Allemagne d'aujourd'hui, n°186/octobre - décembre 2008

L'art contemporain : miroir de l'identité allemande?
Première édition

Lire le Journal de Delacroix, c'est, sinon oublier la peinture, du moins se tourner vers un espace autre, une autre...


Livre broché - 12,00 €

Spécifications


Éditeur
Presses Universitaires du Septentrion
Marque d'éditeur
Association pour la Connaissance de l'Allemagne d'Aujourd'hui
Partie du titre
Numéro 186
Avec
,
Revue
Allemagne d'aujourd'hui
ISSN
00025712
Langue
français
Catégorie (éditeur)
Catalogue Septentrion > Littératures > Lettres et littératures étrangères > Pays germaniques et scandinaves
Catégorie (éditeur)
Catalogue Septentrion > Littératures > Lettres et littératures étrangères
BISAC Subject Heading
POL000000 POLITICAL SCIENCE
Code publique Onix
05 Enseignement supérieur
CLIL (Version 2013-2019 )
3283 SCIENCES POLITIQUES
Date de première publication du titre
02 décembre 2008
Subject Scheme Identifier Code
Classification thématique Thema: Politique et gouvernement
Type d'ouvrage
Numéro de revue

Livre broché


Date de publication
02 décembre 2009
ISBN-13
978-2-7574-0049-4
Illustrations
tableaux
Ampleur
Nombre de pages de contenu principal : 200
Code interne
1098
Format
16 x 24 x 1,1 cm
Poids
339 grammes
Prix
12,00 €
ONIX XML
Version 2.1, Version 3

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Extrait


Les stratégies économiques allemandes dans le voisinage de l’Union Européenne à l’Est (Russie, Ukraine, Biélorussie)

Résumé

La présidence allemande de l'UE a proposé en 2007 la mise en place d’une Politique européenne de voisinage (PEV) renforcée. Elle s’inscrit dans la « nouvelle politique à l’Est », qui doit offrir un partenariat constructif à la Russie en vue de promouvoir un « changement par l’interdépendance ». Cette politique est critiquée par ceux qui mettent en question la trop grande dépendance énergétique de l’Allemagne des livraisons russes en gaz et en pétrole. Le gouvernement d’Angela Merkel continue cependant à mettre l’accent sur les intérêts commerciaux et de sécurité de l’Allemagne, surtout par rapport à la Russie. Les stratégies économiques allemandes restent multiples et dépendent en premier lieu du pragmatisme des entrepreneurs eux-mêmes.

Zusammenfassung

Eine verstärkte europaïsche Nachbarschaftspolitik (ENP) wurde von der deutschen EU-Präsidentschaft 2007 vorgeschlagen. Sie steht in Verbindung mit der « neuen Ostpolitik », die Rußland eine konstruktive Partnerschaft anbieten soll, um einen « Wandel durch Verflechtung » zu fördern. Diese Politik wird von denjenigen kritisiert, die eine zu hohe Energie-Abhängigkeit Deutschlands von den russischen Gas- und Öllieferungen beklagen. Die Bundesregierung unter Angela Merkel wird allerdings weiterhin Deutschlands Handels- und Sicherheitsinteressen hervorheben, vor allem gegenüber Rußland. Die wirtschaftlichen Strategien Deutschlands bleiben vielfältig und hängen zunächst vom Pragmatismus der Unternehmer selbst ab.


Die Linke, entre gauche radicale art cont.html et défi à la social-démocratie

Résumés/Abstracts

Die Linke

L'évolution récente du paysage politique allemand se caractérise par l’émergence et la stabilisation d’une force à la gauche du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD), Die Linke, suffisamment forte pour représenter une concurrence électorale sérieuse et peut-être augurer d’une recomposition des alliances politiques. Au-delà des résultats électoraux qui lui ont permis d’entrer en 2007 dans plusieurs parlements régionaux ouest-allemands, en Hesse, en Basse-Saxe et à Hambourg, Die Linke influence le débat politique intérieur et la mutation des deux grands partis politiques, le SPD et l’Union chrétienne-démocrate (CDU), le premier se divisant sur le rapport à établir avec cette nouvelle gauche radicale, la seconde qui perçoit une possible « gauchisation » des sociaux-démocrates revendiquant pour elle seule l’idée de centre, au sens allemand de « Mitte ».

Die neueste Entwicklung der deutschen politischen Landschaft ist durch das Auftauchen und die Stabilisierung einer Kraft gekennzeichnet, die sich links der sozialdemokratischen Partei Deutschlands (SPD) etabliert und stark genug ist, um bei den Wahlen ein erntszunehmender Konkurrent zu sein und vielleicht eine Neuordnung der politischen Bündnisse in die Wege zu leiten.Über die Wahlergebnisse hinaus, die ihr 2007 den Einzug in mehrere westdeutsche Landesparlamente, in Hessen, Niedersachsen und Hamburg ermöglicht haben, beeinflusst die Linke die innenpolitische Debatte und die Wandlungen der zwzi Volksparteien, SPD und CDU. Während die SPD über das herzustellende Verhältnis zu dieser neuen radikalen Linken gespalten ist, beabsichtigt die CDU, sich den Linksruck der SPD zunutze zu machen, um für sich allein die "Mitte" zu beanspruchen.

The evolution of the german political situation has been recently characterized by the emergence and the stabilization on the left wing of the social-democrat party of Germany (SPD), die Linke, enough to represent a serious electoral challenge and perhaps point out a change in the political alliances.Besides the election results that made it possible for them to go into several westgerman regional parliaments, such as Hesse, Lower Saxe, Hambourg, die Linke acts upon the internal political debate and the transformation of the two great political parties, SPD und CDU: the former being split over relationship with the new radical left, the latter that sees leftest tendencies in the SPD asserting as her own the idea of the centre – refering to the german meaning of “Mitte”.


L’actualité sociale

La crise financière qui a débuté en 2007 avec les prêts sub-prime aux Etats-Unis s'est subitement accélérée depuis le mois de septembre 2008. Touchant désormais aussi tous les pays d’Europe, elle étend son ombre sur l’ensemble de l’actualité politique, économique et sociale en Allemagne. Du coup, ce qui a pu se passer dans le domaine social, est réduit à la portion congrue dans les médias, même si certains faits peuvent légitimement passionner les Allemands que les défaillances du système bancaire ne touchent qu’à la marge. Ainsi, nous parlerons des négociations salariales qui s’amorcent dans le secteur de la métallurgie, des remous autour de la construction de nouvelles mosquées, du scandale autour du vol de données des clients de T-Mobile, mais aussi de choses plus réjouissantes : le bilan clairement positif de l’ouverture de l’espace Schengen entre l’Allemagne et la Pologne, notamment, ou, de façon peut-être plus anecdotique, de la création de magasins dédiés aux seniors.

