Allemagne d'aujourd'hui, n°187/janvier - mars 2009

Prix Adam Mickienwicz 2008
First Edition

Paperback - In French 12.00 €

Specifications


Publisher
Presses Universitaires du Septentrion
Imprint
Association pour la Connaissance de l'Allemagne d'Aujourd'hui
Title Part
Numéro 187
With
,
Journal
Allemagne d'aujourd'hui | n° 187
ISSN
00025712
Language
French
Publisher Category
Septentrion Catalog > Literatures > Foreign Literature > Germanic and Scandinavian countries
Publisher Category
Septentrion Catalog > Literatures > Foreign Literature
BISAC Subject Heading
POL000000 POLITICAL SCIENCE
Onix Audience Codes
05 College/higher education
CLIL (Version 2013-2019)
3283 SCIENCES POLITIQUES
Title First Published
04 June 2009
Subject Scheme Identifier Code
Thema subject category: Politics and government
Type of Work
Journal Issue
Includes
Index

Paperback


Publication Date
04 June 2009
ISBN-13
978-2-7574-0097-5
Extent
Main content page count : 120
Code
1154
Dimensions
16 x 24 cm
Weight
370 grams
List Price
12.00 €
ONIX XML
Version 2.1, Version 3

Google Book Preview


Excerpt


Editorial

Recomposition des alliances entre partis et gouvernabilité de l'Allemagne

L’année 2009 a commencé en Allemagne par des élections anticipées dans le Land de Hesse, qu’Henri Ménudier analyse en détail dans ce numéro. Au centre des interrogations posées par une année de crise se trouvait le rôle du nouveau parti radical de gauche Die Linke auquel Jacques-Pierre Gougeon a consacré, dans notre précédent numéro No 186 (oct.-déc. 2008, pp. 28-41), une étude fouillée qui remonte aux origines de ce parti, né de l’association du parti post-communiste de RDA, le Parti du socialisme démocratique (PDS), et de l’Alternative électorale pour l’emploi et l’équité sociale (WASG). Pour sortir le Land de l’impasse dans laquelle l’avaient mis les résultats du scrutin de janvier 2008, le leader du SPD de Hesse, Andrea Ypsilanti avait cherché à constituer une coalition gouvernementale SPD/Verts soutenue, au parlement de Wiesbaden, par Die Linke. La manœuvre était risquée puisque, pendant la campagne électorale de 2007/08, celle-ci avait exclu toute coalition avec Die Linke ; elle l’était encore plus si l’on tient compte du fait qu’A. Ypsilanti n’avait été portée à la tête du SPD de Hesse que par une courte majorité et devait donc compter avec une opposition conservatrice non négligeable au sein de son propre parti, qui, à vrai dire, ne s’est manifestée qu’en fin de parcours pour lui refuser son soutien. Sans doute A. Ypsilanti n’a-t-elle pas entièrement tort quand elle trouve aujourd’hui deux raisons majeures à son échec : le non-respect de ses engagements électoraux et un choix politique entre une politique conduite au centre et une réelle politique de réformes de gauche. Ce faisant, elle décrit assez bien le dilemme dans lequel se trouve le SPD, doublé sur sa gauche par Die Linke et confronté à une évolution du système des partis qui rend plus difficile la constitution de coalitions stables de gouvernement.

Tant que le PDS restait un parti régional dont les succès électoraux se limitaient aux Länder de l’ex-RDA (entre 13 et 26% lors des élections fédérales de 2005), il ne pouvait prétendre jouer un rôle national. Son émergence lors de toutes les élections régionales qui ont suivi dans les Länder de l’Ouest depuis 2006 (de 3 à 8,4%) et surtout son entrée, avec la WASG en tant que Die Linke, dans les parlements régionaux de Brème, Basse-Saxe, Hesse et Hambourg lui ont donné uns stature nationale qui a eu pour effet immédiat d’amener les autres partis de l’échiquier politique allemand à repenser leurs alliances. La CDU dirige à Hambourg une coalition gouvernementale avec la Liste Alternative Verte (GAL) tandis que le SPD n’exclut plus désormais aucun type d’alliance sur le plan régional. Dans la perspective des élections fédérales de septembre 2009, chacun veut rester libre de ses choix, aucun ne pouvant être sûr de pouvoir former le gouvernement avec la coalition qui aurait sa préférence : les Chrétiens-démocrates avec les Libéraux, les Sociaux-démocrates avec les Verts et pourquoi pas aussi avec les Libéraux dans le cadre d’une coalition tricolore, même si le programme économique de ces derniers est difficilement compatible avec le leur. Seule Die Linke peut difficilement compter, au niveau fédéral, sur son entrée dans quelque coalition que ce soit, en raison de son passé, mais surtout de son opposition fondamentale à l’OTAN et à toutes missions extérieures de la Bundeswehr. L’échec d’A. Ypsilanti a montré à quel point les états-majors des partis avaient, à l’Ouest, sous-estimé la résistance de l’électorat ouest-allemand à une combinaison politique incluant le PDS, héritier du parti dirigeant de la RDA, le SED. En voulant briser un tabou, celle-ci a livré à ses adversaires une arme électorale redoutable en plaçant le SPD sous le soupçon d’être, malgré ses affirmations contraires au plan fédéral, ouvert à une coalition avec Die Linke pour se maintenir au pouvoir à Berlin.

La question des alliances pose en même temps celle de la gouvernabilité de l’Allemagne dès lors que semble s’établir durablement un système à cinq partis, contre quatre et trois dans les décennies antérieures. Dans la mesure où il ne peut être assuré qu’il suffise à un « grand » parti d’obtenir le soutien d’un « petit » pour former une coalition gouvernementale stable, la perspective de la reconduction d’une grande coalition entre les grands partis, seuls susceptibles de former une majorité, s’en trouve confortée. Cette perspective pose à son tour la question du fonctionnement de la démocratie en Allemagne dès l’instant qu’elle n’aurait d’autre perspective à l’avenir que d'être gouvernée par une coalition de partis qui, au fond, devraient s’opposer et ne s’unir que de façon exceptionnelle et … dont le nombre d’adhérents a fondu ces vingt dernières années1. Du moins, y-a-t-il, en comparaison avec la Grande coalition des années 1966-69 une différence non négligeable. Face aux deux géants qu’étaient alors la CDU/CSU (47,6%) et le SPD (39,3%), l’opposition représentée par le FDP (9,5%) était réduite à la portion congrue. Au moins y a-t-il depuis 2005 une opposition visible et audible, représentée à Berlin par les Libéraux (9,8%), Die Linke (8,7%) et les Verts (8,1%), soit au total 26,6 % des votes exprimés. Mais cette évolution fait aussi problème puisque elle fait apparaître l’effritement des deux grands partis de rassemblement populaire : en 1966, CDU/CSU et SPD totalisaient 86,9% des voix ; en 2005, ils n’en représentaient plus que 69,4%. Les sondages d’opinion du début de l’année 2009 les créditent, ensemble, de seulement 60% des intentions de vote (35% pour la CDU/CSU et 25% pour le SPD). Les trois autres partis sont crédités de 11 à 12% des intentions votes avec un avantage au FDP qui, selon certains instituts de sondage, pourrait même atteindre18% des voix2 ! Et ces trois partis de se voir en passe de se transformer en partis de rassemblement populaire, sur le modèle de la CDU/CSU et du SPD. On relèvera que les partis d’extrême droite, malgré leurs offensives pour attirer l’attention sur eux, restent cantonnés nettement en dessous des 5%, la fonction tribunicienne d’expression populiste du malaise social revenant à Die Linke. Les élections fédérales du 27 septembre prochains s’annoncent plus passionnantes que jamais.

- Jérôme VAILLANT -

A lire : nos collaborateurs publient ailleurs

Notre équipe est particulièrement active. Jean-Louis Georget vient de donner un très bon article sur la CDU/CSU au dernier numéro de la Revue d’Allemagne (Strasbourg). Jacques-Pierre Gougeon prépare un dossier « L’Allemagne, une nouvelle puissance ? » pour le cahier d’été (juin-juillet 2009) de la Revue internationale et stratégique (Paris, Iris) avec, outre des entretiens, les contributions suivantes : L’Allemagne puissance, par Jacques-Pierre Gougeon - Les relations germano-américaines : une nouvelle perspective, par Karsten Voigt - L’Allemagne et la Russie, par Stephan Martens - France-Allemagne : vers une nouvelle rivalité ?, par Jacques-Pierre Gougeon - L’Allemagne et l’Europe, par Maxime Lefebvre -L’Allemagne et l’Asie, par Olivier Guillard - Quelle politique de défense ?, par Jean-Pierre Maulny - La nouvelle politique culturelle extérieure de l’Allemagne, par Andreas Görgen - Une économie malmenée insérée dans la mondialisation, par Benoît Chervarlier - Le nouveau paysage politique allemand, par Jérôme Vaillant - Un modèle social en sursis ?, par Brigitte Lestrade - Le débat allemand en matière d’intégration et d’immigration, par Ernst Hillebrand - L’Allemagne face à son histoire, par Hélène Miard-Delacroix.

Notes

1. De partis de masse dépassant en 1977 le million d’adhérents, le SPD n’en compte plus que la moitié aujourd’hui, la CDU/CSU en compte légèrement plus, mais a vu ses effectifs fondre également d’environ 300.000.

