans le domaine culturel conduisent à s’interroger, en retour, sur l’originalité des thèmes avancés par les maurrassiens et sur les résultats obtenus par un mouvement fondé d’abord sur le primat du politique.


Paperback - In French 26.00 €

Specifications


Publisher
Presses Universitaires du Septentrion
Edited by
Olivier Dard, Michel Leymarie, Neil McWilliam,
With
Bénédicte Vergez-Chaignon, Christian Amalvi, Francis Balace, Gartano DeLeonibus, Christophe Dickès, Jane Fulcher, Guillaume Gros, Michel Grunewald, Martha Hanna, Laurent Joly, Grégoire Kaufmann, Robert Kopp, Gerd Krumeich, Ludovic Morel, Priscilla Parkhurst-Ferguson, Michela Passini, Carole Reynaud-Paligot, Thomas Roman, Philippe Secondy, Michael Sutton, Jean-Michel Wittmann,
Collection
Histoire et civilisations
ISSN
12845655
Language
French
Publisher Category
Septentrion Catalog > History > Contemporary History
Publisher Category
Septentrion Catalog > History
BISAC Subject Heading
HIS000000 HISTORY
Onix Audience Codes
05 College/higher education
CLIL (Version 2013-2019)
3377 HISTOIRE
Audience
Historiens et public cultivé
Title First Published
03 June 2010
Subject Scheme Identifier Code
Thema subject category: History
Includes
Index, Appendices

Paperback


Publication Date
03 June 2010
ISBN-13
978-2-7574-0147-7
Extent
Main content page count : 370
Code
1216
Dimensions
16 x 24 cm
Weight
593 grams
List Price
26.00 €
ONIX XML
Version 2.1, Version 3

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Contents


test sommaire


Excerpt


De Drumont à Maurras, une veine pamphlétaire

Résumé

Recours à l'injure antisémite, véhémence du verbe, attaques ad hominem, volonté de susciter la violence ligueuse : la parole pamphlétaire maurrassienne emprunte largement aux écrits de Drumont. Cette imprégnation remonte à la fin des années 1880, lorsque le jeune Maurras, critique à L'Observateur français, applaudissait aux charges de Drumont contre la « République juive », les abus du capitalisme et les errements de la société moderne. Tout au long de sa carrière, il ne cessera de se référer au combat du « pape de l'antisémitisme », estimant, comme l'écrit Léon Daudet, que les livres de Drumont « font partie du bagage intellectuel de tout royaliste d'Action française ». Néanmoins, dans les années 1900, à mesure que progresse son influence dans les milieux nationalistes, Maurras affirme de plus en plus ouvertement sa différence. Enfant du siècle romantique, Drumont exalte la puissance de l'imagination et de la sensibilité, valorise l'intuition au détriment de la sèche intellectualité, vibre à l'unisson d'une « voix intérieure » de nature mystique, supérieure à la raison. Nul élan semblable chez Maurras, qui reproche à Drumont la nature irrationnelle de ses écrits, son pessimisme, son incapacité à jeter les bases d’une méthode d’action cohérente et, surtout, son romantisme. Le style pamphlétaire du théoricien royaliste reflète ces divergences. Même dans ses éditoriaux les plus agressifs, Maurras fait montre d’une colère froide, cherche à rationaliser ses haines, se méfie des emportements de la passion : le théoricien perce toujours derrière le journaliste de combat. Polémiste dans l’âme, Drumont ne partage pas ces exigences, comme en témoigne la violence débridée de ses écrits.

Summary

Recourse to anti-semitic insults, verbal violence, ad hominem attacks, a willingness to encourage partisan violence: Maurras’s polemical style shares much with the work of Drumont. This influence reaches back to the late 1880s, when the young Maurras, then a critic at the Observateur français, praised Drumont’s assaults upon the "Jewish Republic", capitalist abuses and the deviations of modern society. Throughout his career, he continually alluded to the battles of the "Pope of anti-semitism", judging, in Léon Daudet’s words, that Drumont’s books "are part of the intellectual baggage of every royalist in the Action française". Nonetheless, during the 1900s, as his influence within nationalist circles grew, Maurras increasingly insisted on points of difference. A child of the romantic century, Drumont praised the power of the imagination and sensibility, favored intuition over dry intellectualism, and responded sympathetically to a mystical "interior voice" that was superior to reason. There is none of this in Maurras, who criticized the irrational nature of Drumont’s writing, his pessimism, his inability to lay the foundations for a method of coherent action, and, above all, his romanticism. Even in the most aggressive of his editorials, Maurras reveals a cold anger, attempts to rationalize his hatreds and distrusts being carried away by passion: the theoretician always emerges behind the partisan journalist. A polemicist to the core, Drumont shares none of these concerns, as is demonstrated by the unrestrained violence of his writing.


Léon Daudet pamphlétaire

Léon Daudet (1867-1942) occupe une place à part au sein de l'Action française. Attiré très jeune par le projet de société préconisé par les monarchistes, il met sa fougue au service du prétendant au trône de France, tout en adhérant aux perspectives théoriques des «nationalistes de raison » définies par Charles Maurras. Tribun reconnu, il arpente les tribunes électorales et utilise de manière frénétique sa plume pour propager les idées chères à ses deux mentors tout en prenant plaisir à brosser des portraits au vitriol de ses contemporains. Car le fils du célèbre Alphonse Daudet se délecte du genre pamphlétaire, comme en témoignent les cent-vingt-huit ouvrages et les milliers d'articles publiés dans de nombreux journaux. Ses souvenirs des années 1890 à la Grande Guerre présentent les ressorts d’une veine pamphlétaire qui se focalise de manière obsessionnelle sur les républicains, instrumentalisés à ses yeux par les juifs. Ses textes sont nourris par un antisémi-tisme haineux calqué sur celui d’Édouard Drumont, qu’il considère comme « un historien et critique génial des phénomènes sociaux ».

An emblematic figure within the Action française, Daudet was a prolific writer, publishing 128 books and thousands of articles. Defining himself as a "cultural historian" of his era, Léon Daudet paints a highly colored picture of political and cultural relations during the Third Republic. In this paper, which explores the years before World War One, we examine the early writings of Daudet (who was born in 1867), focusing particularly on the “Jewish question”. The Dreyfus Affair is an obsessive theme in which, like his friend Edouard Drumont, Daudet evokes a Jewish plot as a convenient key for understanding developments during “the Stupid Nineteenth Century”. In most of his work, he argues that the “Jewish race”, supported by anti-patriotic intellectuals, lent support to republican government in the virulent political campaigns against the church and the army that were so prominent during the Belle Epoque. The “butchery of 14-18” was said to be directly related to this evolution which Daudet condemned through his commitment to a mix of partisan action and literary attacks.


Jacques Banville, une critique culturelle éphémère ?

Avant de devenir le chroniqueur de politique étrangère bien connu ou l'historien vulgarisateur et engagé, Jacques Bainville entre dans la carrière littéraire par une série de critiques littéraires de 1901 à 1908. Par ailleurs, son éclectisme l’amène aussi à s’essayer, pendant une année, à la critique théâtrale en 1912. Classé à l’extrême droite dans l’historiographie contemporaine, le cercle politique dont Bainville faisait partie fera l’objet de quelques commentaires dans le sens de la nuance. Les critiques culturelles qu’il écrit dans plusieurs journaux avant la Grande Guerre en sont des exemples évidents. A la fois classiques et conservatrices, elles savent aussi apprécier la nouveauté et l’originalité. Elles peuvent douter des hauteurs de vue et du classicisme extrême d’un Maurras, tout en refusant le ro-mantisme, le naturalisme et le sentimentalisme du XIXe siècle. Quant au style, Bainville peut se révéler tranchant, mais aussi faire preuve de finesse et de nuance. Surtout, on décèle dans cette œuvre une réelle sensibilité que l’on dira absente de son œuvre d’après-guerre. Il apparaît finalement que le constat de René Rémond sur la complexité des composantes et des piliers de l’Action française se trouve une nouvelle fois confirmée.