Bilan positif de l’ouverture de l’espace Schengen à l’Est

Sept mois après l’ouverture de l’espace Schengen vers l’Est, le ministre de l’intérieur du Land de Brandebourg, Jörg Schönbohm de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) a présenté le premier bilan de cet événement que les nouveaux pays entrants attendaient avec impatience, mais que les régions riveraines des pays d’Europe de l’Est, notamment l’Allemagne, voyaient venir avec une certaine trépidation, craignant une vague de criminalité. C’est en effet le 21 décembre 2007 que huit nouveaux membres ont rejoint l’espace Schengen, du nom d’un village du Luxembourg où un premier accord avait été conclu en 1985 afin de permettre le développement des activités économiques sans entraves. Depuis 2007, il compte 24 pays (la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Roumanie, la Bulgarie et Chypre, pays membres de l’UE, restent pour l’instant à l’écart de l’espace Schengen, alors que deux pays non membres y sont associés, la Norvège et l’Islande), ce qui ouvre un espace de libre circulation de plus de 4000 km, de Talinn, en Estonie, à Lisbonne au Portugal. De quoi inquiéter la population allemande qui craignait la montée possible de la criminalité avec de nouvelles frontières moins sûres, puisque les contrôles aux postes-frontières ont été supprimés.

Lors de la présentation du bilan, M. Schönbohm a constaté avec satisfaction que les rives allemandes de l’Oder, le fleuve qui marque la frontière avec la Pologne, n’ont pas été touchées par une montée de l’insécurité. Contrairement au ressenti d’une certaine frange de la population qui s’inquiète d’une recrudescence des vols et des cambriolages, les autorités du Brandebourg constatent une baisse globale de la criminalité. Au premier semestre, la police a recensé 9 724 délits dans les 25 communes frontalières de la région, contre 11 098 délits pour la même période en 2007. Le nombre de suspects polonais arrêtés a presque diminué de moitié pendant la même période. Sur l’immigration illégale, le gouvernement du Land n’a pas publié de chiffres, mais il assure qu’il n’y a pas de variation significative.

Si de nombreux élus tirent un bilan positif de l’ouverture des frontières, de nombreux habitants des régions frontalières restent dubitatifs, constatant une recrudescence des vols, notamment des vols de voitures et des vols dans les maisons et les jardins. Pour rassurer la population et pour compenser la suppression des contrôles à la frontière, les autorités allemandes, qui avaient contribué à la formation de la police polonaise désormais chargée de la surveillance de la frontière est de la Pologne, frontière extérieure de l’espace Schengen, ont pris une série de mesures. La police allemande peut effectuer des contrôles mobiles de part et d’autre de la frontière sur plusieurs dizaines de kilomètres. Un centre de coopération pour la police et les douanes des deux pays, destiné à renforcer et à simplifier l’intervention des agents allemands et polonais a été créé à Swiecko, en Pologne. Les policiers et les douaniers qui y travaillent ensemble partagent le même bureau et parlent chacun la langue de l’autre, bel exemple d’une coopération germano-polonaise encore difficile à imaginer il y a quelques années.

Le commerce s’ouvre aux seniors

Les consommateurs de plus de 65 ans représentent plus de 20% de la population allemande. Plus nombreux que les moins de vingt ans et riches d’un pouvoir d’achat de plus de 300 milliards d’euros, un tiers du total des dépenses, d’après l’Institut Allemand d’Etudes Economiques (DIW), ils ne sont toutefois pas, contrairement aux jeunes, la cible préférée des commerçants. Selon une étude des centrales de consommateurs et de la fédération des associations de seniors (BAGSO), les personnes âgées se sentent abandonnées lors de leurs courses au supermarché. C’est notamment l’absence de personnel de vente qui est pointée du doigt dans des enseignes telles que Netto, Plus, Aldi ou Real. D’autres problèmes soulevés par la clientèle senior sont l’absence de toilettes, les chariots lourds et malaisés à diriger, la difficulté d’accès de certaines marchandises trop haut placées, le manque de sièges pour s’asseoir ou le marquage des étiquettes difficiles à déchiffrer. Les organisateurs du sondage effectué en 2007 estiment, au vu des résultats, que le commerce de détail ne prend pas suffisamment en compte les besoins de sa clientèle âgée. C’est pourquoi ils demandent que les commerçants inversent la tendance actuelle à la réduction de personnel et recrutent davantage de vendeurs/vendeuses compétent(e)s, qu’ils aménagent des caisses spécifiques comportant une aide à l’emballage des marchandises, l’installation de sièges et de toilettes pour les clients, des chariots plus petits et plus maniables et un étiquetage plus lisible. Ils considèrent que ces améliorations seront profitables à toutes les générations.

Les souhaits formulés par les associations de consommateurs et de seniors ont apparemment été entendus par un jeune entrepreneur qui a ouvert, ou plutôt repris, une enseigne dédiée à une clientèle d’âge mûr. Baptisé « Käthe und Karl », deux prénoms auxquels la génération des grands-parents peut s’identifier facilement, le supermarché est situé dans la petite ville de Grossräschen en Allemagne de l’Est. Outre une gamme de produits exclusivement ciblés seniors, tels que des téléphones à grosses touches, des chaussures orthopédiques ou des vêtements de tailles confortables, l’enseigne a adapté son espace intérieur aux attentes d’une clientèle plus âgée et moins mobile, comme s’ils avaient tenu compte des recommandations issues du sondage de BAGSO. Les vendeuses, d’âge mûr pour la plupart, se tiennent prêtes à renseigner les clientes et à les aider lors d’essayages dans des cabines plus larges que d’habitude, alors que leurs maris peuvent les attendre confortablement installés dans des sièges qui ont été disposés un peu partout. Les allées sont larges, la signalétique visible, les marchandises étiquetées de façon lisible.

Ouvert en septembre 2007, l’enseigne qui est actuellement le seul magasin spécialisé senior, réfléchit à son développement. D’après le jeune gérant, originaire de Lübeck, un système de franchise est envisagé pour déployer un réseau de filiales à travers toute l’Allemagne. D’autres enseignes sont plus dubitatives. Les grands distributeurs sont conscients du développement de ce segment de la clientèle qui est appelé à se développer encore, mais certains d’entre eux, tels que Karstadt ou Edeka, poursuivent des stratégies différentes. Ils préfèrent diversifier leur gamme de produits et aménager le magasin pour le rendre plus accueillants aux seniors. Ils estiment que les personnes âgées ne veulent pas se sentir exclues et reléguées dans un « magasins pour vieux ». Ils préfèrent les endroits où les générations se croisent et se rencontrent, sans se sentir stigmatisés. L’avenir dira laquelle des deux formules trouvera le plus d’adeptes, mais le simple fait de mieux prendre en compte les besoins des seniors est déjà un progrès.

Revendications salariales record : IG Metall réclame 8% d’augmentation

Pour les négociations salariales qui débutent au mois d’octobre dans l’industrie électrique et la métallurgie, fief de l’IG Metall, les revendications formulées par le syndicat atteignent des sommets. Les commissions régionales de l’IG Metall se sont unanimement prononcées pour une revalorisation des salaires de 8%. L’année dernière, ils avaient demandé 6,5%, un taux qu’ils ont presque obtenu, avec une augmentation en deux étapes de 4,1 et 1,7%, avec une durée de l’accord de 19 mois. Il faut toutefois remonter à plus de 16 ans avant de trouver une revendication dépassant les 6,5%. Les négociations dans ce secteur-clé de l’industrie allemande sont suivies avec attention par le patronat et les syndicats des autres branches, en raison de la valeur symbolique du niveau de l’accord conclu.

