Pour Yeats, la conception de la musique dans son rapport avec les mots est née de son intérêt pour la diction qui, insistant sur le rythme, se rapproche de la psalmodie. Parallèlement, il associe la musique à l'oeuvre littéraire, incitant les poètes à écrire, « comme ils le faisaient tous naguère, non pas pour être imprimés mais pour être chantés ». Son « art nouveau » évoque le parlé-chanté de l'époque, le Sprechgesang. Il importe que la musique n'étouffe pas le mot, que la relation musique-parole retrouve l'art ancien du file, du rhapsode ou du ménestrel.
Ses compositeurs oeuvrent en ce sens. F.Farr compose des partitions, s’accompagnant du psaltérion de Dolmetsch qui met en valeur le rythme de sa voix incantatoire et respecte l’intonation des mots sans nuire à leur intelligibilité. Dulac laisse les musiciens libres d’improviser ; la pratique musicale d’Antheil s’accorde, lui semble-t-il, avec sa propre analyse des inflexions d’un discours en quarts de ton. Rummel recherche une énonciation vocale entre discours et chant. Pour autant, il ne faut pas délaisser la musique traditionnelle ; J F.Larchet s’en inspire. Yeats est séduit par l’approche littéraire de la musique d’A.Duff ou par celle d’A.Darley qui rappelle « un art jadis répandu et maintenant perdu ».
Ce livre rassemble des partitions choisies par Yeats, jusqu’alors dispersées, voire non publiées, une partie de celles de Larchet; celle de Partch, qui utilise des ratios mathématiques pour diviser un octave en 43 microtons qu’il indique sur sa viole-- il est vrai que l’emploi d’instruments nouveaux pose ici de sérieux problèmes. Tous ces compositeurs n’ont pas plaqué une musique sur un texte, mais l’ont mis en valeur en jouant de la durée des sons, du rythme et d’autres techniques musicales. Yeats qui regrettait le divorce de la musique et de la poésie, réunit parole et chant, contribue à l’Unité de Culture.