2. Cf. http://www.wahlrecht.de/umfragen/index.html Seul l’institut de sondage Forsa crédite le FDP de 18% des intentions de vote, deux autres le voient à 16% et trois enfin, autour de 12-13%.


Prix Adam MICKIEWICZ 2008 pour la coopération franco-germano-polonaise à W. Bartozewski, R. von Thadden et J. Vaillant Une documentation

Allemagne d'aujourd’hui a documenté en son temps l’attribution du prix Adam Mickiewicz, attribué pour la première fois en 2006 par le Comité pour la promotion de la coopération franco-germano-polonaise aux ministres des Affaires étrangères des trois pays, Roland Dumas, Hans-Dietrich Genscher et Krzysztof Skubiszewski qui fondèrent, le 29 août 1991, le « Triangle de Weimar » (cf. AA, No 179/2007, pp. 40-55). En 2007, le comité a retenu l’Office franco-allemand pour la jeunesse et l’Office germano-polonais pour la jeunesse. En 2008, trois professeurs d’université ont été à l’honneur : Władisław Bartozewski, Rudolf von Thadden et Jérôme Vaillant. Rudolf Polenz, président de la commission des Affaires étrangères du Bundestag, a fait la laudatio des lauréats, en présence de nombreuses personnalités dont le maire de Weimar, Stefan Wolf, dans la salle d’honneur de l’Hôtel de ville de Weimar, le 29 août, le lendemain du 259ème anniversaire de la naissance de J.-W. Goethe. Dans les informations fournies à la presse, Klaus-Heinrich Standke précise les critères qui ont été retenus pour l’année 2008 : « distinguer des personnalités venant du monde universitaire qui, représentatifs pour bien d’autres, ont, de par leur engagement dans la société civile mais aussi dans la recherche et l’enseignement, apporté une contribution visible à la réconciliation entre les trois grands pays voisins que sont l’Allemagne, la France et la Pologne. Chacune des personnes distinguées cette année répondent de par leur engagement personnel à ces critères. Partant tout d’abord d’une approche bilatérale, chacun a bientôt fait le constat que dans une Europe devenue plus grande l’extension du rapport bilatéral au troisième partenaire d’importance historique ne pouvait être que favorable à la poursuite de l’œuvre d’unification de l’Europe. »

Né en 1922 à Varsovie, W. Bartozewski est, rappelle R. Polenz, à la fois « un historien, un éditorialiste, un homme politique, un témoin de son temps, un résistant, un ancien déporté des camps de concentration, une victime des persécutions de la dictature stalinienne ; il a été Secrétaire du comité directeur du PEN-Club de Pologne, ambassadeur, il a été deux fois ministre des Affaires étrangères, sénateur, il est aujourd’hui ministre d’Etat dans le gouvernement Tusk et porteur de nombreuses distinctions », avant d’ajouter que « ce n’est pas sans raison que ses œuvres ont des titres tels que 'Automne de l’espoir’, ‘ Cela vaut la peine de bien se conduire’ et ‘Arrache-nous la haine de notre âme’. » A 61 ans, W. Bartozewski déclarait « rêver de voisins avec qui il pourrait échanger… Je voudrais faire l’expérience que pour un jeune Allemand un Polonais est un Polonais, un sportif, un acteur ou que sais-je d’autre, que cela soit une affaire banale. Et à celui qui dit que cela est encore un rêve je réponds que c’est rêver pour l’avenir. » Heinrich Böll avait qualifié W. Bartozewski, dans un commentaire resté célèbre de 1983, « de catholique passionné, de Polonais passionné et d’humaniste passionné. » R. Polenz dit, en conclusion, que H. aurait dû ajouter qu’il était aussi « un Européen passionné. »

Tout comme Rudolf von Thadden, né en 1932 à Trieglaff, en Poméranie orientale. Après des études d’histoire, de théologie et de romanistique aux universités de Tübingen, Paris et Göttingen, il occupe, à compter de 1969, la chaire d’histoire moderne et contemporaine à l’Université Georg-August de Göttingen. De 1985 à 1994, R. von Thadden est président de l’Institut franco-allemand de Ludwigsbourg. En 1991, il participe à la fondation de l’Université européenne Viadrina de Francfort sur l’Oder. Deux ans plus tard, il crée, avec Brigitte Sauzay, l’institut de Genshagen pour la coopération franco-allemande. De 1999 à 2003, il est coordinateur des relations franco-allemandes. Rudolf von Thadden allie en lui-même l’objectivité de la recherche scientifique et l’engagement politique.

A travers le dernier lauréat, c’est la revue Allemagne d’aujourd’hui qui est honorée pour son apport à la connaissance du « Triangle de Weimar. » Il est possible de retrouver la totalité de la laudatio de Rudolf Polenz sur le site duComité pour la promotion de la coopération franco-germano-polonaise http://www.weimarer-dreieck.eu/index.php à la rubrique « Prix Adam Mickiewicz » ainsi que les différentes allocutions des personnalités représentées. On écoutera également avec intérêt l’entretien accordé par le fondateur du comité, Klaus-Heinrich Standke, à Radio France Internationale le 28 août 2008 : http://www.rfi.fr/actude/articles/104/article_480.asp

Władisław BARTOSZEWSKI

Plus que le sentiment de reconnaissance personnelle, ce qui me réjouit aujourd’hui c’est le nom de la personne qui a donné son nom au prix dont je suis le lauréat et la corrélation établie avec les valeurs qui servent de fondement au « Triangle de Weimar ». En Pologne, Adam Mickiewicz n’est pas seulement le fondateur et un des principaux représentants du romantisme polonais, qui a fait son entrée dans les manuels littéraires avec la publication en 1822 de son recueil « Ballades et Romans », il incarne bien plus encore le patriotisme en soi, l’amour de la patrie, la nostalgie du pays perdu et du bonheur perdu. Mais sa vie et sa création nous montrent un chemin qui va plus loin encore, puisque peu à peu il prend conscience de son appartenance à une culture européenne commune, construite sur le fondement des valeurs chrétiennes : « La croix, disait-il, a des bras longs qui s’étendent sur toute l’Europe. »

Quiconque étudie la vie et les écrits de ce grand poète, trouvera tout sauf un expatrié banni qui, démuni, cherche à survivre dans un pays pour lui étranger. En raison des circonstances du moment, Mickiewicz a bien perdu sa patrie au sens strict du terme, mais il a trouvé un nouveau domicile spirituel dans de nombreux centres culturels de son temps, Berlin, Dresde, Prague, Florence, Rome, Naples, Genève, Paris ainsi qu’à Weimar. C’est ici qu’il a assisté au 80ème anniversaire de Johann Wolfgang Goethe, ici que, parmi les autres invités, il a rencontré d’autres éminentes personnalités, comme le sculpteur français David d’Angers qui habitait, comme lui, à l’Hôtel Eléphant, sur la place du marché et à qui nous devons un médaillon, conservé, le représentant de profil. C’est ici également qu’il reçut de Goethe une de ses plumes et un poème avec une dédicace personnelle. Une strophe de ce poème mérite de retenir notre attention :
Wenn Freundes Antlitz dir begegnet Quand tu rencontres le regard d’un ami,
So bist Du gleich befreit, gesegnet Tu es aussitôt libéré et béni,
Gemeinsam freust du dich der Tat Et te réjouis de l’œuvre commune.
Ein Zweiter kommt, sich anzuschließen Qu’un deuxième arrive et se joigne à vous,
Mitwirken will er, mitgerissen, Pour créer de concert, entraîné,
Verdreifacht so sich Kraft und Rat Alors est multipliée par trois la force et le conseil

Ces vers de Goethe de 1829 sur l’ « amitié triplée » préfigurent en quelque sorte la déclaration que les trois ministres des Affaires étrangères, Dumas, pour la France, Genscher, pour l’Allemagne, et Skubiszewski, pour la Pologne, ont signée en août 1991, le jour de l’anniversaire de Goethe, ici à Weimar. L’objectif premier du « Triangle de Weimar » était alors pour l’essentiel d’amarrer plus fortement la Pologne à la politique européenne et de promouvoir son intégration dans les structures euro-atlantiques. N’oublions pas que l’Europe centrale et orientale n’en était, en 1991, qu’au début de son processus de transformation. L’Union soviétique existait encore, l’Armée rouge stationnait en Pologne et les transformations politiques qui passent aujourd’hui pour aller de soi n’étaient pas encore acquises. Grâce à l’initiative des trois ministres des Affaires étrangères, la Pologne est la seule nouvelle démocratie qui eut le sentiment d’un ancrage particulier aux côtés des Etats à qui l’intégration européenne doit sa dynamique particulière. Des rencontres régulières des représentants des trois pays rendirent possible un échange direct d’idées sur les questions internationales les plus importantes et permirent à la Pologne de défendre son propre point de vue sur des questions clés. Ce faisant, le « Triangle de Weimar » a contribué de façon essentielle, pendant les années 1990, à activer les relations germano-polonaises hypothéquées, pour des raisons compréhensibles, par l’histoire et à jeter les bases d’un retour à la normalité. S’il arrive d’aventure aujourd’hui que l’ombre de l’histoire nous rattrape, c’est que nous avons, par la suite, négligé de poursuivre sur la voie positive ouverte à Weimar.