L’association patronale Gesamtmetall, qui a réagi avec une rare violence (nicht alle Tassen im Schrank), a lancé un avertissement aux syndicats, estimant qu’ils ne pourraient pas dépasser la limite de 3% d’augmentation en raison du recul probable de l’activité économique dans les mois, voire l’année à venir. Cette opinion trouve un écho auprès de bon nombre d’économistes, tels que ceux de l’Institut de recherche économique RWI (Rheinisch-Westfälisches Institut für Wirtschaftsforschung) qui considèrent, eux aussi, qu’il ne faudrait pas dépasser les 3 à 3,5%, au risque d’accroître le chômage dans cette branche. Ils verraient des versements uniques et des systèmes d’intéressement aux bénéfices de préférence aux augmentations généralisées durables, pour permettre aux entreprises de réagir de façon flexible en cas de récession. L’Institut IFO (Institut für Wirtschaftsforschung) de Munich rejoint cette opinion en estimant que l’inflation élevée qui sévit actuellement en Europe est alimentée en grande partie par les prix élevés de l’énergie ; mais qu’il serait préférable pour tous de faire des économies en matière d’énergie plutôt que de demander aux entreprises de faire face au renchérissement de l’énergie pour elles-mêmes ainsi que pour celui de leur personnel.

Les responsables de l’IG Metall ne l’entendent toutefois pas de cette oreille. Ils considèrent que leur revendication est pleinement justifiée en raison de l’accélération de l’inflation, des progrès de productivité et de ce qu’ils qualifient de « compensation de justice » (Gerechtigkeitsausgleich), les rémunérations des managers et les profits des entreprises ayant augmenté plus vite que les salaires. Le président de l’IG Metall, Berthold Huber, a affirmé que plus de la moitié de ses troupes souhaite une augmentation plus importante, certains visent même un taux à deux chiffres. Il estime que, s’il ne s’agissait que de sa branche, il pourrait exiger une augmentation plus importante, mais, en considération des autres secteurs, moins bien lotis, il modère ses revendications. IG Metall est bien décidé à obtenir un résultat rapide, en agitant la menace de grève, si besoin est. La période d’obligation de paix (Friedenspflicht), qui lui interdit de faire grève, se termine le 31 octobre. Les premières grèves d’avertissement sont annoncées pour la nuit du 1er novembre.

Il n’est toutefois pas certain que Berthold Huber obtienne gain de cause si rapidement. En raison de la grave crise financière qui sévit depuis un an, l’industrie allemande traverse une passe très difficile. Les commandes refluent pour le huitième mois consécutif, la plus longue passe négative traversée depuis l’unification en 1990. En raison de la récession qui s’installe dans les grands pays destinataires des exportations allemandes, tels que la France ou les Etats-Unis, ce secteur se porte moins bien ; dans cette situation, la consommation interne n’est pas d’un grand secours. Les négociations salariales risquent de durer plus longtemps que ne le prévoit IG Metall.

Remous autour de l’édification de nouvelles mosquées

La communauté musulmane d’Allemagne va devenir plus visible. 200 projets de construction de mosquées sont à l’étude, dont certaines dans de grandes villes comme Berlin – où l’inauguration de la mosquée de Berlin-Heinersdorf, à l’Est de la ville, est prévue pour le mois d’octobre –, Munich, Francfort, Kassel ou Cologne, ce qui ne va pas sans créer des remous dans la population. L’opposition à Cologne est particulièrement vive. Cette ville, qui abrite à la fois une des plus imposantes cathédrales de la chrétienté et la plus grande communauté musulmane d’Allemagne s’apprête à accueillir une nouvelle mosquée. Après deux années de controverses, la municipalité a donné son feu vert à la construction d’une des plus grandes mosquées sur le sol allemand, avec deux minarets qui se dresseront à 55 mètres de hauteur. Les travaux qui devraient commencer début 2009 et s’achever fin 2010, ont été confiés à Ditib, une association religieuse turque, qui émane de l’autorité turque des affaires religieuses. L’emplacement prévu pour la future mosquée se situe à Ehrenfeld, dans la banlieue ouest de Cologne, sur le terrain d’une ancienne usine pharmaceutique désaffectée. Le projet prévoit une mosquée pouvant accueillir 2000 fidèles ainsi que des bâtiments pour l’association Ditib, ce qui en ferait le plus grand centre religieux musulman d’Allemagne.

Fritz Schramma, maire chrétien-démocrate de la ville de Cologne, a défendu le projet de mosquée contre son propre parti. Pendant des mois, partisans et opposants de la construction se sont livrés une lutte sans merci. Même après la décision de la mairie, les opposants ne désarment pas, en attendant les élections municipales de juin 2009 pour stopper le projet si l’équipe municipale change. Les manifestations et les défilés se succèdent, signe visible de ce que certains sociologues qualifient de montée de l’islamophobie en Allemagne. D’après eux, plus du tiers des Allemands seraient pessimistes et critiques à l’égard des musulmans. Cologne n’est pas la seule ville à cristalliser les conflits. Plusieurs grandes villes allemandes telles que Munich, Kassel, Francfort ou Berlin, sont aussi le théâtre de controverses autour de la construction de mosquées. La présence de 3,2 millions de musulmans sur le sol allemand, majoritairement d’origine turque, conduit à une visibilité accrue, ce qui fait prendre conscience aux Allemands que leur population immigrée est là dans la durée et souhaite vivre selon ses convictions, ce qui ne va pas sans susciter quelque inconfort chez certains Allemands.

Or l’édification de la mosquée dans la ville de Duisbourg montre que ce type de projet peut être conduit dans la concertation, sans heurter la résistance des habitants locaux. La mosquée de Duisburg, la plus grande d’Allemagne maintenant, sera inaugurée fin octobre dans le quartier de Marxloh, au nord de la ville. L’édifice d’inspiration byzantine surmonté d’un minaret de 34 mètres de haut pourra accueillir jusqu’à 1200 fidèles. Si la mise en œuvre de ce projet n’a suscité aucune controverse, c’est que toutes les parties prenantes ont fait montre d’une grande capacité de dialogue et d’ouverture. Dès 2001 un comité consultatif a été instauré. Il comprenait des représentants d’associations musulmanes, des Eglises, des partis politiques, des écoles, des universités et des habitants du quartier. L’association Ditib, responsable du projet comme à Cologne, a travaillé main dans la main avec la municipalité de Duisbourg qui l’a toujours soutenue. Il est vrai qu’ils ont su garder des proportions plus modestes pour leur édifice que celles des églises chrétiennes des environs. On pourrait en dire autant de la mosquée de Cologne, qui est certes grande, mais petite comparée à la cathédrale qui mesure 157 mètres. Mais Duisbourg n’est pas Cologne, et l’association Ditib a peut-être montré un certaine doigté dans la Ruhr pour réconcilier les Allemands avec une visibilité de la vie musulmane qui ne pourra que s’accroître à l’avenir.