Before emerging as a well-known commentator on foreign affairs or a popularizing and militant historian, Jacques Bainville initiated his literary career with a series of book reviews written between 1901 and 1908. Moreover, his eclecticism also led him towards theatrical revieing, which he undertook during 1912. Bainville’s political circle, seen as part of the extreme right in contemporary historiography, is here reconsidered. The cultural criticism written for a number of journals before World War One offers an obvious example. At once classical and conservative, they also evince appreciation for novelty and originality. They reveal skepticism for the imperiousness and extreme classicism of Maurras, while repudiating 19th-century romanticism, naturalism and sentimentalism. Stylistically, Bainville is at once trenchant, but also capable of finesse and subtlety. Above all, his work reveals a real sensibility apparently missing in his post-war work. Bainville’s example once again confirms René Rémond’s assessment of the complexity of the constitutive members and leadership of Action française.


Autour de la Revue critique des idées et des livres

L'histoire de la Revue critique des idées et des livres, modestement lancée en avril 1908, est attachée aux deux années précédant la Grande Guerre, qui signent le succès et la reconnaissance symbolique d’une revue alors luxueusement éditée, tirant à plus de 3000 exemplaires, qui s’impose comme l’organe officiel du néo-classicisme et la seule rivale de la NRF : plusieurs numéros spéciaux font date, notamment un « Stendhal » en mars 1913, qui marque le début des études stendhaliennes en France. Ce succès vient consacrer le travail d’un groupe de jeunes intellectuels réunis par la fréquentation du salon de la comtesse de Courville, la célèbre et influente amie de Barrès et Maurras, et soudés derrière leur directeur Jean Rivain. Nés au milieu des années 1880, Gilbert, Clouard, Longnon ou Marsan appartiennent à la première génération des disciples formés par Maurras, la première à le considérer comme un « Maître »… et la première à se séparer de l’Action française.
Cette première (et méconnue) « dissidence » met en jeu un classique affrontement de générations et toute une série de luttes d’ambition internes aux jeunes maurrassiens. Jusqu’en 1910, la RCIL est tenue par le groupe de Georges Valois et de ses amis, qui tente de faire de la revue la tribune du rapprochement entre antidémocrates de gauche et de droite… À partir de 1911, Rivain reprend la main sur la RCIL, avec le dessein d’en faire une revue de haute tenue littéraire et intellectuelle. Les prétextes politiques et philosophiques mis en avant par Maurras au moment de la rupture de février 1914 (Stendhal, la défense de Bergson) cachaient cet affrontement de personnes et une hostilité de plus en plus irrémédiable à l’égard d’un jeune homme riche, arrogant et jalousé, dont les succès semblaient autoriser la prise de liberté avec la « ligne du parti » et faisaient ombrage à la vieille revue grise fondée par Vaugeois…

The history of the Revue critique des idées et des livres, modestly launched in April 1908, is closely tied to the two years preceding the Great War, which sealed the success and symbolic recognition of the luxuriously produced review with a print-run in excess of 3,000, and established it as the official mouthpiece for neo-classicism and the only rival of the N.R.F. (several special issues were of particular importance, notably the March 1913 number dedicated to Stendhal, which marks the beginning of Stendhal studies in France).
This success consecrated the efforts of a group of young intellectuals who fre-quented the salon of the Comtesse de Courville, a celebrated and influential friend of Barrès and Maurras, and were close to the publication’s editor, Jean Rivain. Born in the mid 1880s, Gilbert, Clouard, Longnon and Marsan belonged to the first generation of disciples around Maurras, the first to regard him as a "Maître" . . . and the first to break with the Action française.
This first (and little known) “dissidence” brings into play a classic generational conflict alongside a range of struggles generated by internal ambitions amongst the young Maurrassians. Until 1910, the RCIL was controlled by Georges Valois and his friends, who attempted to make the review a tribune for the rapprochement between anti-democrats of left and right. After 1911, Rivain took control of the RCIL, intending to turn it into a literary and intellectual review of high standing. The political and philosophical excuses that Maurras put forward when he broke with the group in 1914 (Stendhal, the defense of Bergson) concealed personal rivalries and particularly the increasingly deep-rooted antipathy towards a wealthy and arrogant young man who used his success to allow himself to break with the “party line”, generating resentment at the “revue grise” that had been founded by Vaugeois.


L’indépendance avec ou sans Maurras ?

L'Indépendance (1911-1913), revue traditionaliste dirigée par Georges Sorel et le jeune nationaliste Jean Variot, est l'une des nombreuses revues éphémères de la Belle Époque. Son étude présente un double intérêt : malgré son projet culturel et artistique, la revue, par son discours antimoderne et les évolutions de ce dernier, est aussi -et surtout- un outil de combat, montrant qu'en ce temps de « sortie » de l'Affaire Dreyfus et dans ce milieu, il ne peut y avoir de discours sans politique. L'étude de l'Indépendance permet aussi de comprendre la difficulté d'une prise de position dans un microcosme intellectuel polarisé. L'Indépendance a ainsi manqué d'une ligne claire permettant de la singulariser dans un champ magnétisé par l'Action Française et dans lequel maintes revues se concurrencent. Née de l'échec de la rencontre entre soréliens et maurrassiens, l'Indépendance meurt également d'un amalgame fait entre sa production, la figure de Sorel et ceux que ce dernier appellera par la suite « les pipelets du nationalisme ». Force incontournable, l'Action Française acquiert alors une aura contagieuse, rendant malaisé tout positionnement analogue mais autonome à son égard : L'Indépendance est porteuse à la fois de cette volonté d'autonomie et de cette contagion.

L'Indépendance (1911-1913) was one of a number of short-lived reviews to appear during the Belle Epoque. This traditionalist review, edited by Georges Sorel and the young nationalist Jean Variot, warrants examination for two reasons. L'Indépendance despite being a culture and arts journal, was above all a weapon into the political fray of its times, with its evolving anti-modernist message. A study of the review reveals the extent to which all discourse - especially in this milieu and with the Dreyfus Affair in the headlines - was political discourse. A second way that l'Indépendance rewards scholarly attention is with a greater understanding of the difficulty of positioning oneself or one's journal in the polarized Parisian microcosm. L'Indépendance was never able to establish a clear editorial line in an intellectual force field dominated by the magnetism of the Action Francaise and at the same time cluttered with innumerable reviews. Born out of the impossibility of an entente between followers of Sorel and those of Charles Maurras, l'Indépendance would soon die of an overly-close identification with the figure of Georges Sorel and with those that Sorel had labeled "chirping nationalists". L'Action Française was an undeniable force to be reckoned with at the time, developing a sort of contagious aura that infected any entity attempting to position itself independently in the same sphere as the A.F. Sorel's review caught this contagion and succumbed to its own indépendance.


Les chroniques de la vie ordinaire dans L’Action française

Quels seraient les rapports entre un organisme à forte présence politique et la façon dont il véhicule la vie dite ordinaire ? Y aurait-il des domaines d'où la politique serait exclue ? Ou bien l’impulsion idéologique s’infiltre-t-elle jusque dans les recoins apparemment à l’abri du conflictuel ? L’Action française fait-elle œuvre de propagande dans ses chroniques de la vie quotidienne : les sports, la bourse, les chats et chiens écrasés, et même les rubriques codées féminines telles la mode et la cuisine ? Des sondages (non systématiques) dans le quotidien de 1908 à 1934 saisissent la complexité d’une réponse éventuelle à cette question de l’identité du journal politique. Si bon nombre de chroniques, voire la plupart, sont dépourvues de résonance idéologique, d’autres s’inscrivent bien dans un discours immédiatement reconnaissable. La mode et la cuisine/gastronomie, elles aussi, traduisent à l’occasion les préoccupations du journal.
L’adresse des chroniques « féminines » se voit particulièrement bien dans les écrits de Marthe Allard Daudet, l’épouse de Léon connu sous le nom de « Pampille ». Bien qu’elle signe des articles de mode aux débuts de l’Action française, Pampille doit sa renommée à ses écrits sur la cuisine, notamment Les Bons Plats de France (1913, rééditions en 1927 et 2008). Elle ne semble pas avoir écrit directement dans le journal sur les sujets culinaires—il est douteux qu’elle se cache sous « Ravigote » qui se charge du Carnet du gourmet dans les années vingt. Il n’empêche que le « chauvinisme culinaire » animant les recettes qu’elle propose identifie le discours culinaire qu’elle tient aux courants de pensée du journal. Malgré les affinités électives entre ce discours et L’Action française, force est de reconnaître que ce discours, la promotion déterminée de la cuisine française sur laquelle il insiste, dépasse, et de loin, ce seul journal. Les thèmes qui sont chers à Pampille— les traditions culinaires et le rejet de nouveautés dites modernes, l’éloge de la cuisi-nière qui incarne ces traditions— ne lui sont pas propres. Une France qui sort de la Grande Guerre se replie sur ce qu’elle a de solide. En fait, Pampille devance la remise en valeur gastronomique des provinces des années vingt. La force du discours culinaire réside précisément dans ce qu’il réunit dans une même fête toutes les France, toutes les obédiences, tous les partis.

