Les dramaturgies contemporaines se passionnent pour le corps, les corps. Jadis instrument de l'action dramatique, le corps reprend à présent ses droits sur scène ; se donne alors à voir la physis d’un corps vulnérable, désirant, traversé d’intensités, toujours déjà travaillé par l’échéance de sa propre mort. Les « passions du corps », au sens étymologique de « souffrances », désignent ainsi tout ce qui porte atteinte à l’intégrité du corps, tous les flux, forces ou émotions qui l’écartent de lui-même, l’arrachent à la fiction de l’identité entendue comme pure intériorité. Enfin, le terme « passions » fait évidemment référence au paradigme christique, et à la Passion comme forme théâtrale d’origine médiévale. Les dramaturgies contemporaines s’intéressent plus particulièrement au moment iconique de la Passion, celui de l’agonie du Christ en croix. Là où le théâtre de tradition aristotélicienne tend à occulter le corps en l’instrumentalisant comme support du logos, le théâtre de la Passion est tout entier tourné vers la monstration du corps agonisant. A la suite d’Artaud, les dramaturgies contemporaines font retour vers un théâtre sacrificiel, renouant ainsi avec les origines cultuelles du théâtre. Parcourant tout le champ des pratiques scéniques contemporaines (théâtre, performance, danse, opéra, etc.), les articles réunis ici abordent ces questions chez John Adams, Howard Barker, Samuel Beckett, Edward Bond, Marie Chouinard, Klaus Michael Grüber, Elfriede Jelinek, Sarah Kane, Dea Loher, Hermann Nitsch, Valère Novarina et Einar Schleef.