Deutsche Telekom reconnaît le vol de données de 17 millions de clients

La Grande-Bretagne n’a pas l’exclusivité de la perte de données confidentielles de sa population. Début octobre, Deutsche Telekom a confirmé la rumeur au sujet du vol de données confidentielles de 17 millions de clients de sa filiale T-Mobile. Pour l’entreprise Deutsche Telekom, c’est le vol de données le plus important qui lui soit jamais arrivé. L’affaire qui remonte à 2006 et pour laquelle une enquête judiciaire est en cours touche à des informations confidentielles telles que l’adresse et le numéro de téléphone, la date de naissance, mais plus rarement l’adresse mail des clients de T-Mobile. Parmi eux se trouveraient des personnalités du monde politique, économique et culturel qui craignent que les données puissent être utilisées à des fins criminelles, qu’elles pourraient même menacer leur sécurité. Un porte-parole de T-Mobile a affirmé qu’aucune donnée bancaire n’a été dérobée et que les registres de données, proposés au marché noir, n’auraient pas trouvé preneur. L’hebdomadaire Der Spiegel, qui a pu se procurer une copie des documents, a confirmé qu’ils circulaient encore clandestinement sur internet.

Les responsables de T-Mobile avaient espéré que les enquêtes judiciaires permettraient de sécuriser les données et d’empêcher leur diffusion, mais la police est à présent persuadée qu’elles circulent à nouveau sur le net, au détriment des clients concernés qui, verraient, au mieux une recrudescence de spam sur leur téléphone mobile ou, pire, la vente d’informations les concernant à des entreprises peu sérieuses, voire criminelles. Deutsche Telekom, de son côté, affirme qu’il n’y a aucun danger pour les données actuelles des clients. Depuis la prise de fonction du nouveau patron de l’entreprise, René Obermann, en novembre 2006, de nouvelles mesures de sécurisation auraient été prises, notamment l’introduction de mots de passe ayant un haut degré de sécurité ainsi que le renforcement de la surveillance des données. Ces nouveautés sont toutefois de peu de réconfort pour les clients de 2006, dont les données circulent toujours sur le net et auxquels est simplement offert un changement gratuit de leur numéro de téléphone. Ce qui inquiète et révulse la population allemande particulièrement, ce n’est pas seulement la menace que représente la divulgation d’informations confidentielles que la firme T-Mobile n’a pas su empêcher, c’est aussi le fait qu’une affaire de cette ampleur a pu rester secrète pendant deux ans.

Brigitte.Lestrade@u-cergy.fr


Chronique littéraire et culturelle

Chronique littéraire et culturelle

Afriques

Depuis huit ans, Berlin accueille au début de l'automne son désormais célèbre « festival international de littérature » (internationales literaturfestival berlin) qui réunit des auteurs et intellectuels du monde entier pour présenter et débattre les évolutions de la littérature et de la poésie contemporaines. Ce festival organisé en coopération avec la « Peter-Weiss-Stiftung für Kunst und Politik e.V. » a, contrairement à d’autres manifestations littéraires, une particularité bien affichée, celle d’avoir une visée clairement politique. La huitième édition du festival met cette année l’accent sur l’Afrique, avec la présence d’une majorité de jeunes auteurs pas encore très connus ou pas traduits en allemand. Y figurent toutefois des noms bien connus en France avec, entre autres, l’Algérien Boualem Sansal (qui vient de publier Le village de l’Allemand) ou le dramaturge togolais Kossi Efoui. En dehors des lectures, le festival prévoit nombre de débats et de tables rondes qui focalisent cette année les tenants et aboutissants historiques et politiques des problèmes actuels du continent africain, et évoquent également les relations avec l’Europe et l’aide au développement. Dans ce contexte, certains observateurs ont regretté l’absence du regard littéraire européen sur l’Afrique. Apparemment, la littérature contemporaine ne s’y consacre pas, c’est pourquoi les organisateurs ont invité Uwe Timm à lire des extrais d’un roman paru il y a trente ans, Morenga, sur le soulèvement des Herero contre les colonisateurs allemands au début du XXe siècle. On peut toutefois s’étonner de l’absence à ce festival d’un jeune auteur suisse, Lukas Bärfuss, qui vient justement de publier un roman sur l’Afrique. Roman remarqué par la critique dès sa parution pour son sujet inhabituel.

En avril 1994, lorsque les occidentaux quittent Kigali après le début du génocide, David Hohl, membre du bureau de la coopération suisse au Rwanda, décide de laisser partir le dernier avion. Il a honte de voir les coopérants quitter le pays comme s’ils avaient tout prévu depuis toujours, et il veut retrouver Agathe pour lui montrer qu’il est différent des autres. Il se cache dans sa maison et y reste les cent jours que sévira le génocide. Avec son premier roman Hundert Tage (Wallstein, 2008), Lukas Bärfuss, connu pour être un des meilleurs dramaturges et auteurs du théâtre actuel, s’attelle donc à un sujet peu habituel pour la littérature contemporaine de langue allemande. De retour en Suisse, David livre son récit à un ami d’enfance – le narrateur du roman. Ce dernier observe un homme brisé et assiste à l’anamnèse des souvenirs, il suit les paroles et encore plus les silences de cet ami qui n’avait pas imaginé qu’il pouvait un jour se retrouver impliqué dans un crime de masse. Cela faisait quatre ans que David travaillait pour l’aide au développement suisse au Rwanda, il croyait « au Bien », voulait aider les gens et surtout « faire avancer l’humanité ». Certes, il se rend compte des injustices et dysfonctionnements du système d’aide, remarque les inégalités dans la société rwandaise dues à l’appartenance à deux ethnies, les « longs » et les « courts ». Mais comme les autres coopérants, David se laisse emporter par un certain ennui quotidien, renonçant à mieux comprendre cette société : « Tout ce que nous ne comprenions pas, nous ne le comprenions pas tout simplement parce que personne d’entre nous ne comprenait leur langue. Nous ne pensions pas que l’effort de l’apprentissage valait la peine, que cette langue conservait un quelconque secret, quelque chose qu’il fallait comprendre pour percer le masque de ce pays. » Et pourtant, ce fut bien la langue locale qui, à travers une propagande bien organisée, devint le vecteur du génocide.

Ce faisant, David commence une relation amoureuse avec Agathe, fille d’un haut fonctionnaire du régime en place, étudiante à Bruxelles et retenue par son père pour poursuivre ses études au pays. Agathe, insaisissable pour David comme l’est sa langue, perd peu à peu son habitus européen, elle suit les manifestations politiques des Hutus jusqu’à devenir elle-même un instrument de la propagande génocidaire anti-Tutsi, « contaminée avec ce bacille, avec cette haine qui a fini par l’empoisonner et la tuer ». Trop tard, David se rend compte de la métamorphose de son amie, trop tard il comprend que les ambitieux projets d’aide au développement engagés par la Suisse, qui a fait du Rwanda une de ses priorités en matière de financement, ont surtout servi à mieux mener à bout le génocide : « nous n’avons pas vu les conséquences, nous ne voyions que notre vertu qui nous ordonnait d’aider. » Par exemple apprendre à gérer et à administrer le pays, apprendre la démocratie en professionnalisant les médias du pays, avec pour conséquence un génocide très ordonné et la création de stations de radios, comme la Radio des Mille Collines, transmettant des propos incendiaires contre les « cafards » : « Bon, ce n’était pas notre intention d’enseigner aux génocidaires leur métier, ce n’était certainement pas de notre faute s’ils faisaient de la radio un instrument de meurtre, mais d’une certaine manière je n’ai jamais pu me débarrasser du sentiment que je prêtais l’oreille à un projet très réussi de notre direction. ».