What connects a highly politicized vehicle such as l’Action française to the ordinary, everyday matters that a newspaper necessarily conveys? Are there areas from which politics is excluded or does the political affect every aspect of the medium? A sample of l’Action française culinary and fashion columns from 1908 to 1935 suggests the complexity of any connection. On the one hand, like the advertisements, probably most of these columns have no obvious or even understated political connotations. On the other, like just about every other type of column, both fashion and cuisine lend themselves to strong ideological assertion.
Although Mme Léon Daudet, aka "Pampille," does not seemed to have signed any culinary columns for l’Action française, she was associated with both the newspaper and cuisine. Yet, while Les Bons Plats de France (1913, 1927, 2008) fits well with the nationalism espoused by l’Action française, the culinary nationalism (or chauvinism) that Pampille espouses— insistence on the indisoluble tie between cuisine and place, the construction of France through its regions— reaches well beyond this particular medium. In Pampille’s culinary constructions, the country emerging from a devastating war fell back on its traditions. The strength of this culinary discourse lies in its capacity to bring together all parties, all ideologies in a celebra-tion of France.


Le maurrassisme face aux philosophies bergsonienne et blondélienne

Le maurrassisme en tant que système philosophique, ancrant une véritable philosophie politique, est presque mort-né. Le positivisme de Charles Maurras est en effet vite démodé. A la veille de la Grande Guerre, deux philosophies de l'action se présentent aux jeunes gens nés vers 1890 et animés de sentiments nationalistes ou patriotiques : l’une de Henri Bergson et l’autre de Maurice Blondel. La philosophie bergsonienne a le vent en poupe, tandis que la philosophie blondélienne se trouve marginalisée ou est à peine connue. Après la guerre les cartes sont redistribuées. Le bergsonisme s’estompe ; la philosophie de Blondel fait sa percée ; et l’Action française arbore enfin son propre pôle philosophique, représenté par le thomisme de Jacques Maritain. La condamnation romaine de 1926 prive le mouvement de cet apport considérable. Dès lors, le maurrassisme perd tout ancrage philosophique valable.

If one considers "maurrassisme" as a set of ideas that includes a political philosophy purporting to carry conviction, it may be considered to have been virtually stillborn, inasmuch as the Positivism of Charles Maurras was not in keeping with the intellectual climate of the day in the early twentieth century. In the years preceding the Great War, for the young generation animated by nationalist or patriotic sentiment—those born around 1890—there was a choice of “philosophy of action”, either that of Henri Bergson or that of Maurice Blondel. The philosophy of the former rode then on the crest of the wave, whereas interest in Blondel’s philosophy was much more circumscribed. The position changed after the Great War. Bergson’s philosophy lost some of its power of attraction; the influence of Blondel widened; and the Action Française came by the first half of the 1920s to have its own distinguished philosopher in the person of Jacques Maritain, whose Thomism provided some sort of backing for Maurras’s idea of an alliance between Positivists and Catholics. The Vatican condemnation of 1926 deprived the Action Française of this considerable asset. Henceforth, “maurrassisme” lacked any proper philosophical compass.


Gide, un anti- Maurras ?

Maurras a exercé sur Gide une influence ambivalente et relativement durable, notamment de la querelle de 1903 jusqu'à la publication des Faux-Monnayeurs, en 1925. Comme écrivain et comme chef de la N.R.F., Gide a été souvent contraint de définir sa position idéologique, mais aussi littéraire, face à Maurras et à l’Action française, dans le contexte d’une réaction générale contre la décadence, propre à mettre en question la définition même de l’écrivain et de la littérature. En 1903, Gide affronte Maurras sur le terrain idéologique, en débattant de la thèse barrésienne du racinement. Dans les années suivantes, il se rapproche de Maurras et de l’Action française, tout en continuant de prôner une nette séparation entre l’art littéraire et l’engagement politique. Il subit fortement l’attraction du maurrassisme durant la Grande Guerre, avant de prendre ses distances en redéfinissant la fonction de l’écrivain, dès 1920, puis de faire l’inventaire du maurrassisme dans Les Faux-Monnayeurs. La relation entre Gide et Maurras épouse donc assez exactement la courbe générale du rayonnement de Maurras dans le monde intellectuel et littéraire, de l’Affaire au milieu des années 20.

Maurras’s influence on Gide was ambiguous and relatively prolonged, particularly between their quarrel in 1903 and the publication of Les Faux-Monnayeurs in 1925. As a writer and head of the N.R.F., Gide was forced to define both his ideological and, frequently, his literary position in relation to Maurras and the Action française, within the context of a broader reaction against decadence that served to call into question the very definition of the writer and of literature.
In 1903 Gide confronted Maurras on ideological terms, in the debate over Barrès’s ideas on "rootedness". Subsequently, he drew closer to Maurras and Action française, all the time calling for a clear distinction between the art of literature and political commitment. He was strongly attracted by Maurrassism during the Great War, before taking his distance through a re-evaluation of the writer’s role around 1920, and his inventory of Maurras’s ideas in Les Faux-Monnayeurs. Gide’s relation-ship with him thus precisely follows the general curve of Maurras’s impact on literary and intellectual life from the Dreyfus affair to the mid-1920s.


Maurras et la notion de race

Maurras reste en dehors de la grande fascination qu'éprouve la communauté intellectuelle fin de siècle pour les sciences naturelles et plus précisément pour l’anthropologie raciale. Il demeure avant tout un littéraire, un poète plus fasciné par la littérature, l’histoire des civilisations que par les sciences naturelles. Ses écrits concernant les origines nationales de la France nous montrent néanmoins qu’il conçoit bien l’existence d’une « race française » dont il a décrit les composantes indigène, celte puis et surtout latine. Maurras évalue la proportion de sang fourni par chacun de ces éléments, tout comme les caractéristiques culturelles qui leur sont attachées. Maurras adhère au paradigme de son temps qui fonde les particularités culturelles sur des spécificités biologiques qui se transmettent d’une génération à l’autre grâce à l’hérédité. Cependant il se démarque des analyses qui font de l’élément racial le seul facteur explicatif des phénomènes historiques. Sa minimisa-tion du rôle du facteur racial tient aussi à sa volonté de se démarquer des théories raciales nazies.

Maurras was unaffected by the fascination amongst the intellectual community of the fin-de-siècle with the natural sciences, and with racial anthropology in particular. A poet and literary figure above all else, he found literature and the history of civilizations more compelling than the natural sciences. His writings on France’s national origins nonetheless show that he did believe in the existence of a « French race » whose indigenous elements – Celtic and particularly Latin – he describes. Maurras evaluates the contribution of each group’s bloodline, at the same time as their corresponding cultural characteristics, and follows the contemporary paradigm according to which cultural characteristics were rooted in biological specificity transmitted from one generation to another through heredity. Yet Maurras stands apart from analyses that saw race as the only explanatory factor for historical phenomena. This downplaying of race also relates to his desire to distinguish his ideas from the Nazis’ racial theories.


