La littérature pense et agit - elle pense avec son temps, contre lui, et peut le mettre hors de lui. Une oeuvre qui reste en est une qui nous fait connaître sur un mode nouveau et donne figure à de nouveaux savoirs. Le monde improbable qu'elle formule s'ajoute alors au trésor toujours en expansion que la parole enrichit sans cesse de ses créations. Devenus littérature, plus flous mais plus riches désormais que leurs modèles issus des sciences, les savoirs sur le monde ou la langue se transforment en sens à venir, car ils déploient en les mobilisant de nouveaux possibles, encore incompris. Fonder une
épistémocritique, et pour cela tenter de rendre sensible, dans des textes singuliers, les effets d'une rencontre entre oeuvre et savoir, tel est l'objet de ce livre. La question à chaque fois sera posée:
que sait un texte? Mais aussi: comment le texte fait-il de son déploiement la réponse à cette question en nouant de nouveaux noeuds dans la langue, les figures, les discours, les sujets? Attentive à de telles interrogations soulevées par biens des textes qui nous parlent encore (chez Stendhal, Mallarmé, Jarry, Roussel, Larbaud, Musil, Calvino, Pynchon ou Michel Serres), la critique peut espérer ainsi contribuer à la quête moderne de l'intelligibilité, commune à la littérature et aux savoirs.