Le livre de Lukas Bärfuss, dont le récit hésite parfois entre intention documentaire et « littérarisation », a été reçu comme un texte attestant de l’engagement politique de l’auteur. Pourtant, Bärfuss lui-même insiste sur le caractère fictionnel de son roman et rappelle la règle quelque peu élémentaire selon laquelle on fait la différence entre l’auteur et ses personnages. En revanche, si ce livre témoigne d’un positionnement, c’est bien de celui, autocritique, qu’affichent les humanitaires depuis une vingtaine d’années face à leur propre intervention dans des zones de crise – interrogation en l’occurrence également valable pour l’aide au développement – et sur leur implication non-intentionnelle dans des crimes.

Familles

« Ainsi je vivais désormais de page en page et entre livre et livre. Ce faisant, je portais quantité de personnages en moi. Mais pour le raconter, les oignons manquent autant que l’envie. » Ainsi se terminait en 2006 l’autobiographie de Günter Grass, Beim Häuten der Zwiebel (Pelures d’oignons), qui a défrayé la chronique à cause de l’aveu de l’auteur d’avoir été membre d’une formation des Waffen-SS. Le livre ne se limitait évidemment pas à cela. C’est une autobiographie tout à fait classique où Grass décrit son enfance et sa jeunesse, les premières années d’après-guerre, sa participation au Groupe 47, son séjour à Paris jusqu’à la parution du Tambour, tout en abordant sa formation intellectuelle, ses rencontres, ses premières œuvres. C’est la métaphore de l’oignon que l’auteur choisit pour désigner le souvenir dont il faut ôter les différentes strates pour décoder ce qui est inscrit dans la mémoire depuis longtemps, y compris les faux souvenirs, les mensonges, les petites tricheries qui constituent « la partie la plus résistante du souvenir ». L’autobiographie s’arrête à la fin des années 1950, l’auteur-narrateur termine son récit en avouant une certaine lassitude. Il n’a plus envie de raconter la suite et de continuer ce travail de mémoire.

Deux ans après, Günter Grass revient à la charge avec Die Box. Dunkelkammergeschichten (Steidl, 2008), en quelque sorte la suite de son autobiographie, sauf que l’auteur y recourt à une constellation narrative inhabituelle pour ce genre. En effet, il passe par le point de vue de ses huit enfants qu’il fait se réunir, par l’intermédiaire d’un geste auctorial que Grass maîtrise comme personne d’autre, autour d’une table équipée d’un microphone. Dans un entretien télévisé, Grass affirme qu’il ne voulait pas représenter l’essentiel de ce qu’il avait fait dans la vie, c’est-à-dire écrire livre après livre, à partir de son propre point de vue. Ce sont donc les enfants qui parlent et racontent comment ils ont vécu l’activité d’écriture de leur père. Mais ce petit artifice ne saurait tromper le lecteur sur la voix qui fait parler les personnages et le « père » ne manque pas d’aviser qu’il s’agit d’une constellation bien fictionnelle : il intervient à la fin des chapitres et « supprime quelques mots, en atténue ou renforce l’expression » ou ajoute quelques souvenirs propres à lui. Ce dernier livre de Günter Grass est un livre très intime, plein d’humour et plein d’anecdotes. On suit l’auteur dans sa grande famille recomposée en suivant les méandres de ses différents couples et relations amoureuses, sans pour autant se sentir voyeuriste. La perspective choisie, celle des enfants, exclut a priori ce qu’on aurait pu attendre d’une autobiographie classique : des renseignements sur ses nombreux engagements intellectuels et politiques depuis les années 1960. L’Histoire, toujours présente chez Grass, rentre dans le livre par un deuxième artifice : la fameuse boîte qui a donné son titre au livre et qui évolue peu à peu en personnage central. D’abord, il y a une histoire vraie, celle de la photographe Maria Rama, amie de l’auteur qui l’a souvent accompagné ainsi que sa/ses famille(s), et il en résulte plein de photos. La « boîte », une vieille caméra Agfa, fut le seul objet qui ait survécu dans l’atelier de la photographe lors des bombardements de Berlin. Et cette boîte devient ensuite ce qui a été l’oignon plus prosaïque du livre précédent : le vecteur du passé et de la mémoire. Avec une faculté en plus, celle de regarder dans l’avenir et de réaliser les souhaits les plus intimes des enfants. Ce sont donc les photos prises dans le présent par la photographe, avec cette vieille boîte Agfa, qui révèlent les strates du passé ou prédisent l’avenir. On est ici dans le registre de la magie et du conte, déjà annoncé dès la première ligne : « Il était une fois un père qui, devenu vieux, convoqua ses fils et filles – au nombre de quatre, cinq, six, huit – jusqu’à ce qu’ils se plient à son vœu après de longues hésitations. Désormais assis autour d’une table, ils commencent aussitôt à parler, chacun pour soi, tous en même temps, certes imaginés par le père et suivant ses paroles, mais opiniâtres et sans vouloir le ménager, malgré l’amour qu’ils lui portent. »

La critique allemande a froidement accueilli le livre, reprochant à l’auteur complaisance et nombrilisme, elle n’a pas apprécié cette posture quasi-divine de pater familias. Cette certitude auctoriale aujourd’hui désuète et que l’on ne retrouve plus dans la littérature des plus jeunes. Cette persistante volonté de l’auteur de se mêler dans son récit, d’apparaître en plein milieu d’une fiction et de montrer qu’il la gère et maîtrise. Mais cette posture qui agace certains, a tout pour séduire d’autres. Grass sait raconter, il sait conter, il sait attiser l’imagination. Cette posture a quelque chose de rassurant, quelque chose qui transmet le sentiment de pouvoir faire confiance au récit, quelque chose qui rappelle ce narrateur dont Walter Benjamin avait déjà déploré la disparition dans les années trente : celui qui sait « transmettre une expérience » et qui sait « donner conseil ». Grass, avec son assurance narrative, serait-il, même si c’est un anachronisme, le dernier « narrateur » du XXIe siècle ? Le lecteur en tout cas peut trouver du plaisir à jouer le jeu et accorder à ce vieil homme, ne serait-ce le temps d’un contrat de lecture et le temps d’une illusion, ce pouvoir de maîtrise du récit et des expériences.

Allemagnes

Si l’histoire de l’Allemagne n’est plus au centre du dernier livre de Günter Grass, la jeune génération semble prendre la relève. À une année des commémorations du vingtième anniversaire de la chute du Mur, Jan Böttcher et Ingo Schulze s’intéressent aux derniers moments de la RDA. Avec Nachglühen (Rowohlt, 2008), Jan Böttcher écrit un roman sur l’amitié et la trahison, sur les difficultés de venir à bout d’expériences traumatisantes et de se reconstruire dans un environnement apparemment anodin, mais lourd des traces du passé. Après de nombreuses années passées en Allemagne de l’Ouest, le journaliste Jens Lewin décide de revenir dans le village où il a passé son enfance et sa jeunesse pour reprendre le bistrot de ses parents. À l’époque de la RDA, ce village au bord de l’Elbe appartenait à la zone frontalière, avec toutes les conséquences pour la population locale : déplacements forcés de certaines familles dans l’arrière-pays, limitation d’accès et laissez-passer, contrôles renforcés, patrouilles des gardes-frontières et bien sûr la clôture qui barre la vue sur le fleuve. Ce n’est qu’après la chute du Mur que les parents de Jens Lewin ont pu reprendre le bistrot familial et renouer avec une tradition que le fils se sent désormais tenu d’assurer. Sa femme Anne l’accompagne dans cette entreprise que les deux lancent avec enthousiasme, mais peu à peu, elle voit son mari changer, devenir taciturne, se recroqueviller sur lui-même. Et puis, il y a ces voisins, Hans Brüggemann et son fils Jo. Leur présence devient insupportable pour Jens Lewin, les accrochages se répètent. Alors qu’Anne se rapproche de Jo Brüggemann et apprend de lui quelques bribes de la vie de Jens, ce dernier se renferme de plus en plus. Seul, il est en train de vivre un processus douloureux où, au vu des lieux et des paysages de son enfance, les souvenirs du passé remontent.