Contre Kant et la Kultur. La critique culturelle de l’Action française pendant la Grande Guerre

La croyance selon laquelle le renouveau politique, social et culturel de la France dépendait de la réorientation de ses valeurs intellectuelles est un élément constitu-tif de l'idéologie de l’Action française. Charles Maurras fit de cette exigence la pièce centrale de son ouvrage L’Avenir de l’intelligence, publié pour la première fois en 1905 ; la création de l’Institut d’Action française l’année suivante prouva le sérieux de la détermination qu’avait le mouvement d’effectuer une réorientation radicale de la vie intellectuelle française. Mais si les arguments et le programme de l’Action française précédèrent la Grande Guerre, ce sont les débats intellectuels des années de guerre -et plus particulièrement la discussion incessante et passionnée au sujet des mérites et défauts de la philosophie kantienne- qui permirent aux néo-monarchistes de s’en prendre aux défenseurs de la Troisième République. Ceux-ci conférèrent à l’Action française une réputation de prescience intellectuelle qui aurait manqué avant 1914. La critique des principes kantiens fournit donc au mouvement le moyen idéal de combattre de manière continue à la fois l’ennemi allemand et la Troisième République.

Fundamental to the ideology of the Action française was the belief that the political, social, and cultural renewal of France depended upon a reorientation of intellectual values. Charles Maurras made this claim the centerpiece of his extended essay, L’Avenir de l’intelligence (first published in 1905), and the creation of the Institut de l’Action française a year later demonstrated how serious the movement was in its determination to effect a radical reorientation of French intellectual life. But if the intellectual arguments and agenda of the Action francaise predated the Great War, it was the intellectual debates of the war years – most particularly an ongoing, impassioned debate about the merits and flaws of Kantian philosophy that continued to pit neo-royalists against defenders of the Third Republic – that bestowed upon the Action française a reputation for intellectual prescience that it had lacked prior to 1914. In it persistent critique of Kantian principles the Action française found the perfect vehicle for waging intellectual warfare against both the German enemy and the Third Republic.


Les germanistes français et le maurrassisme : le cas de Louis Reynaud

Louis Reynaud (1876 - 1946) fut, parmi les germanistes français de sa génération, le seul dont on puisse affirmer qu'il fut proche de l’AF. Les sept ouvrages qu’il a consacrés spécifiquement à l’Allemagne et aux relations franco-allemandes n’en font cependant pas un isolé parmi les germanistes français. Car ils reflètent aussi la doxa qui, à l’époque, était commune aux germanistes français et aux romanistes allemands et reposait sur la conviction qu’existaient des identités nationales figées et irréductibles les unes aux autres. Chez les germanistes français, cette conviction se traduisait par la mise en relief d’un comportement spécifique des Allemands que la plupart d’entre eux faisaient remonter à la Réforme, censée avoir engendré un repli sur elles-mêmes de «l’âme allemande» et de la nation allemande.
L’autre fondement du consensus évoqué ici était une attitude parfois très critique envers le romantisme, dont Reynaud fut parmi ses pairs l’un des porte-parole les plus constants. Cet antiromantisme postulait que l’Allemagne était placée « aux antipodes de l’esprit latin, surtout français ». Comme le Maître de l’AF, Reynaud estimait que l’Allemagne représentait le principe radicalement opposé à la France, seule fille légitime d’Athènes et de Rome. Il estimait qu’au bout de deux millénaires les Allemands demeuraient des barbares qui n’avaient jamais eu la capacité de se doter de manière autonome d’une «règle» et, que contrairement aux Français, ils n’étaient pas spontanément accessibles à des discours fondés sur la raison. Il était légitime, de ce fait, à son avis, de les considérer comme inférieurs aux Français qui, eux, avaient permis à la seule véritable culture, le classicisme, de se développer.

Louis Reynaud (1876 – 1946) is certainly the only French Germanist of his generation who sympathized with Action Française. However, he does not have an isolated status among this group as his writings also reflect the doxa shared at the time by French Germanists and German Romanists. In fact, their publications on the neighbouring country reveal to a great extent that certain issues of Maurras’s movement were close to a general consensus shared by members of the scientific community of that period.
This consensus was first and foremost based on the firm belief that national identities were inalterable and incompatible. French Germanists strongly believed in a specific type of German behaviour which could be traced back to times of the Reformation, resulting in a nationalistic fallback of the "German soul" and the German nation.
Another element of this consensus was a sometimes over-critical attitude towards Romanticism of which Reynaud, like AF in general, was one of the most constant exponents. This anti-romanticism was based in Reynaud’s as well as Maurras’s writings on the idea that German nature was “the antithesis of the 'esprit Latin’, in particular the French one”.
Reynaud was convinced that the German character was diametrically opposed to the French, France being the sole legitimate and authentic trustee of the values of civilisation going back to Greco-Roman antiquity. He believed that even after 2,000 years the Germans were still barbarians. For Reynaud, the Germans had never had the capacity to develop a “rule” by themselves and, unlike the French, had never been spontaneously open to discourse based on reason which does “not recognize the individual, but only the general”. It was thus legitimate from Reynaud’s point of view to consider the Germans as inferior to the French who had enabled the development of the one and only true culture – classicism.


Maurras, lecteur de Rousseau et de Chateaubriand

Le propos n'est pas ici de traiter le sujet dans son ensemble et de traverser toute l’œuvre de Maurras, mais d’étudier un court texte de sa trentième année : Trois idées politiques : Chateaubriand, Michelet, Sainte-Beuve. Publié en 1898 et réédité en 1912 et en 1925, ces pages fondatrices du système de Maurras appartiennent d’abord à un contexte historique : l’affaire Dreyfus, un nationalisme revanchard de plus en plus exacerbé et, concernant Rousseau et Chateaubriand, l’anti-romantisme toujours plus virulent des maîtres à penser de l’heure : Brunetière, Faguet, Lemaître, Lasserre, Bainville et bien d’autres. Il a ses racines dans la réaction néo-classique qui com-mence dès la fin de la monarchie de Juillet et s’amplifie durant tout le Second Empire. À la fin du siècle, cet anti-romantisme devient politique. L’extension du romantisme à Rousseau permet de faire du romantisme non seulement la conséquence mais la cause de la Révolution française.
Maurras, par une dialectique implacable et un sens du paradoxe qui fait le succès de certains de ses écrits, montre que la droite a tort de célébrer Chateaubriand, promoteur de l’anarchie révolutionnaire dans le sillage de Rousseau, que la gauche se trompe en reconnaissant en Michelet l’homme du peuple aspirant à sa souveraineté, alors qu’il reste un auteur attaché à la tradition. La synthèse étant représentée par « l’empirisme organisateur » de Sainte-Beuve, le romantique repenti. Se dessine à travers ses affirmations péremptoires tout le système de pensée de Maurras, tel qu’il apparaîtra dans L’Avenir de l’intelligence ou dans L’Enquête sur la monarchie, un système qui reposera sur l’alliance entre le positivisme (Comte ayant pris la place de Sainte-Beuve), le monarchisme, le catholicisme et le nationalisme intégral.

Rather than treating the subject as a whole as revealed in Maurras’s complete writings, we analyze here a brief text written when he was thirty years old: Trois Idées politiques: Chateaubriand, Michelet, Sainte-Beuve. Published in 1898 and reissued in 1912, these foundational pages of Maurras’s system belong first of all to a context that must be specified: the Dreyfus affair, a declining revanchard nationalism and, in regard to Rousseau and Chateaubriand, an increasingly virulent anti-romanticism promoted by the influential thinkers of the day – Brunetière, Faguet, Lemaître, Lasserre, Bainville and many others. Its roots lay in the neo-classical reaction that dated back to the end of the July Monarchy and the Second Empire. At the end of the century, this anti-romanticism acquired political overtones. By extending it back to Rousseau, Romanticism could be viewed not only as a result, but as a cause, of the French Revolution.
Through his implacable sense of dialectic and a sense of paradox which enhances certain of his works, Maurras demonstrates the right’s error in celebrating Chateaubriand, who had followed Rousseau in celebrating revolutionary anarchy, and the left’s mistake in regarding Michelet as a man of the people committed to their sovereignty when he was in fact an author dedicated to tradition. Synthesis was represented by the "empirisme organisateur" of the penitent Romantic, Sainte-Beuve. Through such implacable affirmations, Maurras’s complete system of thought emerges, just as it would appear in L’Avenir de l’intelligence or the Enquête sur la monarchie, a system founded upon the alliance between positivism (with Comte taking over the role of Sainte-Beuve), monarchism, Catholicism, and integral nationalism.