On ne peut trop dire ici le rôle que joue la ville de Weimar où souffle non seulement l’esprit européen de la culture mais encore celui de l’idée de la démocratie allemande. C’est ici que le 11 août 1919 fut fondée la République de Weimar, du nom de la ville où siégeait l’Assemblée nationale constituante ; elle représentait la deuxième tentative, après la Révolution de mars 1848, d’établir en Allemagne une démocratie libérale, la première à connaître le succès, même si celui-ci fut de courte durée.

En 1991, l’Europe était, une fois de plus, arrivée à un tournant de son histoire. Elle cherchait pour les peuples de nouvelles formes de vie en commun. La déclaration des trois ministres des Affaires étrangères réunis à Weimar disait : « Nous sommes conscients que les Polonais, les Allemands et les Français exercent une responsabilité déterminante dans la réussite de structures porteuses d'avenir pour les relations de voisinage en Europe. » Et plus loin encore : « Nous avons désormais la chance unique de faire progresser la nouvelle Europe en assumant une responsabilité commune dans un esprit de solidarité humaine et avec le sentiment d'appartenir à une communauté de destin ainsi qu'en nous appuyant sur l'héritage de nos valeurs communes. » Voilà bien un projet qui aurait convenu à Adam Mickiewicz quand il écrivait : « Plus qu’à des actions héroïques et glorieuses, je pense à des œuvres utiles qui se font sans bruit. » Une façon au demeurant de préfigurer l’idéal positiviste du travail en place des imprévisibles éclats sentimentaux et romantiques. C’est ainsi que je vois le « Triangle de Weimar », comme la mise en pratique d’une recherche patiente du dialogue et de la coopération. Le dialogue n’a pas besoin d’éclats de voix ou d’héroïques actions romantiques. Il est fondé sur la bonne volonté. Le dialogue est le meilleur garant de la paix dont Mickiewicz disait, dans une traduction dont vous pardonnerez l’absence de poésie, qu’ « elle est un bien à venir et mon bonheur à venir. Je ne voudrais pas d’un Dieu si Dieu n’était pas la paix. »

Rudolf von THADDEN

C’est pour moi un grand honneur et une grande joie de recevoir cet important prix qu’est le Prix Adam-Mickiewicz, c’est à la fois un honneur et un engagement. Mais comme tous les prix, il pose une question à celui qui le reçoit :quelles sont les raisons du jury qui font qu’il a l’honneur de compter parmi les récipiendaires ?

Je me suis demandé si mon engagement pour la cause du « Triangle de Weimar » et la compréhension germano-franco-polonaise était de nature à justifier une telle distinction. Cette réflexion m’a convaincu qu’il y aurait des personnes plus dignes de la mériter. Mes recherches ne portent pas sur le domaine littéraire qui est associé au nom d’Adam Mickiewicz. Aussi me suis-je demandé s’il n’y avait pas d’autre raison d’être ainsi associé au nom de ce grand poète national polonais. Adam Mickiewicz est issu de la noblesse campagnarde polono-lithuanienne marquée par les conflits de nationalités qu’a connus l’Europe. On savait dans cette famille ce que cela signifiait d’être un réfugié. Ses membres avaient fait l’expérience que l’Europe était bien souvent le seul espoir pour les désespérés. De plus, Mickiewicz a écrit une œuvre dont le titre à lui seul ne peut laisser un Thadden indifférent, une œuvre qui fait sauter les frontières nationales, « Pan Tadeusz », en français « Messire Thadée ». Elle raconte les expériences d’un noble de province placé entre Ancien Régime et Monde moderne et cela concerne la Pologne, l’Allemagne et la France. J’en lis quelques extraits :

Je me souviens, quoique ce fût dans mon jeune âge,
Lorsque vint chez mon père, en curieux équipage,
Au district d'Oszmiana, le fils de l'Echanson
- Premier Lithuanien aux françaises façons :
Tous suivaient, comme après l’autour les hirondelles !
On envia la maison près du seuil de laquelle
Sa gimbarde à deux roues il fut mettre à l’arrêt
- Et qui s’appelle une carriole, en français.
Sur la malle, deux chiens, au lieu de domestiques ;
Un cocher allemand comme une planche, étique ;
Des jambes… d’un houblon, tels sont les échalas !
Des agrafes d’argent aux souliers – et des bas !
Une perruque à queue, en un filet serré…
A ce tableau, des vieux éclata la risée ;
Les rustres se signaient, voyaient : « au monde errant,
Un diable de Venise en carrosse allemand » !
Le fils de l’Echanson serait long à décrire :
Un singe, un perroquet, il semblait, pour tout dire ;
De sa grande perruque, il nommait les cheveux :
La Toison d’or – et nous : des crins d’âne teigneux !
Qui jugeait, en ces temps, la mode polonaise
Plus belle que la singerie à la française,
Se taisait : la jeunesse, aussitôt, l’eût chargé :
« Etouffoir culturel, traître au monde à changer ! »
Tel était le pouvoir des nouveaux préjugés.
Il fallait, nous dit l’autre, expliquant sa venue,
Qu’on nous réforme, et civilise, et constitue ;
Que d’éloquents Français (il l’annonçait bien haut)
Avaient trouvé ceci : les hommes sont égaux…
Quoique ce soit dans l’Evangile, dès notre ère,
Et que chaque curé l’ait redit de sa chaire !
Vieille leçon… le tout était de l’accomplir !
Un tel aveuglement, en ces jours, put sévir,
Que chose on ne croyait, vieille comme les rues,
A moins, dans un journal français, d’être relue !
Foin des égaux ! Le fils d’Echanson fut marquis :
Quand la mode eut passé d’être un aristocrate,
Ce même marquis-là se voulut démocrate ;
Puis, nouveau changement avec Napoléon :
Le démocrate, de Paris, revint baron !
Eût-il vécu … - les choses retournant au même,
De démocrate il eût redoublé le baptême…
Car Paris met sa gloire à changer ce qui plaît :
Ce que Français conçoit, l’aime le Polonais.1

Ce sont des phrases que mon aïeul, le célèbre piétiste Adolph von Thadden de Trieglaff, aurait pu écrire, sans doute avec un talent littéraire moindre. Pendant les années qu’A. Mickiewicz passait à écrire Pan Tadeusz, il a écrit quelques vers comparables par les sentiments qu’ils expriment :

Le Poméranien est un rêveur, attiré par le Sud ;
Il pense que là-bas jamais il ne fatiguera.
Mais en Italie personne ne nous demande où est la Poméranie.
Parce que là-bas il n’y a pas d’hiver, c’est toujours l’été.
N’oublie donc pas : la baltique aussi est belle ;
Il n’est pas besoin de toujours vouloir voir la Méditerranée.

Il n’y pas seulement des communautés d’intérêts comme aujourd’hui entre Polonais, Allemands et Français, il y a encore des liens profonds qui nous unissent. Tout Européen cultivé sait ce qu’est l’ « Ancien Régime »et s’il a une culture politique, il sait aussi combien le chemin qui nous a conduits vers la modernité a été difficile, les sociétés évoluent aussi lentement que les économies. C’est aussi pour cela que nous avons besoin les uns des autres. Nous avons besoin d’échanger nos expériences et nos souvenirs, nous devons reconnaître ce qui nous unit. Français, Allemands et Polonais ont dans ces temps de conflit aux frontières de l’Europe de bonnes raisons de penser ensemble à leur appartenance commune. Ils se doivent de montrer que le « Triangle de Weimar » n’est pas seulement un lieu de mémoire mais un lieu où l’on apporte la preuve que l’on peut s’affirmer face à d’autres puissances. Nous devons être en mesure de mener une politique autonome à l’égard des Etats-Unis et de la Russie. Et pour cela l’esprit de Weimar ne peut nous être qu’un bon secours.

Jérôme VAILLANT

C’est un grand honneur pour moi de recevoir en même temps que Monsieur Bartozewski et Monsieur von Thadden le Prix Adam Mickiewicz. Je le reçois avec fierté et avec le sentiment d’avoir une idée commune à défendre. Adam Mickiewicz n’était pas seulement le grand poète national romantique de la Pologne, il était également un grand intellectuel progressiste européen. Ce qui lui valut d’être persécuté et contraint à l’exil, il trouva refuge et travail en France, à Paris, au Collège de France. A sa mort en 1855, sa dépouille fut tout d’abord transportée à Paris, ce n’est qu’en 1890 qu’il trouva sa dernière demeure à Cracovie. Son emphase poétique peut nous paraître aujourd’hui excessive, mais pas plus que celle de Victor Hugo ou de Michelet en France, il a été un patriote au moment où il le fallait en même temps qu’européen, en cela d’ailleurs semblable à Hugo. George Sand l’a traduit en français, Antoine Bourdelle l’a éternisé dans la pierre.