On apprend alors qu’à l’époque de la RDA, Jens s’est trouvé à deux reprises dans le collimateur du pouvoir. L’adolescent de seize ans qui dévore Stanislas Lem et fréquente le photographe Jablonski, le seul être marginal du village, se met à écrire une pièce pour marionnettes qu’il présente en 1985 lors des festivités du 36e anniversaire de la fondation de la RDA. Ce qui a été préalablement présenté aux fonctionnaires de la culture comme un conte anodin se révèle être une pièce politique sur ses expériences dans la zone frontalière. Jens est immédiatement arrêté, et, après de longs interrogatoires, il purge une peine de huit semaines dans un foyer pour jeunes. Rentré chez lui, il est abordé par Jo Brüggemann qui voit en lui un héros, ou du moins le lui fait croire. C’est ainsi que Jo incite Jens à faire une plaisanterie aux gardes-frontières, en se branchant sur leur réseau téléphonique. En plein milieu de l’affaire, Jo disparaît, Jens est arrêté une deuxième fois et finit les dernières années de la RDA en prison pour n’en sortir qu’en décembre 1989.

Ce qui rend le roman de Jan Böttcher intéressant, c’est la façon d’agencer les niveaux de narration afin qu’on ne puisse pas reconstruire sans ambiguïté les faits du passé. Jens, Jablonski et Jo sont tous impliqués dans les différentes affaires, le roman fait naître des soupçons contre chacun de ces trois personnages. Böttcher opte pour figurer une sorte de « zone grise » plutôt que de faire porter un jugement clair et univoque sur les personnages.

La critique a réservé un accueil très positif à ce livre – Böttcher avait déjà présenté un extrait au Ingeborg-Bachmann-Wettbewerb 2007 et avait reçu le prix Ernst Willmer – soulignant que c’était un jeune Allemand de l’Ouest qui l’a écrit et qui a réussi à peindre avec justesse un pan de l’histoire de la RDA. Est-ce le début d’un décloisonnement de la jeune littérature allemande et la fin de l’opposition quelque peu caricaturale entre « génération Golf » et « génération Trabant » ?

Avec Adam und Evelyn (2008, Berlin Verlag), Ingo Schulze nous livre un roman d’un tout autre genre qui se présente à première vue comme une réactualisation des pétillants romans d’été pour amoureux de Kurt Tucholsky. On est en août 1989. Adam, 33 ans, et Evelyn, 21 ans, partagent leur vie dans une petite maison. Adam est tailleur, Evelyn serveuse, dans quelques jours ils devaient partir en vacances en Hongrie, au bord du lac Balaton. Mais Adam, qui n’est pas simplement tailleur, mais un véritable créateur de mode qui attire sa clientèle d’un peu partout en RDA, a un goût prononcé pour les femmes bien habillées et donc pour ses clientes. Lorsqu’Evelyn le surprend avec l’une d’elles, elle décide de le quitter et de partir en Hongrie par ses propres moyens, avec une copine et le cousin de cette dernière, un Allemand de l’Ouest. Comme Adam aime Evelyn, il décide d’abandonner la tranquillité de sa vie de créateur en fin de compte heureuse et de les suivre avec sa vieille Wartburg, année de construction 1961. Commence alors un voyage rocambolesque à travers la Tchécoslovaquie et la Hongrie et leurs postes-frontière. Un peu étonné, Adam observe les nombreux Allemands de l’Est autour de lui qui attendent de trouver une occasion pour passer à l’Ouest. Lorsqu’il retrouve Evelyn, il doit constater qu’elle aussi n’a plus qu’une envie, celle de passer la frontière, de commencer une nouvelle vie et de faire enfin des études qu’elle s’est vu refuser en RDA. Lorsque la Hongrie ouvre définitivement sa frontière avec l’Autriche, les interminables vacances sur le lac Balaton prennent fin et Adam décide de suivre Evelyn jusqu’à Munich, de recommencer une nouvelle vie là-bas, alors qu’au fond, il aurait préféré rentrer chez lui.

Sur fond d’une histoire de couple apparemment assez banale, Ingo Schulze livre avec finesse une radiographie de l’environnement social des personnages et réussit ainsi à capter cette ambiance particulière qui caractérisait les derniers mois avant la chute du Mur. Remarquables sont également les dialogues qui constituent la majeure partie du roman. La narration s’efface peu à peu et laisse la place directement aux voix des personnages. Dans l’ensemble, c’est un livre à la fois plaisant et profond, notamment dans la représentation des comportements et des attitudes face à l’imminence d’un tournant de l’histoire.

Terminons par deux événements culturels qui ont marqué cet automne. Le premier était la sortie, fin septembre, du film Der Baader-Meinhof-Komplex de Uli Edel (D 2008, 150’), basé sur l’ouvrage du même titre du journaliste Stefan Aust, ex-rédacteur en chef du Spiegel. Dès le début du mois de septembre, le Spiegel consacre sa une au film et annonce au spectateur qu’il verra des « images de la barbarie » qui témoigneraient comme jamais auparavant de la brutalité des terroristes. En suivant la chronique établie par Aust, le film s’étend sur les dix ans entre 1967 et 1977, de la visite du Shah à Berlin et le début des révoltes d’étudiants jusqu’à « l’automne allemand ». En s’appuyant sur les faits historiques, représentés de façon aussi exacte et authentique que possible, le film prétend en finir avec le mythe qui s’est construit autour de la RAF, en démasquant la brutalité sauvage de ses acteurs. La critique a cependant déploré que le film ne propose pas d’analyse du terrorisme allemand, mais qu’il se contente d’aligner les différents événements. L’enjeu était bien là : faire un long métrage, une fiction, tout en suivant de près la chronique d’Aust et les faits historiques. L’entreprise de démythification est également remise en question. En dehors des journalistes, ce sont les familles des victimes de la RAF qui sont entrés dans le débat. Ainsi, Michael Buback, fils du procureur général fédéral Siegfried Buback assassiné le 7 avril 1977, y voit surtout un film sur les acteurs de la RAF, sur les bourreaux (un « Täterfilm »). Il pense que les nombreuses scènes montrant la violence terroriste n’empêchent pas que le film crée avant tout une proximité avec les personnages principaux, les terroristes de la RAF, qui sont au centre du film et qui sont les seuls avec lesquels le spectateur peut se familiariser. Alors que l’histoire personnelle des victimes de la RAF est absente. La famille de Jürgen Ponto, président du directoire de la Dresdner Bank, assassiné le 30 juillet 1977 dans sa maison, proteste publiquement contre le film. La veuve de Ponto, âgée de 79 ans, a même rendu la Croix fédérale du mérite qu’elle avait reçue dans les années quatre-vingts. Non seulement la famille déplore les erreurs historiques dans la représentation de l’assassinat, mais elle se sent blessée dans sa dignité humaine suite au battage médiatique autour du film et de la diffusion répétée de cette scène d’assassinat dans les médias. Le public français pourra juger lui-même de la portée du film, intitulé « La bande à Baader », qui sort au mois de novembre 2008.