Discordances dans l’interprétation du classicisme maurrassien

L'interprétation du classicisme maurrassien telle qu’on la retrouve chez Pierre Lasserre et Henri Clouard, respectivement critiques littéraires à l’Action française et à la Revue critique des idées et des livres, émane de la dialectique de la confession—révélation-méditation-conversion—régénératrice du moi et de l’esthétique politique maurrassiens. Mais, à l’apogée de la querelle du classicisme en 1913, une discordance se manifeste. Dans leur enthousiasme, les adeptes établissent un cortège d’auteurs classiques dans lequel s’infiltrent des figures littéraires jusqu’alors exclues par le veto du maître. Accusé de nietzschéisme et cherchant à se justifier auprès de Rome, Maurras dénonce les jeunes « lettrés » de la Revue critique qui venaient de consacrer un numéro spécial à Stendhal et de créer un Prix Stendhal. Clouard et Lasserre se détachent alors de l’Action Française et pendant des années « confieront » à leurs écrits le regret d’une esthétique politique maurrassienne close.

The interpretation of Maurrassian classicism by Pierre Lasserre and Henri Clouard, respectively critics at L’Action française and La Revue critique des idées et des livres, emanates from the dialectic of confession—revelation-meditation-conversion—restorer of the Maurrassian self and aestheticized politics. But, at the climax of the quarrel over classicism in 1913, discordance emerges. In their interpretative enthu-siasm, disciples establish a train of classical authors within which appear literary figures until then excluded by their "maître." Accused of Nietzcheism and seeking to justify himself to Rome, Maurras denounces his young “lettrés” at the Revue critique who had dedicated a special issue to Stendhal and created a Prix Stendhal. Clouard and Lasserre distance themselves from the Action Française and for years would confide their disappointment with a Maurras whose aestheticized politics remained exclusionary.


L’anti-romantisme des maurrassiens

La publication en 1907 de la thèse de Pierre Lasserre, Le Romantisme français, marque un moment important dans l'évolution d’un débat qui s’est déroulé entre les années 1890 et la Deuxième Guerre mondiale. La critique du romantisme s’articule à travers un champ intellectuel très large, mais c’est Charles Maurras et l’Action française qui ont dominé le discours antiromantique et lui ont donné une cohérence idéologique capitale pour la définition des termes du débat.
Ce discours révèle ses liens avec la crise de la masculinité, notée par les historiens de la Troisième République ; cette crise est perçue à la fois d’une part dans l’émergence de la 'Femme nouvelle’ comme figure symbolique qui met en cause la hiérarchie sexuelle traditionnelle, et, d’autre part, dans la représentation de l’intellectuel dreyfusard comme figure cosmopolite et efféminée. Elle joue un rôle important dans l’évolution du discours maurrassien de « l’intelligence », fondé sur un modèle viril de l’homme de lettres rationnel aux antipodes du sentiment et de l’individualisme des romantiques.

The 1907 publication of Pierre Lasserre’s thesis Le Romantisme français marks an important point in the development of a debate that extended from the 1890s to the Second World War. The critique of Romanticism was pursued across a broad intellectual field, but it was Charles Maurras and the Action française that dominated anti-romantic discourse, providing it with an ideological coherence critical in defining the terms of the debate. This paper analyzes the stakes of this discourse by revealing its links with the crisis of masculinity that has been noted by historians of the Third Republic and that can be seen both in the emergence of the "Femme nouvelle" as a symbolic challenge to traditional sexual hierarchies and in the representation of the Dreyfusard intellectual as an effeminate cosmopolitan. This crisis played an important role in the development of the Maurrassian discourse of “intelligence”, which was rooted in a virile conception of the man of letters antithetical to romantic sentiment and individualism.


Maurras et l’Antiquité

A l'occasion des Jeux olympiques d'Athènes, en 1896, Charles Maurras, envoyé comme journaliste par la Gazette de France, découvre, ébloui, la Grèce antique, qui lui inspire de nombreuses œuvres, entre autres Anthinéa en 1901, puis les Vergers sur la mer. La Grèce ancienne, en général, et l'Athènes du Siècle de Périclès en particulier, constituent pour lui, sur le plan esthétique, l'expression suprême de la beauté, et, sur le plan philosophique, la naissance de la raison. Par l'intermédiaire de la Provence, terre natale du chef de file de l'Action française, le génie français a été à son tour fécondé par l'héritage grec. Par ce détour, le natif de Martigues célèbre à l'unisson et la culture française et la civilisation provençale que le Félibrige est en train de réhabiliter. Cependant, cette vision de l'Antiquité n'est pas univoque. Maurras dénonce à plusieurs reprises la contamination de cette pureté athénienne par les germes destructeurs inoculés à l'Occident hellénistique par l'Orient sémite. Rome elle-même est adulée parce qu'elle a répandu dans le bassin méditerranéen les bienfaits de la pensée grecque et vertement critiquée parce qu'elle fut aussi le Cheval de Troie de la « lèpre » du judaïsme et du christianisme, les quatre évangélistes étant considérés comme quatre « juifs obscurs ».
La Grèce ancienne est donc chez Maurras le sujet d'une brillante méditation littéraire sur la fuite du temps et l'écroulement des empires, dans le prolongement des voyages en Orient de Chateaubriand, Lamartine, Gérard de Nerval, mais aussi le prétexte à un inquiétant exercice de pathologie politique, culturelle et sociale. Du reste, en 1921, dans son livre subtil sur Les Idées de Charles Maurras, - découpé en quatre séquences : Lumière de Grèce. Air de Provence. Pierre de Rome. Terre de France-, Albert Thibaudet démontre que l'instrumentalisation de l'Antiquité grecque et romaine forme le socle, le soubassement idéologique du nationalisme intégral de Maurras.

At the time of the 1896 Athens Olympics to which he had been sent as a correspondent by the Gazette de France, Charles Maurras was enchanted by his discovery of ancient Greece. These strong impressions were to inspire a series of works throughout his life, continually enriched by superb imagery and new ideas. Notable amongst these are Anthinéa (1901) and Les Vergers sur la mer, works which serve in some ways as his Prière sur l'Acropole. Ancient Greece in general, and Periclean Athens in particular, represent for Maurras the supreme expression of beauty in aesthetic terms, and the birth of reason within philosophy. Mediated by Provence, the birthplace of the leader of Action française, the genius of France had in its turn been enriched by the heritage of Greece. Through this lineage, the son of Martigues celebrated the unity of French culture and the Provençal civilization currently revived by the Félibrige. Yet this vision of Antiquity is not monolithic. On several occasions, Maurras condemns the contamination of Athenian purity by the destructive germs through which the semitic Orient infected the Hellenistic west. He at once praises Rome itself for extending the benefits of Greek thought throughout the Mediterranean basin and roundly criticizes it as the Trojan horse for the "leprosy" of Judaism and Christianity, qualifying the Apostles as four “obscure Jews.”
For Maurras, ancient Greece is thus simultaneously the basis for a brilliant meditation on the passage of time and the collapse of empires, in the spirit of the orientalist travel accounts of Chateaubriand, Lamartine and Gérard de Nerval, and the pretext for a disturbing exercise in political, social, and cultural pathology. Moreover, in his rich and subtle study Les Idées de Charles Maurras (1913), Albert Thibaudet demonstrates how the instrumentalization of ancient Greece and Rome provides the ideological foundations for Maurras’s integral nationalism.


Maurras, les maurrassiens et Jeanne d’Arc

La « politique de Jeanne d´Arc » est chère au maurrassisme, qui a une position assez originale quant à Jeanne d´Arc ; en effet, le mouvement est, d´une certaine façon, en retard sur la mouvance générale de la Droite face à l´héroïne nationale. Jeanne avait été dans les années 1880 et 1900 une figure emblématique du « ralliement » des droites à la République. La mise en scène de scandales autour de la Pucelle (l´Affaire Thalamas) fut un moment fort de la « propagande par l´action » du nationalisme intégral, né lors de l´Affaire Dreyfus, qui contribua à affirmer la position originale des néo-royalistes. Après la trêve -toute relative- de la Grande Guerre, face à une Jeanne d´Arc canonisée et promue seconde patronne de la France républicaine, Maurras et ses disciples se retrouvèrent marginalisés, voire même exclus (de l´Eglise). Leur royalisme de principe et doctrinaire eut du mal à se faire entendre. On essaya de profiter de l´intérêt public pour la Pucelle (surtout lors des 500 ans de la libération d´Orléans et du Sacre, en 1929) en manifestant alors un activisme affiché.
Enfin, sera discutée la part qu´eut, dans l´action culturelle du régime de Vichy, la « politique de Jeanne d´Arc » du maurrassisme.