A travers moi, c’est la revue « Allemagne d’aujourd’hui » qui est honorée, une revue modeste par les moyens dont elle dispose mais qui a l’ambition, comme le germaniste Robert Minder l’a un jour formulé, d’essayer d’expliquer aussi entièrement que possible une culture et une société vivantes. Mais comme il ne peut s’agir seulement d’analyser et d’interpréter, la revue prétend également être un forum franco-allemand : au delà de l’information et de la recherche, l’objectif visé est bien d’agir. Du moins espérons-nous qu’à l’occasion nous exerçons une influence. Il n’était sans doute pas sans importance qu’ « Allemagne d’aujourd’hui », qui ne traitait pas seulement de la République fédérale d’Allemagne mais également de la RDA, ait pris position, sans ambiguïté, en faveur de la réalisation de l’unité allemande. Dans le titre de la revue, ‘Allemagne’ était, de 1973 à 1989, au pluriel, le retour au singulier devait être un signal fort. Cela explique sans doute également pourquoi nous continuons de nous intéresser à ce qui se passe dans les nouveaux Bundesländer et cela explique encore que nous nous soyons particulièrement intéressés au premier voisin oriental de l’Allemagne, la Pologne. Celle-ci connaissait, dans un cadre de départ différent, le même processus de transformation que les nouveaux Bundesländer. On ne pouvait oublier que le processus de réconciliation entre l’Allemagne et la Pologne s’inspirait du processus franco-allemand de réconciliation, même s’il était autrement plus difficile. Que les trois ministres des Affaires étrangères de nos trois pays aient convenu en 1991 de se constituer en un cercle informel d’échange, le « Triangle de Weimar », ce fut un bonheur pour nos pays et pour l’Europe, qui ne peut progresser sur la voie de l’intégration sans réconciliation et sans coopération.

Beaucoup de choses ont été déjà dites sur le « Triangle de Weimar », des choses, justes, importantes, positives. Qu’il me soit permis d’en faire une approche critique. Qu’est-ce que le « Triangle de Weimar » ?

* Ce fut tout d’abord un instrument efficace de lobbying capable de promouvoir l’entrée de la Pologne dans l’OTAN – ce fut chose faite en 1999 – et dans l’Union européenne – elle eut lieu en 2004. On a sans doute sous-estimé dans l’affaire que, pour la Pologne, la chronologie est plus qu’une simple succession d’événements, elle va dans le sens de la logique de sa politique de défense et de sécurité. Ce n’est pas l’Union européenne mais l’OTAN qui lui garantit la sécurité recherchée dans le monde et en premier, par rapport à la Russie.
* Le « Triangle de Weimar » est aussi, pour reprendre une formule du politologue franco-allemand Hans Stark une « mesure capable de construire la confiance entre Paris, Bonn et Varsovie. » Une nouvelle Ostpolitik allemande poursuivant le but d’intégrer dans la Communauté européenne les Etats de l’Europe de l’Est qui venaient de recouvrer leur liberté, n’avait de chance de réussir que si la France faisait confiance à l’Allemagne et acceptait de la suivre sur cette voie.
* Mais le « Triangle de Weimar » devait aussi avoir pour effet, comme l’a dit un jour B. Geremek, que la Pologne ne soit pas « livrée » seule à l’Allemagne !

Le succès du « Triangle de Weimar » est enfin lié à sa structuration informelle, c’est « un lieu du possible », selon la formule de H.-D. Genscher, un lieu où l’on consulte, où l’on s’informe mutuellement ; on n’est pas obligé de décider et c’est ainsi que l’on arrive à faire plus.

Depuis la crise profonde qu’a provoquée la Guerre d’Irak en 2003, on pouvait pourtant se demander si cette façon informelle de faire de la politique n’était pas dépassée. Après tout, le « Triangle de Weimar » avait atteint ses objectifs, il n’était donc plus utile. De plus, il n’avait pas empêché que dans la Guerre d’Irak , la France et l’Allemagne se soient retrouvées dans un camp, avec la Russie, et la Pologne, dans un autre, avec les USA. Une évolution semblable se profile à l’horizon quand il s’agit de savoir si la Géorgie doit faire partie de l’OTAN et si l’Ukraine doit entrer dans l’Union européenne, quand il s’agit de savoir s’il faut installer un bouclier anti-missiles en Pologne et en République tchèque. Est-ce que l’Allemagne et la France n’ont rien appris de la Pologne et est-ce que la Pologne n’a rien appris de l’Allemagne et de la France ? Quand il y va des intérêts nationaux, aucun dialogue informel ne semble suffisant ! Et pourtant, dans cette période d’après-Guerre froide que nous vivons nous ne devrions pas avoir oublié les leçons de la Détente, à savoir qu’il n’y a jamais de sécurité contre ses adversaires potentiels, mais seulement avec eux. Toute politique de sécurité doit, sans angélisme évidemment, penser le besoin de sécurité de l’autre. Sur ces bases, il est possible que le « Triangle de Weimar » ait encore un sens s’il conduit ou même s’il force la France, l’Allemagne et la Pologne à parler entre elles pour que le dialogue avec la Russie ne soit pas interrompu. Sur le mode du Traité de l’Elysée entre la France et l’Allemagne. C’est cela même qui a conduit Dieter Bingen, directeur de l’Institut d’Etudes polonaises de Darmstadt, à souhaiter que les relations germano-polonaises prennent pour modèle les relations franco-allemandes telles que les régulent le Traité de l’Elysée. Ce ne sont pas les sujets qui manquent pour des consultations communes et de nouvelles initiatives ? Il suffit de penser au traité simplifié de Lisbonne, à la politique énergétique européenne, à une politique culturelle extérieure commune, etc…

Quand les temps sont difficiles, ce n’est pas toujours le niveau le plus élevé qui importe, d’autres niveaux comptent. Comme le Traité de l’Elysée, le « Triangle de Weimar » a défini le cadre à partir duquel il est possible de développer et de multiplier les contacts à des niveaux moins élevés : entre jeunes, entre cercles d’entrepreneurs, entre Régions, etc… C’est, entre autres, le grand mérite du Comité pour la promotion de la coopération franco-germano-polonaise fondé par Klaus-Heinrich Standke.

Pour conclure, qu’il me soit permis de rappeler la mémoire de Bronislaw Geremek et de le remercier pour le message qu’il nous a laissé quand il nous dit que, lorsque la sécurité de l’Europe est garantie, il ne faut pas s’arrêter de se battre pour la démocratie et de fournir aux citoyens à qui on l’a promis, le bien-être attendu. B. Geremek avait une façon à la fois aimable et insistante d’en revenir toujours à l’essentiel. Sa voix à l’avenir nous manquera.

Notes

1.Traduction française de Roger Legras, vers 435-480, Messire Thadée , Paris, Editions l’Age d’Homme, 1992.


Comptes rendus

Martin Koopmann et Stephan Martens (éds.),
L'Europe prochaine. Regards franco-allemands sur l'avenir de l'Union européenne,
Paris, L'Harmattan (coll. Logiques politiques), 404 p.
Version allemande:
Das kommendeEuropa. Deutsche und französische Betrachtungen zur Zukunft der Europäischen Union,
Baden-Baden (DGAP-Schriften zur Internationalen Politik, Nomos) 2008.

Cet ouvrage est à la fois un bilan 50 ans après la signature des Traités de Rome qui mette en oeuvre la Communauté économique européenne et une étude prospective de ce que l'Europe est en mesure de faire à l’avenir. Il tente donc de préciser quel projet commun l’Europe a en répondant à la question de savoir quelles tâches l’Europe avait vocation à traiter mieux que ses Etats membres, au nom de l’intérêt commun. Ce faisant il aborde, sous la plume des meilleurs spécialistes, historiens, politistes, analystes, politiques aussi, les questions clés de l’avenir de l’Europe : quelle communauté de destin constitue-t-elle, l’antinomie dialectique élargissement/ approfondissement, le modèle social européen, l’Europe comme union de citoyens, etc. Il étudie le rôle des institutions européennes en matière de gouvernance politique et européenne et leur fonction par rapport aux Etats nationaux. Les tâches qui continueront d’unir les Etats européens à l’avenir sont ciblées comme étant – hélas ! – la lutte contre le terrorisme, la prévention des crises et des conflits, les relations extérieures de l’Europe, son approvisionnement énergétique. La place de l’Allemagne et de la France semble relativisée dans l’affaire par la place qui lui est consacrée dans un seul chapitre à part, mais n’est-ce pas le sens de l’histoire ? Encore que M. Koopmann et S. Martens les replacent, dans leur introduction, au cœur de l’Europe dont elles sont encore le moteur. L’ouvrage comprend une introduction politique due à Yves Bur, président Groupe parlementaire franco-allemand, et Andreas Schockenhoff, son homologue allemand, en même temps vice-président du Groupe parlementaire CDU/CSU au Bundestag. L’échec du référendum sur le projet de constitution européenne les conduit à réclamer un large débat public sur l’identité de l’Union européenne afin que celle-ci ne soit pas seulement perçue comme un marché commun mais aussi une communauté de valeurs fondant un sentiment d’appartenance commune. Ce sont là propos classiques en période de crise, mais on relève l’idée que, pour eux, l’Union européenne doit désormais se concentrer sur ses tâches clés et répondre à des questions fondamentales telles que les frontières de l’Europe et se les poser non plus seulement en termes économiques ou politiques mais aussi en fonction de l’adhésion des citoyens de l’Union à de possibles élargissements. Une façon assez claire de prendre position sur la fin des élargissements sauvages, non fondées sur une identité culturelle commune. Cet ouvrage constitue un bilan essentiel à la connaissance de l’Union européenne et pose les questions fondamentales auxquelles Etats, citoyens et politiques se doivent d’apporter des réponses pour que l’Europe continue de se faire.

- J. V. -

Claire Demesmay et Daniéla Heimerl,
Allemagne, une mystérieuse voisine.
Portrait en vingt tableaux, Paris (Editions lignes de repères) 2009, 229 p.

