L'ensemble des romans de Graham Swift publiés à ce jour sont abordés ici à travers une question qui, dès le début, s'impose comme centrale dans son œuvre. La voix constitue un mode d’entrée privilégié dans le texte swiftien ; inversement, Swift nous permet de mener une réflexion qui trouve sa pertinence au-delà du cadre des études anglophones. Il s’agit de partir en quête de cette voix silencieuse qu’est la voix du texte – voix qui en s’installant ici sur le « devant de la scène » nous pousse également à interroger les liens étroits et complexes qu’elle noue avec le regard. La lecture pointue des romans s’accompagne d’une réflexion théorique qui invite le lecteur à se mettre à l’écoute des critiques, philosophes, psychanalystes et écrivains qui, chacun de leur point de vue, ont pu écrire sur la question. S’engage par ailleurs un débat sur la fiction contemporaine : ciment du texte, la voix a en même temps pour effet de fissurer le roman, de défaire ou de mettre sous tension ses unités et ses divisions ; illusion d’une présence ou masque d’une béance, elle est aussi appel inlassable lancé au-dessus du vide.
Entre ceux qui ont érigé Swift en champion d’un postmodernisme défini parfois étroitement et ceux qui réaffirment la dimension « réaliste » de ses romans dans la mouvance de ce qu’ils nomment « le tournant éthique des années 90 », cette étude tente de se positionner en montrant comment le texte swiftien se donne à la fois comme le lieu d’une impossible conversation et comme l’espace d’un infini partage.
Croisements autour d'un impossible objet : voix et voir
I - L'appel à voir : l'histoire mise sous les yeux
1 – Champs aveugles : l'œil débordé
Visions
L'image fascinante
L'image violente
L'image vacante
L'image piégée
2 – Devant l'histoire : l'invention d'un présent
L'histoire décrite
Didascalies ou invocations
Instantanés
L'histoire en simultanée
II - La voix en scène : lieux et non-lieux
1 – La voix qui s'émancipe : The Sweetshop Owner
2 – Le lecteur pris à témoin : Shuttlecock ou l'épreuve de force
3 – Estrade ou coulisses, la voix devant ou derrière le rideau : Waterland et Ever After
4 – Compositions polyphoniques : le pseudo-dialogue épistolaire de Out of This World et le « spectacle de voix » de Last Orders
5 – Le narrateur à l'écoute : The Light of Day ou le pouvoir de la discrétion
6 – L'avant-scène : la fausse répétition de Tomorrow
Le sujet à l'épreuve de la voix : redéploiements
III – L'espace d'une voix plurielle
1 – Spectralité et résonance
Raisonnement, réflexion, résonance
Fantômes, corps
2 – La voix en partage
Économie : dette et don
Circulation : places et déplacements
Intertexte, inter-dit
Voix, bruits, musique
Conclusion : écrire la voix