This paper offers some thoughts on "the politics of Joan of Arc" that was so dear to the Maurrassians. Their position in regard to Joan is, in fact, somewhat original, and in certain ways lags behind the general evolution of the Right's attitude to-wards the “national heroine”. Between the 1880s and 1900, Joan had been an emblematic figure in the Right’s rallying to the Republic. The organization of scandals, such as the Thalamas Affair, involving the “Pucelle” provided a centerpiece for integral nationalism’s “propaganda through action”, initiated during the Dreyfus Affair, and helped to emphasize the originality of the royalists’ position.
Following the relative cessation of hostility during the Great War, and confronted by Joan’s canonization and elevation as the second patron of Republican France, Maurras and his disciples found themselves marginalized, and even excluded (by the church). Their principled and doctrinaire royalism had difficulties in making itself noticed. Public interest in the Pucelle was thus exploited (notably during the 500th anniversary of the liberation of Orleans and the Coronation in 1929) through the display of conspicuous activism. Lastly, Maurrassism’s “politics of Joan of Arc” is discussed in relation to cultural activity during the Vichy regime.


Louis Dimier, l’Action française et la question de l’art national

Parmi les historiens de l'art de la première partie du XXe siècle, Louis Dimier (1865-1943) se fait remarquer par l’originalité de ses vues et une approche extrêmement lucide des problèmes de méthode. Cette contribution se propose de situer son œuvre par rapport aux tendances majeures de l’histoire de l’art française contem-porain (la polémique sur les origines de la Renaissance, la « redécouverte » des Primitifs français, le débat sur l’évolution de l’art français au XIXe siècle) et de reconstruire les relations complexes unissant son activité d’historien de l’art et son engagement au sein de l’Action française, dont il fit partie jusqu’en 1920. Le problème de la définition d’un « art national », en tout point décisif pour l’historiographie de l’époque, est au cœur de l’analyse.

Louis Dimier (1865-1943) stands out among the art historians of the first half of 20th century for the originality of his views and the clearness of his approach to methodological problems. I This essay places his œuvre in the larger context of the leading tendencies of contemporary French art history (the controversy over the rise of the Renaissance, the « rediscovery » of French Primitives, the critical debate on 19th century French art and its evolution) and to reconstruct the relationships between his activity as art historian and his engagement as member of the Action française (until 1920). The definition of « national art », a chief problem for the historiography of this time, is central to this discussion.


Henri Massis

Dans l'histoire de l’Action française et du maurrassisme, Henri Massis occupe une place à part. N’étant ni un doctrinaire ni une plume marquante du quotidien dans lequel il n’a pas écrit, il apparaît pourtant comme un des piliers de la galaxie maurrassienne, même s’il est négligé par les historiens et absent des anthologies. Pourtant, depuis ses premiers échanges épistolaires avec Maurras en 1912 et surtout son rapprochement avec l’AF au lendemain du premier conflit mondial, Massis a été en contact quotidien avec elle ; il a résisté, contre vents et marées, aux crises qu’elle a connues, à commencer par celle de la condamnation. Ce catholique militant, contrairement à son ami Maritain, a fait le choix de la fidélité au maurrassisme. Essentielle dans le parcours et la pensée de Massis, la dimension religieuse n’est pas la seule à devoir être prise en compte. Chez lui, la culture, l’esthétique et la littérature (de Bergson à Barrès) sont aussi des marqueurs de premier plan.
Dès avant 1914, Massis est un critique littéraire dont les goûts et les choix, nets et assumés, annoncent les joutes contre André Gide et La NRF. A partir de l’entre-deux-guerres et de la publication de Défense de l’Occident (1927), il est aussi un essayiste politique reconnu. Pourtant, s’il est un homme de plume, on ne saurait le réduire à un homme de cabinet. Dans l’histoire de l’AF, il est tout à la fois un entraîneur et un entrepreneur culturel. Ainsi, dès la publication de la célèbre enquête d’Agathon, il fait montre de son goût pour la jeunesse, dont il est alors une des figures emblématiques, et il se place d’emblée, par un goût marqué pour les débats autour de la génération ou de la relation maître- disciple, comme un homme qui reçoit, diffuse mais aspire aussi à donner. Massis est en effet, après le premier conflit mondial, un remarquable éveilleur pour toute la Jeune droite. Il est aussi un entrepreneur culturel et politique via la rédaction de manifestes et surtout la mise sur pied de revues, du Roseau d’Or à la Revue universelle dont il est, avec Jacques Bainville, la principale cheville ouvrière.
Figure majeure de la scène intellectuelle française, Massis est enfin un des maurras-siens les plus lus à l’étranger : ses ouvrages, à partir de Défense de l’Occident sont traduits (anglais, allemand, espagnol). Par la diffusion de ses idées mais aussi de ses récits et témoignages (en particulier sur Maurras), il peut être considéré comme une sentinelle et un ambassadeur de la culture maurrassienne.

Henri Massis occupies a particular place in the history both of Action française and of Maurrassism. Though neither a doctrinaire nor a prominent contributor to the daily paper, for which he never wrote, he remains a key figure in the Maurrassian galaxy, however much he has been neglected by historians and overlooked in anthologies. Yet, from the moment of the first letters exchanged with Maurras in 1912, and particularly from his rapprochement with AF following the First World War, Henri Massis was in daily contact with the group and rode out all of the crises it experienced, including the Papal condemnation. Unlike his friend Jacques Marit-ain, the militant catholic Henri Massis opted for fidelity to Maurrassism. Yet, though essential to the itinerary and ideas of Henri Massis, the religious dimension is not alone in requiring consideration. Culture, aesthetics and literature (Henri Bergson and Maurice Barrès) were also central priorities. As early as 1914, Henri Massis was an accomplished literary critic, whose clear and committed tastes and enthusiasms pointed the way to conflicts with André Gide and the NRF. From the interwar period and the publication of Défense de l’Occident (1927) Henri Massis was also a reputed political essayist.
Yet, for all that he is a writer, Massis does not stand apart from events. In the history of Action française, he is both a leader and a cultural entrepreneur. From the moment of the celebrated « enquête » by Agathon, he demonstrated a particular interest in the young, of whom he was at that point an emblematic figure, and displayed a pronounced taste for generational debate or for master-disciple relations in which he aspired not only to receive and spread ideas but also to give. After the First World War, Massis served not only as a remarkable spur across the Young Right, but was also a cultural and political entrepreneur through his manifestoes and, in particular, his editorial involvement with the Roseau d’Or and the Revue universelle, on which, with Jacques Bainville, he played a pivotal role.
A major figure on the French intellectual scene, Henri Massis was one of the most widely read Maurrassians outside France : his works, from Défense de l’Occident onwards, were widely translated (English, German, Spanish). Both through the diffusion of his ideas, and through his narratives and first-hand accounts, Henri Massis can be consider as a sentinel and ambassador of Maurrassian culture.


Thierry Maulnier, soldat maurrassien de l’humanisme

Thierry Maulnier, en qui les jeunes maurrassiens voyaient dans les années 30 un possible successeur du Maître, est-il un dissident de l'Action française ? L’insurgé s’est-il réellement rangé « dans l’armée des refroidis, des tièdes et des incolores » quand il est entré dans ce bastion du conservatisme libéral qu’est le Figaro ? Pierre Boutang voit en lui un « loup devenu chien » avec la marque du collier encore visible, et Claude Roy, d’abord attiré par sa pensée, la compare finalement à un vélo d’appartement, cloué au sol et pédalant dans le vide. Force est de constater que l’engagement de Maulnier, attaqué à partir de l’Occupation, débouche sur un échec politique. Et l’intéressé lui-même parvient à cette conclusion.
Dans les années 30, il vit la littérature comme un engagement politique, dans le sillon tracé par Maurras, mais avec une fidélité « qui s’accommodait de toutes les ouvertures » (Pierre Monnier). Analyser l’œuvre du Maulnier de cette époque, c’est donc approcher en quelque sorte les canons culturels maurrassiens, et notamment l’anti-romantisme et la défense du classicisme, deux conceptions esthétiques qui ont une application directe en politique. La rupture manifeste de Maulnier avec l’Action française après 1944 permet d’examiner s’il y a ou non persistance du maurrassisme dans l’œuvre littéraire d’un écrivain qui a clairement choisi de suivre sa propre voie. Une voie qui s’appuie sur la construction d’un humanisme de combat – mais qui reste au fond très littéraire – et la défense d’une civilisation occidentale en crise.