La quatrième de couverture fournit la grille de lecture de cet ouvrage au style enlevé et rafraîchissant : « Les Allemands ont beau faire : aux yeux des Français, ils passent toujours pour des gens sérieux mais ennuyeux. Résultat, l’Allemagne (…) pays érigé en modèle pour ses performances économiques, demeure pour beaucoup d’entre nous à la fois mystérieuse et sans saveur. (…) Or, en Allemagne, la face radieuse est la face cachée». Les auteures ne tablent donc pas sur la peur qu’il faudrait avoir ou ne pas avoir de l’Allemagne, elles nous invitent à découvrir cette Allemagne que nous ne voulons pas voir et découvrons pourtant dès l’instant que nous nous y rendons sans pouvoir ensuite faire taire clichés et stéréotypes. Vingt tableaux pour dire l’Allemagne qui se souvient (la mémoire), s’affirme (dans le monde et face à son passé), provoque (punkette de la haute couture, méga-bordels, cadavres exquis dans les spectacles et aussi Die Linke !), innove (mp3, la voiture, les éoliennes, mais aussi la fuite des cerveaux) et s’amuse (carnal de Cologne, Allemagne de l’Est, Hambourg et les paillettes de la Berlinale). Mais il ne faut pas s’y méprendre, l’entreprise d’explication de l’Allemagne ainsi entreprise est, sous des découverts désinvoltes, des plus sérieuse et parfaitement réussie.

- J. V. -

Isabelle Bourgeois (sous la dir. de) Les médias à l’ère du numérique.
Réflexions franco-allemandes pour l’Europe,
Cergy-Pontoise (Travaux et documents du CIRAC) 2008, 151p.

René Lasserre explique les enjeux politiques qu’une série d’experts aborde de façon plus technique dans le cœur de l’ouvrage. Le numérique l’emporte sur le télévision, ce faisant les frontières entre les médias s’en trouvent brouillées, les fonctions entre éditeurs, diffuseurs, fournisseurs d’accès se fondent. Quel type de société engendre cette évolution technologique dans le monde et plus particulièrement en Europe. Comment la France et l’Allemagne réagissent-elles ? L’ouvrage retrace les débats entre experts et professionnels réunis à Berlin en novembre 2006 dans le cadre d’un Dialogue franco-allemand sur les médias pour préciser les contours d’un modèle médiatique dans une économie du savoir et de la connaissance pour finalement construire la démocratie de la communication.

- Jérôme VAILLANT -

Edouard Husson,
Heydrich et la Solution finale,
Paris, Perrin, 2008, 484 p.

L’ouvrage, fruit de longues années de recherche et d’un travail d’habilitation à diriger des recherches en 2008, porte sur le rôle de Reinhard Heydrich, chef du Reichs-sicherheitshauptamt (RSHA) – le Bureau central de la sécurité du Reich – et bras droit d’Heinrich Himmler, dans le processus de décision qui mène au génocide des Juifs. E. Husson explicite le rôle éminemment capital de ce « technocrate de l’anéantissement » et architecte suprême du « judéocide » (terme employé pour la première fois par Eberhard Jäckel pour désigner la mort immédiate pour la majorité des Juifs d’Europe), chargé par Adolf Hitler et Hermann Göring, bien avant la conférence de Wannsee du 20 janvier 1942, de l’organisation de la « Solution finale de la question juive en Europe ». On considère souvent, aujourd’hui encore, que c’est cette Conférence qui est le point de départ de l’extermination systématique des Juifs, alors que les assassinats massifs – surtout ceux commis par les groupes d’intervention(Einsatzgruppen) de la SS – avaient déjà été systématiques depuis l’offensive déclenchée par la Wehrmacht en Union soviétique à l’été 1941. Comme l’explique Ian Kerschaw, dans sa préface, E. Husson apporte deux éléments novateurs à la littérature scientifique sur le thème du génocide. D’abord, grâce à une analyse détaillée de nombreux documents désormais accessibles en Allemagne, en France, en Russie et aux États-Unis, il montre l’existence, chez R. Heydrich, d’une pensée intrinsèquement génocidaire depuis 1940. Ensuite, l’historien propose comme date début novembre 1941 pour « l’ordre » (ou l’autorisation) donné par A. Hitler en vue de la mise en œuvre du génocide immédiat des Juifs de toute l’Europe, non plus seulement de ceux d’Union soviétique. Si on peut difficilement fixer une date précise, la consultation de documents essentiels datant de cette période permet à E. Husson de la rendre crédible.

L’auteur repère les spécificités de la déviance nazie, dotée d’une composante « polycratique », perversion totalitaire d’une disposition à l’exécution décentralisée des politiques, ce qui explique la vitesse avec laquelle le régime a pu déployer, à peine la guerre commencée, une dynamique de violence génocidaire et envisager un projet génocidaire plus global devant s’insérer dans un « remodelage » racial du continent européen. Le travail d’E. Husson est pionnier dans la mesure où aucun ouvrage scientifique d’ensemble n’est consacré au rôle précis joué par R. Heydrich dans la Solution finale. La lecture de cet ouvrage s’impose ne serait-ce parce qu’il amène à réfléchir sur l’ordinaire et effroyable aptitude de l’Homme à une extraordinaire inhumanité.

- S. M. -

James Sheehan,
Kontinent der Gewalt. Europas langer Weg zum Frieden,
Munich, Beck, 2008, 309 p.

L’historien James Sheehan, professeur à l’Université de Stanford, a publié de nombreux ouvrages sur l’histoire allemande et européenne. Il livre à présent une réflexion de fond sur l’Europe du XXe siècle, marqué par la violence et les conflits. Suite à deux guerres mondiales, l’Europe s’est reconstruite sur le postulat de la paix et de la prospérité, en rejetant la politique de puissance en tant que telle. Ainsi, en 2003, près de 90 ans après le début de la Première guerre mondiale, les capitales européennes connaissent les manifestations de masse les plus importantes de leur l’histoire contre la guerre en Irak lancée par l’administration américaine de George W. Bush et appuyée par le gouvernement britannique de Tony Blair. L’ouvrage s’articule autour de l’histoire ce cette mutation de l’Europe « continent des guerres » en une « Union civile » composée d’États démocratiques et de sociétés pacifiques.

Le président de l’American Historical Association analyse avec pertinence le développement du militarisme en Europe au cours des quatre premières décennies du XXe siècle. Sa thèse provocante, mais juste, est que la « guerre était profondément ancrée dans le code génétique de l’État européen ». Suite à la Seconde guerre mondiale, l’Europe connaît « l’Heure zéro », dans son acception défaite morale et matérielle totale. La paix durable qui s’instaure sur le vieux continent à partir de 1945 découle, selon l’auteur, de deux facteurs essentiels : l’ordre bipolaire « stabilisant » de la Guerre froide et le changement de mentalité des Européens (du militarisme au pacifisme). L’Europe contemporaine s’est en effet érigée sur le refus de la guerre et la puissance militaire est difficilement conciliable avec les normes qui fondent le compromis européen. La construction européenne est donc une façon de supprimer le retour aux rivalités qui ont mené l’Europe à sa perte, elle est un renoncement aux formes traditionnelles de la puissance, avec la revendication – allemande au départ et progressivement assez largement répandue – d’une identité de « puissance civile » pour la nouvelle Europe en voie de (ré)unification.

Il reste que si J. Sheehan célèbre l’essence civile de la politique étrangère des États membres de l’Union européenne (UE), il en tire aussi la conclusion que seuls les États-Unis auront la capacité (et la volonté) de continuer à jouer le rôle du gendarme mondial dans les décennies à venir. Il est certain que les Européens auront du mal à s’affirmer sur la scène internationale en s’accrochant au postulat d’une puissance (exclusivement) pacifique dans un monde de plus en plus marqué par les incertitudes.

- S. M. -

Eric Gujer,
Schluss mit der Heuchelei. Deutschland ist eine Grossmacht,
2007, 104 p.
Stephan Bierling,
Die Huckepack-Strategie. Europa muss die USA einspannen,
2007, 105 p.
Adam Krzeminski,
Testfall für Europa. Deutsch-Polnische Nachbarschaft muss gelingen,
2008, 105 p.
Eckart Von Klaeden,
Kein Sonderzug nach Moskau. Deutsche Russland-politik muss europäisch sein,
2008, 103 p.

Ces quatre essais édités par la Fondation Körber (Hambourg) font partie de la nouvelle collection « Standpunkte » (Points de vue) lancée en 2007 par Roger de Weck, actuel président du Graduate Institute of International and Development Studies de Genève. Cette collection a pour objectif de développer une réflexion critique sur une problématique d’actualité ayant trait à la politique internationale.

