Essais de systématique énonciative

Structuralistes et générativistes ont systématiquement négligé le sujet parlant, cet « insupportable enfant gâté », considéré au mieux, par Chomsky, comme un locuteur-auditeur « idéal ». Cette attitude négative à l'égard du support obligé du langage -sans lequel le langage n'aurait aucune raison d'être- correspond à l'idée fondamentale de Saussure exprimée dans la dernière phrase du Cours: « la linguistique a pour unique et véritable objet la langue, envisagée en elle-même et pour elle-même ». Tel est le point de vue adopté dans le présent ouvrage, qu'on peut situer dans le prolongement de la recherche sur l'énonciation car il renoue, du moins en partie, avec une forme d'analyse qui s'était développée dans les années 20 et 30 et que le structuralisme avait provisoirement occulté. L'idée centrale est, selon la formulation de Gustave Guillaume, que « ce n'est pas le langage qui est 'intelligent mais la manière dont on l'emploie ». Toutefois, contrairement à d'autres approches énonciatives actuelles qui accordent une attention exclusive au locuteur et aux « opérations» qu'il est censé effectuer, il est ici constamment tenu compte non seulement des systèmes d'expression en discours mais aussi des systèmes de représentation en langue. C'est donc l'intégralité de l'acte de langage -ou acte d'énonciation- qui est pris en considération : de la langue au discours. En d'autres termes, que fait de son savoir-dire qu'est la langue un locuteur engagé dans une opération de discours (dire) et animé d'une visée d'effet particulière ? Telle est la question essentielle à laquelle tentent de répondre ces neufs essais centrés sur les catégories formelles du nom que sont la personne, le genre, l'extensité (vue ici à l'oeuvre dans les déictiques), la fonction et l'incidence, principe de toute syntaxe.