Comme tous les ans, le salon du livre de Francfort est l’occasion pour l’attribution du Prix de la paix des libraires allemands à une personnalité qui a contribué à mettre en œuvre et à concrétiser l’idée de la paix grâce à son travail dans le domaine de la littérature, des sciences ou des arts. Avec Anselm Kiefer, le prix a été attribué en 2008 pour la première fois à un artiste plasticien qui, comme l’explique le jury, « confronte son époque avec cet inquiétant message moral de la ruine et de l’éphémère ». Le jury souligne par ailleurs les affinités de l’artiste avec le monde du livre dans la mesure où ses toiles sont souvent influencées par la poésie ou la littérature et que l’ « objet livre », réalisé dans des installations ou des sculptures, a une signification particulière pour lui. Dans son discours pour la remise du prix, l’historien de l’art Werner Spiess met l’accent sur l’importance du travail de Kiefer. Celui-ci s’est opposé aux tendances non figuratives et à la disparition du sujet propres à la peinture de l’après-guerre, en réintroduisant des contenus et en entamant un confrontation avec le passé nazi. Kiefer, de son côté, insiste sur l’importance de se confronter aux mythes qui ont été détournés par le national-socialisme afin de ne pas les enfouir dans l’inconscient collectif. Par ailleurs, il évoque le manque d’ « espaces de mémoire » en Allemagne, dans la mesure où, en 1945 comme en 1989, on remblaye et on bouche l’espace qu’il y avait avant pour recommencer à zéro. Concernant l’Allemagne après 1989, Kiefer pense qu’il aurait fallu maintenir un espace symbolique, un espace vide entre les deux États et les deux systèmes, « un espace de méditation pour l’Histoire où les gens auraient pu descendre – descendre en eux-mêmes. » Mais n’est-ce pas des artistes que cette initiative aurait dû nous venir ?


L’art contemporain : miroir de l’identité allemande ?

Un dossier dirigé
par J.-L. Georget et G. Robin

S'il est un domaine qui a accompagné la mondialisation des trente dernières années en Allemagne, c’est bien celui de l’art contemporain et du marché qu’il a engendré. Comme on peut l’observer partout dans les lieux consacrés, les artistes allemands occupent actuellement une place prépondérante sur la scène mondiale. Baselitz est exposé à la Royal Academy of art de Londres, Penck et les photographes de l’école de Düsseldorf au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, Andreas Gursky au Centre Pompidou et au MOMA de New York, Anselm Kiefer investit quant à lui la nef du Grand Palais à l’occasion de la Monumenta. Organisée tous les cinq ans, la Documenta de Kassel, quoique récemment contestée, constitue encore l'une des foires majeures d'art contemporain au monde. Quant au palmarès 2007 du prestigieux Kunstkompass, cette « boussole de l’art » qui établit chaque année un classement mondial des artistes contemporains les plus cotés, on retrouve quatre plasticiens allemands aux sept premières places (Gerhard Richter, Sigmar Polke, Rosemarie Trockel et Georg Baselitz) et 31 artistes allemands parmi les 100 premiers. Jamais génération ne fut aussi prospère de son vivant. Ainsi Andreas Gursky, figure de proue des artistes à succès profite pleinement de cet effet bijectif instauré entre art contemporain et scène allemande : en 2007, il a été vendu chez Sotheby’s à Londres pour 3,3 millions de dollars une forme-tableau représentant des rayons de supermarché bien achalandés et intitulée de façon paradoxale 99 cent.

Comment expliquer ce phénomène ? Qu’appelle-t-il comme ressorts historiques, sur quoi repose cet engouement qui reste constant depuis les années 1960. Sans doute cet attachement à une génération d’artistes certes douée n’est-il pas tout à fait étranger à un certain nombre de raisons dont traitent les contributeurs de ce numéro. Trois facteurs ressortent clairement de ce numéro : le rapport particulier des artistes à l’histoire et à l’identité allemande, les liens complexes entretenus entre l’art et la politique, l’omniprésence des rapports marchands. L’insolente réussite et la prospérité nouvelle que connaissent les grands noms de la peinture et de la photographie font naturellement écho au désamour qu’a subi dans l’entre-deux-guerres une génération qui s’était, elle aussi, engagée dans la radicalité du renouveau et qui fut ignorée, mal aimée et méprisée avant d’être bannie de toute existence lorsque les nazis arrivèrent au pouvoir. A cette histoire qui se résume dans la terrible expression « d’art dégénéré » forgée par la dictature se rajoute celle de la fracture des deux Allemagnes subsumée dans le triomphe artistique qui suit la réunification. Peut-être un des ressorts du succès de Gerhard Richter et Georg Baselitz réside-t-il dans la rupture qu’a constitué pour eux une éducation dans les académies les plus huppées de la République démocratique allemande et le perfectionnement de leur pratique dans la société occidentale d’économie de marché, après leurs passages respectifs du mur en 1961 et 1957.

L’art contemporain allemand aurait-il pu connaître une telle expansion sans cette identité si particulière ? La reconnaissance mondiale des artistes d’Outre-rhin s’explique-t-elle uniquement à travers le lien si spécifique qui unit l’art contemporain allemand et l’identité allemande depuis 1945 ? Peut-on d’ailleurs parler d’un art contemporain « allemand » de manière indifférenciée, adjectif qui s’appliquerait aussi bien à la création de l’après-guerre qu’à la jeune génération des Meese, Tillmans et Schneider ? Pour essayer de cerner l’art contemporain allemand dans sa globalité, il conviendra de s’interroger sur l’existence d’un Sonderweg artistique en Allemagne. Il s’agira de montrer combien l’identité allemande a nourri l’art contemporain de l’après-guerre et comment les artistes allemands se sont positionnés face à cette identité problématique, l’ont refoulée ou digérée, intégrée ou mise à distance et contribué ainsi au travail de l’Allemagne sur son histoire. Mais l’autre face de la visibilité de cette bulle artistique est liée à la mondialisation et à la marchandisation de plus en plus accrue de la production allemande, de sorte qu’il est de bon aloi de se demander quel est l’effet respectif et réciproque entre un milieu artistique riche en talents et un marché de l’art prospère et actif. L’exemple de Neo Rauch est en ce sens édifiant. Rattaché à la nouvelle Ecole de Leipzig et peintre modèle à l’époque de l’existence des deux Etats allemands, il produit une œuvre abondante et majeure sans renier ses influences est-allemandes, qui confère à ses tableaux très colorés un caractère parfois cauchemardesque. Malgré sa consécration nationale, l’accroissement de sa notoriété est étroitement lié à la mondialisation. Porté par le marché américain, il est glorifié de son vivant au Metropolitan Museum de New York ou au musée national de Pékin. Les collectionneurs qui lui ont accordé leur attention ont participé de la richesse accumulée dans les trois décennies qui vont du début de l’ère Reagan au krach d’octobre 2008. Les nouveaux arrivants sur le marché de l’art ont spéculé sur la valeur plus que sur le contenu, engendrant une demande qui a généré chez nombre de peintres une inflation de toiles « made in Germany ». Mais ne voir dans l’art contemporain allemand qu’un phénomène opportuniste serait bien évidemment erroné. Le mouvement s’inscrit de plain-pied dans la volonté de poursuivre les mutations essentielles de l’art initiées au siècle précédent et de retranscrire de manière vigoureuse une réalité kaléidoscopique qui explique sans doute la fascination qu’exercent sur les amateurs éclairés les fulgurances artistiques qui se développent dans tous les grands centres urbains allemands avec un point d’orgue à Berlin.