En finir avec l’hypocrisie, parce que l’Allemagne est une grande puissance : l’essai d’Eric Gujer, correspondant à Berlin de la Neue Zürcher Zeitung, semble annoncer le retour sur la scène internationale d’une grande Allemagne à la politique mondiale ambitieuse. Il n’en est rien – l’intitulé est quelque peu trompeur –, car l’auteur plaide surtout en faveur de la normalisation de la politique étrangère de l’Allemagne unifiée. « Puissance régionale dominante en Europe », au même titre que la France, la Grande-Bretagne et la Russie, elle adopte encore trop souvent une attitude frileuse – telle une « grande Suisse » – alors que la « confiance dans le leadership allemand est bien plus grande que Berlin ne veut l’admettre ». Certes, pour l’auteur les critiques du gouvernement rouge-vert de Gerhard Schröder à l’encontre de l’administration de George W. Bush, en 2003, lors de la guerre en Irak, furent contre-productives : Berlin prit le risque d’une rupture durable du lien transatlantique. E. Gujer observe que l’attitude de G. Schröder a néanmoins permis de faire progresser le processus de normalisation : Berlin n’a plus de complexes, même pas vis-à-vis de Washington. Fustigeant le raisonnement d’un Joschka Fischer selon lequel l’Allemagne doit toujours avancer avec prudence parce que, en raison de son passé, elle inspirerait de l’inquiétude auprès de ses voisins, l’auteur considère que Berlin devrait afficher une plus grande assurance. Si on ne partage pas toutes les réflexions d’E. Gujer sur la renaissance d’une « Allemagne-puissance », l’essai se lit avec intérêt puisqu’il s’agit d’un regard extérieur porté sur la question de la puissance appliquée à l’Allemagne.

La forme future du lien transatlantique dépend de l’Europe, c’est ce que Stephan Bierling, professeur de politique internationale à l’Université de Regensburg, tend à démontrer dans son essai sur ce qu’il dénomme la « stratégie du ferroutage ». Si l’Europe est à la traîne d’une Amérique hyperpuissante, elle bénéficie cependant d’un pouvoir d’influence non négligeable sur Washington. Selon le politologue, l’Europe doit jouer cette carte si elle «veut renforcer son influence sur le cours des événements mondiaux ». La stratégie la plus pertinente consiste ainsi à promouvoir l’idée d’une véritable communauté euro-atlantique fondée sur l’explicitation d’intérêts mutuels. C’est au sein d’une telle communauté que les dirigeants de l’Union européenne (UE) pourront peser de tout leur poids sur les dirigeants américains et influencer leurs décisions. Cela présuppose une évolution de la pensée stratégique au sein même des États membres : l’Europe ne pourra pas accroître sa présence sur la scène mondiale en agissant uniquement comme une puissance pacifique qui mise quasi-exclusivement sur le multilatéralisme et la prévention diplomatique. A l’avenir, une Union qui souhaite « être prise au sérieux dans le concert des grandes puissances » devra accroître ses capacités militaires et économiques et faire preuve d’une grande volonté politique. Pour S. Bierling, le modèle de la « puissance civile »n’est pas adapté aux réalités internationales. Pour faire face aux défis et aux menaces du XXIe siècle, l’UE devra se doter d’un véritable concept stratégique, incluant la force militaire.

Pour Adam Krzemiński, essayiste polonais et l’un des meilleurs spécialistes de l’histoire de l’Allemagne contemporaine, les relations germano-polonaises doivent enfin s’apaiser. Alors que la Pologne est membre de l’UE, que Bonn/ Berlin et Varsovie ont depuis 1990 signé toute une série de traités et d’accords d’amitié et de coopération, notamment sur la reconnaissance de l’intangibilité de la frontière occidentale de la Pologne, les rapports entre ces deux pays restent compliqués en raison du souvenir de la Seconde guerre mondiale et de ses conséquences. A. Krzemiński appelle d’ailleurs à une « dé-émotionnalisation » de ces relations. Mais tout processus de normalisation ne pourra aboutir que le jour où les Polonais n’auront plus à craindre la mise en œuvre d’une politique russe de l’Allemagne qui ignorerait les intérêts des pays d’Europe centrale. Si cette crainte peut paraître obsessionnelle, c’est parce que les Allemands continuent à la sous-estimer et qu’ils n’intègrent pas suffisamment les préoccupations polonaises dans leurs réflexions sur les intérêts nationaux allemands en Europe. Afin d’éviter d’éventuels cavaliers seuls germano-russes, l’auteur en appelle à l’émergence d’une réelle « Ostpolitik commune de l’Union européenne (UE), vis-à-vis de la Russie, de l’Ukraine, de la Géorgie et de la Biélorussie ».

Eckart von Klaeden, porte-parole pour la politique étrangère du groupe CDU/CSU au Bundestag, plaide en faveur d’une politique européenne de la Russie, parce qu’il ne doit pas exister de relation bilatérale spécifique entre Berlin et Moscou. L’auteur se fait l’interprète de la position d’une large majorité de chrétiens-démocrates qui a toujours misé sur une politique russe moins « passionnelle » que celle menée par les sociaux démocrates (SPD). E. von Klaeden critique fortement les partisans d’une politique germano-russe « sans états d’âme », à l’exemple de ceux qui souhaitent promouvoir une politique du « rapprochement par l’interdépendance » (Wandel durch Verflechtung) – concept employé par l’ancien chancelier Gerhard Schröder et repris par l’actuel ministre SPD des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier – alors que Moscou mène de plus en plus souvent une politique de puissance agressive – comme ce fut le cas en Géorgie à l’été 2008. Rejetant toute idée de relation germano-russe particulière, le député CDU estime « qu’il n’y a pas d’équidistance possible entre les États-Unis et la Russie ». Si Moscou reste un partenaire essentiel pour la stabilité en Europe, l’Allemagne doit d’abord rester un allié fiable au sein de la communauté occidentale.

- S. M. -

Sebastian Sedlmayr,
Die aktive Außen- und Sicherheitspolitik der rot-grünen Bundesregierung 1998-2005,
Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, 2008, 240 p.

L’auteur, chargé de mission à l’UNICEF, propose une étude de la politique étrangère et de sécurité du gouvernement de coalition rouge-vert de Gerhard Schröder de 1998 à 2005. Le travail s’appuie sur une analyse détaillée de documents et d’ouvrages, ainsi que sur des entretiens avec des hauts fonctionnaires des ministères concernés par les affaires étrangères. Le lecteur ne trouvera pas d’éléments nouveaux ou inédits, la liste est longue des publications qui ont déjà fait le bilan de cette politique. S. Sedlmayr parvient cependant, et de façon pertinente, à exposer les fondements de la politique étrangère et de sécurité du gouvernement rouge-vert, à les confronter aux décisions effectivement prises en la matière et à en tirer un bilan nuancé.

Ainsi, l’instrumentaire d’une politique « active » (dans le sens où sa mise en œuvre organisée découle d’une réflexion rationnelle sur les intérêts nationaux et les moyens disponibles) a été élargi dans tous les domaines et l’Allemagne de l’après guerre n’a jamais disposé d’une armée aussi « opérationnelle » que depuis 2005. Adoptant une attitude décomplexée sur la scène internationale et affirmant fermement ses intérêts, notamment vis-à-vis des Etats-Unis, la « rhétorique de la continuité a laissé la place à la rhétorique de l’émancipation ». L’auteur ne sous-estime pas les contradictions durables de ce gouvernement, tiraillé entre sa quête d’une politique en faveur du respect des droits de l’homme et la défense de ses intérêts économiques, notamment en matière de vente d’armes – même à des pays situés en zone conflictuelle. D’ailleurs, le postulat « La politique étrangère allemande est une politique de paix » qui apparaît, en 1998, dans le premier programme de coalition rouge-vert, disparaît dans le second, en 2002, au profit de formulations plus sobres et qui annoncent les grands défis du début du XXIe siècle : en tête des priorités du gouvernement, pour la seconde législature, on retrouve la maîtrise du processus de mondialisation, la lutte contre le terrorisme international et la gestion de conflits régionaux. Il est vrai que les évènements du 11 septembre 2001 ont plongé les acteurs allemands dans une longue phase de redéfinition de la politique de sécurité. L’ouvrage est bien structuré et comporte une bibliographie fournie.

- S. M. -

Thomas Kupfermann (éd.),
FKK in der DDR.. Sommer – Sonne – Nackedeis,
Berlin, Eulenspiegel, 2008, 159 p.

Le mouvement naturiste est né à la fin du XIXe siècle dans plusieurs pays européens à la fois – en réaction à une industrialisation grandissante – mais prend un essor important dans les pays scandinaves et surtout en Allemagne. Véritable phénomène de société, près de 10 millions d’Allemands, aujourd’hui, pratiquent le naturisme. Le terme de « Freikörperkultur – FKK » (culture du corps libre) apparaît dans l’entre-deux-guerres. Si les associations naturistes se recréent facilement en République fédérale d’Allemagne (RFA) après 1945, en rejettent les dérives imposées par le régime nazi – la pratique du sport nu devait contribuer à la bonne santé de la race germanique –, ces associations sont d’abords interdites en RDA, mais elles parviennent à s’organiser dès le début des années 1950. Ahrenshoop, au bord de la mer Baltique, devient dès 1953 un haut lieu du naturisme pour des artistes, acteurs et intellectuels est-allemands. Dans l’Allemagne communiste, la nudité s’est ensuite affirmée en mouvement populaire : « Le mouvement FKK fut un mouvement de masse en RDA – le seul véritablement spontané ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le « DDR Museum » à Berlin, inauguré en 2006, accorde une place importante à ce phénomène à la fin du circuit de visite.