Both for historians and epigones of the Action française, the case of Thierry Maul-nier has long provoked questioning. Is this disciple of Maurras, seen by many young Maurrassians during the 1930s as a possible successor to the Master, a dissident from Action française ? Did this insurgent identify himself with "the army of the frigid, the tepid and the colorless" the moment he joined Le Figaro, that bastion of moderate conservatism, as his former comrades would assert ? If one adds to this Pierre Boutang’s critical characterization of Maulnier as a “wolf turned into a dog”, still bearing the mark of his collar, or that of Claude Roy who, though initially attracted by his thought, finally compared him to an exercise bicycle, nailed to the apartment floor and going nowhere, we have some idea of the range of attacks that Maulnier had to endure from the Occupation onwards. We are forced to agree with Claude Roy that Maulnier’s activities met with political failure, and indeed this was the conclusion that he himself would reach.
During the 1930s, Maulnier saw literature as a form of political engagement, in the spirit of Maurras, though with a fidelity that, in the words of another Maurrassian, Pierre Monnier, “could accommodate all openings”. To analyze Maulnier’s work during these years is thus in some way to approach the cultural canons of Maurrassianism, particularly anti-Romanticism and the defense of classicism, two aesthetic ideas directly related to politics. Beyond this, Maulnier’s explicit break with Action française after 1944 allows us to examine whether or not Maurrassianism persisted in the work of a writer who clearly chose to strike out on his own path, a path founded upon a combative humanism – ultimately highly literary in nature – and the defense of western civilization in crisis.


Trois enquêtes et un hommage

Michel Leymarie

Pour rendre compte de l'audience de Charles Maurras et du maurrassisme au cours de trois décennies successives, trois enquêtes et un hommage sont pris ici en considération. L'enquête de la Revue française politique et littéraire sur « Maurice Barrès et la jeunesse » (1913) permet de comparer l’audience respective de Barrès, Maurras et Bergson dans un terreau commun aux jeunes et à leurs aînés. Même s’il apparaît davantage pour certains comme un intercesseur qui fait transition avec le maurrassisme, Barrès demeure un maître, alors que d’autres se tournent vers Bergson.
L’Enquête sur les maîtres de la jeune littérature (1922), menée par Henri Rambaud et Pierre Varillon, montre que Bourget, Barrès et Maurras demeurent admirés, parfois plus comme maîtres de vie que comme modèles littéraires. L’Enquête sur le nationa-lisme (1923) conduite par Maurice Vaussard interroge d’abord les rapports entre nationalisme et catholicisme, qui vont aboutir à la condamnation de l’Action française trois ans plus tard.
Enfin, l’hommage que la Revue universelle rend en janvier 1937 à Maurras, pour son jubilé, à l’occasion de ses cinquante années d’activité journalistique et littéraire, est marqué par la conjoncture nationale et internationale. Cet hommage montre la grande audience qu’a selon ses proches le doctrinaire et apparaît comme une étape dans la voie de la réconciliation avec Rome. Il est aussi une marche vers l’élection de Maurras à l’Académie française, en juin 1938, et figure une victoire idéologique et culturelle, précédant le second apogée de l’Action française.

As a means of assessing the audience for Charles Maurras and Maurrassian ideas across a thirty-year period, this article explores three "enquêtes" (surveys, enquir-ies) and an "hommage" (commemorative volume). The enquiry on “Maurice Barrès and the Young”, published by the Revue française politique et littéraire in 1913, allows a comparison of the respective audiences for Barrès, Maurras and Bergson across a terrain shared by the young and their seniors. Even if for some he appears to stand as an intercessor on a path towards Maurrassianism, Barrès remains a master in his own right, while others look towards Bergson.
The Enquête sur les maîtres de la jeune littérature (1922), directed by Henri Rambaud and Pierre Varillon, shows that Bourget, Barrès and Maurras were still admired, though sometimes as masters rather than literary models. Maurice Vaussard’s Enquête sur le nationalisme of 1923 focuses on the relationship between nationalism and Catholicism that would lead to the condemnation of Action française three years later.
Finally, the “Hommage” paid to Maurras by the Revue universelle in January 1937 on the occasion of his jubilee, marking 50 years of journalistic and literary activity, bears the mark of the prevailing domestic and international situation. The “hom-mage” demonstrates the substantial audience claimed for the doctrinaire by his close circle and serves as a waystage in the process of reconciliation with Rome. It is also a step towards Maurras’s election to the Académie française in June 1938, and represents an ideological and cultural victory, heralding the second surge of the Action française itself.


Les Camelots du roi : une jeunesse contestataire dans le roman français, 1908-1914

L'actualité des années 1908-1914 est remplie des « exploits » des Camelots du Roi qui agitent le Quartier Latin, conspuent ou giflent les hommes politiques et les intellectuels qui leur déplaisent et endommagent les statues élevées aux pontifes de la République et de la laïcité triomphante. Ce sont les milieux conservateurs et les organisations monarchistes traditionnelles (qui se contentaient d’exister sans agir) qui s’en émeuvent le plus, craignant que la réprobation ou la répression ne nuisent à leurs intérêts et à ceux du prétendant. La volonté de l’AF et des Camelots « d’aller au peuple » et de trouver des alliés dans d’autres milieux tout aussi contestataires de l’ordre établi, ses velléités de «socialisme monarchiste » les indignent encore plus. Il est remarquable de constater que le phénomène « Camelot » a débouché sur la publication pour la période envisagée d’au moins cinq romans « à clé » brodant à l’envi sur ces thèmes, sortis de la plume d’un prolixe auteur « bien parisien » comme Abel Hermant, d’une infatigable polygraphe comme Gyp (avec ses obsessions antisémites et bonapartistes) ou du tandem Landre-d’Abzac, auteurs moins connus mais qui ont le mérite de dresser un catalogue de ce que l’on pouvait, à droite, reprocher aux Camelots. L’AF et ces derniers sortiront vainqueurs, parce qu’indispensables, de la crise ouverte avec le prétendant et obtiendront, peut-être en renonçant aux provocations les plus voyantes, un monopole sur l’action royaliste, largement comme résultat de la médiatisation de leurs actions passées et de la fascination exercée par elles sur la jeunesse.

Day-to-day news in 1908-1914 was full of the "exploits" of the Camelots du Roi as they fomented trouble in the Latin Quarter, booed or slapped politicians and intellectuals not to their liking, and damaged statues erected to the glory of those supposed to embody the quintessence of the Republic and triumphant laïcité. However, the result was that the most upset was caused in conservative political circles and monarchist organizations (where it was sufficient to exist, not to be obliged to act); their own fear was that the ensuing reprobation and repression would adversely affect their interests and those of the Pretender. A cause of even greater indignation was the leanings shown by the AF and the Camelots towards “monarchist socialism”, the desire to win support from the less elevated social classes, and the quest for allies in other equally radical milieux that were dismissive of the established order. It is striking that, for the period in question, the “Camelot” phenomenon led to the publication of at least five romans à clef, in which these themes were elaborated upon at length. For instance, there was Abel Hermant, a prolix and very Parisian author; also Gyp, a tireless writer on all subjects, with her anti-Semitic and Bonapartist obsessions; and the Landre-d’Abzac tandem, two less well known authors, though with the merit, on the right, of cataloguing all that the Camelots could be blamed for. Because they had made themselves indispensable, the AF and the Camelots emerged victorious from the crisis with the Pretender; they acquired a monopoly on royalist action thanks to media coverage of their past actions and the fascination they exerted on the young, and perhaps also because they came to renounce the most brazen types of provoca-tion.