Comment les artistes allemands sont-ils parvenus à se réapproprier une identité après 1945 ? Dans quelle mesure l’art contemporain peut-il être considéré comme l’expression d’une quête identitaire, comme un filtre de l’identité allemande ? Tel est l’axe de recherches de ce numéro qui propose des pistes de réflexion en trois temps.

Le premier axe de contributions aborde l’art allemand sous l’angle de problématiques identitaires. Anaïs Feyeux explique comme l’image photographique et notamment la photographie de ruines a participé à la reconstruction de l’identité allemande dans la période de l’après-guerre. Pascal Beausse dresse un panorama complet de la photographie allemande depuis 1945 et s’intéresse tout particulièrement à la « troisième génération » qui se démarque de plus en plus des références à l’objectivité photographique qui a considérablement influencé la production contemporaine. Marie Gispert problématise quant à elle les liens entre l’expressionnisme, le néo-expressionnisme et le concept de « germanité » sous le regard des Français. L’interview d’Anselm Kiefer permet de s’interroger sur les liens complexes entre l’art et l’identité allemande. Cette quête d’identité apparaît chez Kiefer indissociable d’un travail sur la mémoire, sur la poésie et la matière de l’écriture, dans des tableaux qui tentent d’ « arrêter le temps ». Bien que l’artiste affirme travailler sur l’Allemagne, il refuse néanmoins de se reconnaître comme artiste « allemand » et préfère se définir plus généralement comme artiste « international », remettant en cause par là même la notion d’un art contemporain « allemand ».

Le deuxième axe de réflexion regroupe des contributions autour de la relation complexe entretenue par les artistes allemands avec la politique. En effet, des clivages très nets se sont opérés entre 1933 et 1945 entre, d’un côté, l’art d’opposition, conçu comme une arme de résistance politique au nazisme et incarné par les photomontages au vitriol de John Heartfield et, de l’autre, l’art de propagande au service de l’idéologie du troisième Reich dont témoignent par exemple les sculptures monumentales d’Arno Breker et de Josef Torak. Les artistes allemands de l’après-guerre ne sortirent pas indemnes de ce clivage si bien que dans les années 1960, certains cherchèrent à reprendre le flambeau de l’art engagé et à réaffirmer le rôle de l’art comme réveil de la conscience collective. On songe à la performance d’Anselm Kiefer qui, en 1969, sur un mode subversif et dénonciateur, effectua le salut fasciste dans diverses villes d’Europe pour prévenir la société contre le retour du spectre nazi. Dans quelle mesure l’art allemand depuis 1945 est-il l’expression d’un engagement, d’un combat politique ? Quels sont les contenus et les expressions formelles de la création contemporaine ? Y a-t-il encore dans l’art politique la possibilité d’une expression propre ou, au contraire, un risque d’épuisement ? Le rapport des artistes au politique a t-il évolué depuis Beuys ? Telles sont les questions auxquelles l’article Guillaume Robin s’efforce de répondre. Jérôme Bazin nous propose dans un second temps une réflexion sur le réalisme socialiste qu’il qualifie d’ « art prolétarien » et dont les origines politiques remontent au XIXe siècle. Maïté Vissault dresse pour sa part un portrait nuancé de Joseph Beuys, longtemps présenté de manière unilatérale comme l’incarnation de l’artiste engagé. Par delà la dimension politique de son œuvre, elle met à jour le rôle de Beuys dans la mise en place du marché de l'art dans les années 1960 à Cologne, le rôle de collectionneurs comme Ströher, les stratégies de réhabilitation de l'art européen après-guerre à travers Beuys. Ces différentes approches montrent à quel point il est difficile de considérer la composante politique sans la mettre en relation avec le contexte socio-économique de la création artistique. Enfin, l’article de Wedekind sur l’usage du gris dans l’œuvre de Gerhard Richter souligne à travers le traitement neutre du sujet (comme dans le Cycle de la Fraction Armée Rouge) le détachement de l’artiste à l’égard du politique, le refus de la prise de parti au profit d’une réflexion d’ordre esthétique, philosophique.

Enfin, le numéro dresse un panorama de l’art contemporain allemand sous l’angle du marché de l’art. Nathalie Perron-Bonnicke s’interroge sur les multiples facteurs qui expliquent la vitalité de la création allemande depuis 1945, aussi bien au plan institutionnel (conséquences du fédéralisme), associatif (importance des Kunstvereine), artistique (le rôle des Kunstakademien) et rappelle également l’influence des foires internationales comme la Documenta. Elle décrit avec acuité la scène artistique allemande comme une identité fragmentée, dominée dans un premier temps par la Rhénanie du Nord dont l’influence a été relayée récemment par Berlin qui, en bénéficiant de l’implantation de galeries installées par le passé à Cologne, Düsseldorf ou Munich et de la renommée de foires mondiales comme Art forum, s’est érigé en nouveau pôle de l’art contemporain. L’interview de Michael Werner, galeriste et collectionneur à l’origine du scandale déclenché en 1963 par l’exposition du tableau désormais célèbre La Grande Nuit Foutue, ami personnel de Baselitz, livre un autre regard sur l’art contemporain allemand en nous interrogeant sur la conjonction parfois aléatoire et cocasse de la marginalité, du scandale et des institutions dans la phase d’édification du marché de l’art en Allemagne. Henrik Hanstein, directeur de l’historique Maison Lempertz fondée à Cologne en 1845, hôtel des ventes que ce dernier préfère qualifier, selon son appellation originelle, de Kunsthaus (« maison d’art »), aborde pour sa part les questions de la géographie et de la typologie du marché de l’art Les entretiens de Simone Klein et de Bastienne Theune, expertes chez Sotheby’s en photographie et en art contemporain, mettent en lumière les raisons du succès des artistes allemands d’un point de vue international.

Dans le contexte d’iconomanie actuel, l’art contemporain allemand, par delà le phénomène de mode dont il profite, suscite des questionnements essentiels en tant qu’il nous interroge sur le rapport fécond entre l’art, la mémoire, l’histoire, la politique et l’économie. C’est, pour reprendre la formule de Thierry Garrel, une « machine à penser » qui nous invite à une nouvelle lecture du monde et de l’identité allemande.

Jean-Louis GEORGET
Guillaume ROBIN