L’ouvrage édité par Thomas Kupfermann est un recueil de souvenirs et de photos amateurs avec, notamment, un avant-propos de Hans-Joachim Welle dont les reportages, dans les années 1970, sur les 60 plages naturistes de la RDA, sont aujourd’hui devenus « cultes ». Le recueil ne verse pas dans l’Ostalgie, il réunit des témoignages d’Allemands originaires de l’ancienne RDA dont la vie personnelle, durant les quatre décennies de dictature communiste, a pu aussi être heureuse à certains égards. L’ouvrage démontre avec humour et sérieux que le naturisme était devenu un moyen très apprécié de passer en été les meilleures semaines de l’année, mais qu’il était surtout synonyme de liberté.

- Stephan MARTENS -

Isabelle Bourgeois (sous la dir. de),
Allemagne : compétitivité et dynamiques territoriales,
Cergy-Pontoise (Travaux et documents du CIRAC) 2007, 141 p.

Cet ouvrage collectif s’inscrit pleinement dans le débat sur la réforme du fédéralisme allemand dont il fut dit un temps que la lourdeur qu’il induisait dans le processus des prises de décision autant politiques qu’économiques affaiblissant la compétitivité de l’Allemagne et de ses entreprises. René Lasserre relève très justement à ce propos que « c’est au niveau des Länder que, pour l’essentiel, se conçoit, se décide et se construit la dynamique des territoires et que s’affirme ainsi la capacité de l’Allemagne à faire face aux mutations structurelles d’une économie hautement développée et largement ouverte sur le monde. » Mais ce modèle, déjà confronté au double défi de l’unification et de l’intégration européenne, l’est aujourd’hui encore plus à celui de la mondialisation tandis que les Länder pratiquent des politiques de développement spécifiques dans un cadre cependant régulé par l’Etat fédéral et l’Union européenne. L’ouvrage fournit d’excellents portraits d’un choix significatif de Länder (Rhénanie du Nord – Westphalie, Bavière, Bade-Wurtemberg, Hambourg, la saxe et le Brandebourg) et réserve une place à part à l’entreprise de mise à niveau des nouveaux Länder. Il voit dans le polycentrisme de la gouvernance territoriale allemande plus u atout qu’un poids pour l’avenir.

- J. V. -

Étienne François et Hagen Schulze (dir.):
Mémoires allemandes,
trad. par Bernard Lortholary et Jeanne Etore, Gallimard, 2007, 796 p.

Pierre Nora éprouvait « un mélange de plaisir et d'étonnement » envers les projets utilisant la notion de « lieux de mémoire » qu´il avait lui-même élaborée dans les années 1980. Il écrivait dans la postface à l’ouvrage allemand « Deutsche Erinnerungsorte » (2001) sur son ambivalence à ce sujet: « plaisir de voir que la notion de «lieux de mémoire» s'avère utile à d'autres ; étonnement devant sa carrière internationale, alors même que dans sa rigueur et sa logique, je persiste à croire qu'elle n'est vraiment applicable qu'à la France ».1 Les éditeurs de l’ouvrage sur les lieux de mémoire allemands dont une sélection d’une trentaine d’articles est parue en France en 2007, Etienne François et Hagen Schulze, ont acquis la conviction de la faisabilité d’un projet allemand, inspiré par les sept volumes des « Lieux de mémoire » (1984-1992)2 en 1994. Ils étaient cependant tout à fait conscients qu’une simple « importation » du modèle original français outre-Rhin n'aurait aucun sens. Scepticisme et réticences accueillirent le transfert de la conception française de Pierre Nora à l’histoire de l’Allemagne: un grand nombre d’historiens allemands voyaient en effet dans cette entreprise le dessein d´une écriture strictement nationale et par conséquent simplificatrice de l’histoire allemande3. Face aux ruptures, discontinuités et déchirures d'une gravité exceptionnelle dans l’histoire de l’Allemagne et des Allemands, E. François et son collègue allemand H. Schulze choisirent une conception ouverte pour offrir un panorama large des mémoires allemandes.

Il faut bien évoquer le moment discursif dans le travail sur le projet des lieux de mémoires allemands : E. François et H. Schulze animaient un séminaire à l'Université Libre de Berlin où ils testèrent pendant six semestres la possibilité d’analyser l’histoire de l’Allemagne en utilisant la catégorie des lieux de mémoire. De plus, les directeurs d’ouvrage organisèrent deux colloques afin de conceptualiser le cadre méthodologique et thématique de la publication. E. François parle à ce titre d’un long « travail de décantation, d’expérimentation et de maturation »4. Finalement, environ 120 entrées ont été retenues : « La Germanie » de Tacite (Michael Werner), la paix de Westphalie (Claire Gantet), la Volkswagen (Erhard Schütz), « Made in Germany » (Maiken Umbach), Neu-schwanstein (Catharina Clemens), Johann Sebastian Bach (Patrice Veit), le Mur (Edgar Wolfrum) ou le Reichstag (Berns Roeck) – pour ne citer que quelques exemples. Le lecteur français trouve dans l’ouvrage dirigé par François et Schulze un kaléidoscope de l’histoire allemande. Il peut faire la connaissance des meilleurs spécialistes et lire autant d’articles sur des sujets classiques que de textes traitant de thèmes plus surprenants, comme les jardins ouvriers (Hermann Rudolph) ou la « Bundesliga » (Gunter Gebauer). De plus, François discute dans l’introduction les spécificités de l’histoire allemande et reconstruit le développement du projet sur les lieux de mémoire allemands.

Comparé au modèle français, on observe quelques différences majeures. Ce qui frappe, c’est d’abord le choix de lieux mixtes ou partagés : germano-français (Napoléon, Versailles), germano-polonais (Grunwald/ Tannenberg ou Willy Brandt s´agenouillant devant le mémorial du soulèvement du ghetto de Varsovie) ou encore judéo-allemands (Auschwitz). De plus, parmi les auteurs, nombreux sont les chercheurs non-allemands – un sur cinq. Enfin, les directeurs d’ouvrage ont adopté un autre principe d'organisation. Contrairement aux ouvrages édités par Pierre Nora en France et par Mario Isnenghi5 en Italie, où les lieux de mémoire ont été regroupés autour de catégories fonctionnelles ou strictement descriptives (comme dates, paysages, personnages, etc.), Etienne François et Hagen Schulze ont rassemblé les entrées autour de dix-huit notions centrales, pour la plupart intraduisibles en français, comme Bildung, Dichter und Denker, Heimat, Leistung, Reich, Volk. Ces termes, riches de connotations, ont pour but de stimuler l'imagination du lecteur et de l’inviter ainsi à réfléchir au passé allemand.

Les trois volumes ont connu un grand succès sur le marché allemand du livre (plusieurs rééditions déjà) et ont été très bien accueillis par la plupart des historiens. Les échos dans les médias ont également été très favorables. Néanmoins, les détracteurs ont critiqué avant tout le choix arbitraire des entrées et l´absence de notions importantes comme Hitler et le troisième Reich. Paradoxalement, l’absence d’articles sur ces notions ne remet pas en cause la place centrale du nazisme dans l’ouvrage de François et Schulze : le survol du registre des personnes prouve que Hitler est le personnage le plus souvent mentionné dans les trois volumes. De plus, ce n’est pas par hasard que l’article sur Auschwitz (Peter Reichel) est le plus long de tous.

Si le mérite d´un tel registre revient aux directeurs d’ouvrage et à la maison d’édition allemande Beck, son absence dans la version française est fâcheuse. De même, les ouvrages de référence dans « Mémoires allemandes » ne sont pas forcément accessibles aux lecteurs non-germanophones. La traduction française d’une trentaine d’articles sur les lieux de mémoire allemands démontre une fois de plus l’intensité du transfert franco-allemand dans le domaine de l’historiographie dans les dernières années. On pense ici tout d’abord à la « belle alliance » entre les éditeurs Etienne François et Hagen Schulze"6 et à la coopération entre le père du paradigme des « lieux de mémoire » Pierre Nora et les éditeurs de l’ouvrage allemand. Il faut également mentionner un volume sur les lieux de mémoire français traduit en allemand (2005)7 et le manuel franco-allemand d’histoire dont le premier volume contient quelques passages sur les cultures mémorielles dans les deux pays. Il reste à savoir si l´utilisation de « l’histoire au second degré » (Pierre Nora) dans la didactique de l’histoire en Allemagne8 aura du succès dans le pays d’origine des « lieux de mémoire ».

- Kornelia KOŃCZAL9 -

Jean-Jacques Becker/Gerd Krumeich,
La Grande Guerre. Une histoire franco-allemande,
Paris, Tallandier, 2008, 379 p.

L’année 2008 a produit un nombre considérable d’études (d’inégale qualité) consacrées à l’histoire de la Grande Guerre. A l’approche des cérémonies du 11-Novembre – « point d’orgue » d’un programme commémoratif dont les grandes lignes furent tracées par la Commission « Becker » –, pas moins d’une cinquantaine d’ouvrages a paru pour évoquer ce qui devait être la « der des der. » Cette profusion éditoriale (très sensible en France) s’inscrit dans le retour de la guerre de 14-18 au sein de l’espace public européen, patent depuis une dizaine d’années maintenant. Le début des années 2000 avait déjà engendré un flot de publications marquées par la volonté de replacer le conflit dans une perspective longue, apportant ainsi une nouvelle justification au postulat établi en 1979 par l’historien américain George F. Kennan qui voyait dans celle-ci « la catastrophe fondatrice du 20ème siècle. » La cuvée 2008 se démarque de cette tendance en ce qu’elle privilégie une approche dont l’Historial de la Grande Guerre (Péronne, Somme) s’est fait le chantre depuis 1992, année de sa construction. Nombre d’études intègrent en effet maintenant à l’histoire des événements, les opinions des populations concernées, combattantes ou non, leurs mentalités ainsi que leurs cultures avant, pendant et après la guerre. Cette « histoire à hauteur d’hommes » (Rémy Cazals/André Loez) mais aussi au ras des textes apporte des éclairages nouveaux sur le caractère total de ce qui fut avant tout une Grande Guerre européenne et plus précisément – eu égard à l’importance des moyens engagés – une guerre franco-allemande. Dans cette perspective, il semblait tout à fait légitime d’écrire une histoire de la guerre vue en même temps du côté allemand et du côté français.