Du classicisme réactionnaire au classicisme de la Résistance : l’Action française, le « problème Wagner » et le compromis idéologique de Vichy

Vers la fin de l'été de 1944, alors que l’armée de la Libération fait route vers Paris, les journaux intellectuels de la Résistance appellent à la solidarité française, négociant habilement entre factions hostiles et symboles de division. De manière significative, ils cherchent à le faire en utilisant, non le vecteur de l’idéologie ou la médiation de la rhétorique républicaine et nationaliste, mais plutôt celui d’un discours esthétique capable d’énoncer des valeurs culturelles françaises constantes et subtilement reconfigurées.
Ce discours sur le classicisme français, interprété à travers un nouvel amalgame comme synonyme de la France elle-même, souligne le compromis politique et culturel de Vichy et articule également un autre nationalisme signifiant désormais le refus, tout en créant une nouvelle communauté morale française, une nouvelle unité spirituelle, une nouvelle mémoire nationale. Deux influences fusionnent alors : le nationalisme réactionnaire et « le classicisme critique » de la gauche française. Également imbriqué dans l’apparition du « classicisme de résistance », le schisme interne de la Ligue de l’Action Française, après le compromis politique de Vichy, se trouve symbolisé pour certains dans le discours officiel sur Richard Wagner et sa prétendue influence persistante sur Debussy. La reconstruction du Debussy de la Résistance en tant que paradigme classique conduit à l’articulation de trois lignes d’argumentation différentes, de trois conceptions distinctes des valeurs classiques dans un discours politique et culturel dont les ramifications dépassent les frontières des champs culturels français proprement dits. C’est la structure d’une telle confrontation symbolique, d’une telle négociation dans ce discours ou dans ce langage politique et de sa manipulation de Debussy comme icône classique, qui est ici analysée pour découvrir son impact sur la culture politique, aussi bien que sur la musique, au moment où la France, une fois de plus est en train de se redéfinir.

In the late summer of 1944, as the army of Liberation moved implacably if indeed arduously toward Paris, intellectual resistance journals were importuning French solidarity, deftly negotiating still hostile factions and divisive symbols. Significantly, they sought to do so not through the conventional political vector of ideology, or the mediation of French Republican and nationalist rhetoric, but through a compelling aesthetic discourse uniquely able here to enunciate uninterrupted, if reconfigured, French cultural values. Not surprising for those familiar with French history or nationalist leagues it was a discourse on French classicism construed as synonymous with France herself, but in a potent new amalgam, the political and cultural agency of which, as the war concluded, is discussed here.
It is the kind of classic model that is here of prime importance, for it was designed not only to emphasize Vichy’s political and cultural compromise but to articulate another nationalism that would signify refusal, while reconfiguring a new French ethical and communal whole. In this endeavor to employ the classic to articulate new spiritual unity, new national memory, and those distinctive modes of thought and of expression that were endemic to the nation, two major influences, merge: reactionary nationalism and the "critical classicism" of France’s Left. Yet also imbricated in the emergence of “resistance classicism” is the schism within the Ligue de l’Action Française as a result of Vichy’s political compromise, as emblazoned for some league members in official discourse on Richard Wagner and his purported enduring influence on Debussy. The resistance reconstruction of Debussy as classic paradigm hence must lead us into the history and articulation of three different strains or distinct conceptions of classic values within a political-cultural discourse whose ramifications cross over French cultural fields. It is the structure of such symbolic confrontation, the negotiation within this discourse or political language and its manipulation of Debussy as classic icon that I analyze here—its impact on political culture as well as music as France, once more, was redefined.


Des maurrassiens aux prises avec le nationalisme intégral : rupture résistante ou coexistence avec l’Action française (1941-1948) ?

Passant pour l'inspiratrice du régime de Vichy, l’Action française a aussi été, par la doctrine du nationalisme intégral, le déclencheur de réels engagements résistants. Beaucoup de partisans de l’AF ont essayé de distinguer dans les textes de Maurras postérieurs à juin 1940 des consignes pour la revanche (Entre nous). La ligne choisie par le journal a suscité, au gré de l’évolution de la guerre, des ruptures entre les maurrassiens devenus résistants et leur maître à penser. Rupture qu’ils ont pensée conjoncturelle ou définitive, mais qui a cherché à s’exprimer dans des journaux ou des tracts (La Nouvelle Action française, du Jonchay).
Après la Libération, la condamnation de Maurras pour intelligence avec l’ennemi laisse le champ libre aux expressions d’un maurrassisme pluraliste, néanmoins aux prises avec l’épuration. À côté d’orthodoxes rivaux, ne dédaignant pas la surenchère (Les Documents nationalistes, L’Indépendance française, Aspects de la France), le comte de Paris ainsi que des maurrassiens admettant la validité du principe de la Résistance – sinon ses modalités -, essaient d’occuper le terrain. Pierre Boutang se distingue par sa présence dans de nombreux journaux (Paroles françaises, La Dernière Lanterne), et sa volonté, tenace et vaine, de renouveler le débat pour sauver le maurrassisme.

Though often considered as having inspired the Vichy régime, Action française, as a result of its doctrine of integral nationalism, also inspired instances of real involvement in the resistance movement. Many supporters of Maurras have at-tempted to discern promptings for resistance in Maurras’s writings after June 1940 (Entre nous). As the war developed, the line followed by L’Action française led to breaks between Maurrassians who took up resistance and their intellectual master. These breaks could be treated as either contingent or definitive, but they found expression in newspapers or pamphlets (Jonchay’s Nouvelle Action française). After the Liberation, Maurras’s condemnation for fraternizing with the enemy left the field clear for pluralistic expressions of Maurrassism, despite the purge. Alongside orthodox rivals, who were sometimes guilty of raising the stakes (Les Documents nationalistes, L’Indépendance française, Aspects de la France), the Comte de Paris as well as those Maurrassians who accepted the principle, if not the form, of Resistance, attempted to assert themselves. Pierre Boutang stands out both by his involvement in a number of newspapers (Paroles françaises, La Dernière Lanterne) and by his stubborn though unsuccessful attempt to renew debate in order to save Maurrassism.


L’Action française, l’histoire et les historiens après 1945

Guillaume Gros

Malgré le discrédit qui frappe l'Action française en 1945, l'histoire persiste dans la culture maurrassienne. Entre une histoire mémorielle ou hagiographique (culte de Jacques Bainville) et une histoire académique et de vulgarisation enracinée dans une tradition contre révolutionnaire (Pierre Gaxotte), émerge une histoire plus novatrice qui s'exprime de manière diffuse et en dehors de tout projet strictement doctrinal autour de figures singulières comme Raoul Girardet, Philippe Ariès, Emmanuel Beau de Loménie. Entre ces trois groupes, on observe des passerelles nombreuses de M. Mourre à J.-F. Chiappe en passant par J. Carcopino, J. Laurent, F. Bluche, G. Comte, G.-C. Picard, M.M. Martin, V. Nguyen.

Souvent en porte-à-faux vis-à-vis de l'Université, cette histoire trouve des relais à l'Institut ou dans l'édition. Les enjeux liés à une crise nationale (guerre d'Algérie, bicentenaire de la Révolution française) réactivent la vigueur d'un héritage politique qui est aussi l’occasion de s’interroger sur les liens entre culture politique, vocation d’historien et choix historiographiques.

Though Action française was discredited in 1945, maurrassian culture persisted in historical writing. Out of a historical genre of memoirs or hagiography (the cult of jacques Bainville) and a popularizing academic history rooted in the counter-revolutiuonary tradition (Pierre Gaxotte), there emerged a more novel form of history. Diffusely articulated and lacking any strictly doctrinal project, it developed around such striking figures as Raoul Girardet, Phillipe Ariès, and Emmanuel Beau de Loménie. Amongst these three groups, one can discern mediations linking M. Mourre to J.-F. Chiappe, and passing through J. Carcopino, J. Laurent, F. Bluche, G. Comte, G.-C. Picard, M.M. Martin, and V. Nguyen.

Often at odds with the university system, this history found its support in the Institut and the world of publishing. Issues relating to national crises (the Algerian War, the Bicentenary of the French Revolution) renewed the vigor of a political heritage and also provided an opportunity to re-examine the ties between political culture, the historian’s vocation, and historiographical choice.