C’est à cette tâche particulièrement ardue que deux des plus grands spécialistes de 14-18 – Jean-Jacques Becker et Gerd Krumeich – se sont attelés plus de quatre-vingts ans après la fin du conflit. Leur histoire franco-allemande de la Grande Guerre bouscule les perspectives « spontanément nationales » (p. 11). En s’appliquant à la compréhension de l’autre, elle jette un regard inédit sur un cataclysme qui a durablement marqué le destin des deux peuples et a été « la matrice de l’Europe » (p. 308). Composé de cinq grandes parties organisées de manière chronologique, le livre de Becker et de Krumeich s’attache, par-delà les événements militaires, à la vie des soldats et des civils, à l’évolution des systèmes politiques, à la mobilisation des sociétés et des économies, à la fluctuation du moral ainsi qu’à la naissance de ce qu’on a pris l’habitude d’appeler « les cultures de guerre. » A bien des égards, il se présente comme un compendium des travaux réalisés par les deux historiens et l’équipe internationale de l’Historial au cours des dernières années.

L’approche comparative permet de mettre en exergue des points de convergence et de divergence que la publication parsemée de tous ces travaux (recensés dans une bibliographie de 22 pages) n’avait pu faire apparaître avec une telle force. Cette méthode n’est nulle part aussi convaincante que dans le chapitre VIII (p. 111-128) consacré à l’étude du comportement des populations françaises et allemandes au cours de la guerre. L’analyse des conditions morales et matérielles dans lesquelles Français et Allemands de l’arrière vécurent entre 1914 et 1918 montre certes des différences fondamentales entre les deux pays : si le ravitaillement de la France ne fut jamais vraiment menacé, il fut très tôt un problème crucial pour l’Allemagne. Cependant, elle permet aussi de comprendre comment la guerre put durer aussi longtemps. Le moral des uns et des autres fluctua en fonction des problèmes de la vie quotidienne mais il tint dans l’ensemble jusqu’en 1918, date à laquelle l’Allemagne dont le consensus national avait eu à souffrir des événements politiques de 1917, s’effondra de manière irrémédiable. Cette question sous-tend d’ailleurs une grande partie d’un ouvrage multi-perspectiviste qui se présente comme l’accomplissement de deux carrières entièrement dédiées à l’histoire de la Grande Guerre. A une époque marquée par la revalorisation de la participation des Africains à la « Défense nationale », on regrettera néanmoins l’absence d’une réflexion sur l’empire colonial français, l’importance de son « utilisation » dans la conduite des opérations militaires – « Là réside l’une des raisons majeures de la défaite de l’Allemagne » (Jean-Yves La Naour, Le Monde, 10 novembre 2008) –, et l’impact de celle-ci sur la formation des « cultures de guerre » allemandes et la poursuite de « la guerre après la guerre » pour faire allusion à une thématique chère à Gerd Krumeich. Dans ce cas, les travaux de Marc Michel, membre du Comité scientifique de l’Historial et auteur d’un ouvrage intitulé Les Africains et la Grande Guerre. L’appel à l’Afrique (1914-1918) (Paris, Karthala, 2003), aurait pu venir étoffer encore un peu plus un travail qui fera date dans l’historiographie de la Grande Guerre ainsi que dans l’histoire des relations franco-allemandes.

- Landry CHARRIER10 -

Stephan Martens (sous la dir. de),
La France, l’Allemagne et la Seconde Guerre mondiale. Quelles mémoires,
Bordeaux (Collection « Crises du 20ème siècle », Presses universitaires de Bordeaux) 2007, 290 p.

Ce très bel ouvrage de recherche publié sous la direction de Stephan Martens porte sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale en France et en Allemagne et dans les relations franco-allemandes comme le fait apparaître l’avant-propos du directeur d’ouvrage quand il pose les conditions du rapprochement franco-allemand après 1945, citant la formule à la fois réaliste et provocante de Klaus Harpprecht à la fin des années 1990 sur la viabilité du partenariat franco-allemand qui, selon lui, « était encore et toujours une question de guerre ou de paix. »11 L’Europe a besoin de sortir de la « guerre civile des souvenirs ». Mais de quels souvenirs s’agit-il, doit-il s’agir. A cette questions, S. Martens répond, en se référant à A. Assmann, que « dans une société ouverte et pluraliste, les différents groupes sociaux ont des attitudes concurrentes face au passé. La mémoire est toujours émotionnelle et partielle, c’est pourquoi les mémoires sont conflictuelles. » L’ouvrage rassemble des contributions de sociologues, d’historiens, de politologues et de germanistes tant français qu’allemands. E. Husson traité de la mémoire de Vichy, P. Steinbach de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale en Allemagne qu’il fait précéder d’une citation forte de Reinhold Schneider : « Faites pénitence, priez, taisez-vous/Honorez vos morts, tombés par votre faute. » Ce sont deux Français (H. Camarade et S. Martens) qui livrent une analyse à la fois riche en informations et en réflexions du débat allemand, sans oublier la question du « deuil impossible » abordée par N. Pelletier. L’occupation allemande en France est traité par un historien allemand, spécialiste de la question, Ahlrich Meyer12. Henning Meyer qui enseigne à l’Université de Bordeaux 3 et à celle d’Augsbourg étudie les mémoriaux en France (Centre national Jean Moulin, Mémorial de Caen et le Centre de la Mémoire d’Oradour sur Glane).Cette énumération fait apparaître un champ de regards croisées qui signale déjà un apaisement par la recherche et le travail de mémoire dans l’approche de difficiles sujets franco-allemands. Comme les manuels d’histoire franco-allemands, c’est un pas de plus fait sur la voie d’une histoire partagée. On relèvera encore qu’œuvre scientifique, ce livre est d’une lecture aussi aisée qu’enrichissante. Pour tous.

- Jérôme VAILLANT -

Pierre Vaydat, Robert Vansittart (1881-1957).
Une lucidité scandaleuse au Foreign Office,
Paris, L’Harmattan, 2008.

Professeur émérite de l’Université Charles de Gaulle-Lille 3, où il a enseigné la littérature allemande et l’histoire des idées, Pierre Vaydat a consacré ses recherches au militarisme prusso-allemand. Son dernier ouvrage traite d’un diplomate de carrière britannique, employé au Foreign Office, qui pourrait étonner ses lecteurs. Robert Vansittart est une figure historique méconnue que P. Vaydat veut « situer dans l’univers de la pensée politique ». Il fut placé « au cœur des processus diplomatiques » dans les années 1930, sans pour autant avoir de véritable pouvoir décisionnel en tant que sous-secrétaire d’Etat permanent aux Affaires étrangères (Permanent Under-Secretary of State for Foreign Affairs). Contre l’opinion publique et les responsables britanniques, il voulait ranimer l’Entente Cordiale et mettre en garde contre la tentation de pactiser avec Hitler. Il proposa de mettre en place un discours de contre-propagande, qui s’opposait à la tentative nazie d’asservir les esprits, d’où une importante production journalistique et de substantielles interventions à la Chambre Haute.

L’intérêt présenté par Vansittart réside essentiellement dans la clairvoyance avec laquelle il dénonça l’Allemagne hitlérienne et qui le fit taxer d’anti-germanisme. Mais P. Vaydat va élargir le champ de son étude dans les douze chapitres que comporte son ouvrage. Dans le premier de cette biographie intellectuelle organisée thématiquement - « Jugements et polémiques », Vansittart apparaît comme celui qui critiquait tout autant la politique du Traité de Versailles que ceux qui prenaient en pitié une Allemagne humiliée. Personnage prestigieux, mais fort contesté, Vansittart fut sommé par Chamberlain dès 1937 de se démettre de ses fonctions et se vit attribuer un simple rôle de conseiller. La politique d’apaisement – à laquelle il se serait opposé – et la signature des accords de Munich de 1938 rencontrèrent toute son hostilité impuissante, mais il en condamna l’incohérence dans ses écrits autobiographiques. Pendant la guerre, il prit la parole à la BBC pour exhorter les Français à la résistance anti-allemande ou dénoncer le génocide. Après guerre, il s’exprima aussi sur le « déclin de la diplomatie » et prôna le surarmement des démocraties face à la menace totalitaire. Tant la SDN que l’ONU ne représentaient, à ses yeux, que « l’illusion de la sécurité collective ». Mais Vansittart n’est pas parvenu à développer une réflexion économique structurée, sans doute parce qu’il n’abandonna jamais l’idée que l’Angleterre puisse demeurer une puissance impériale.

Cet ennemi juré du pangermanisme, antisoviétique de surcroît, finit en 1950 par s’aligner sur les positions d’Ernest Bevin, le ministre travailliste des relations internationales, décédé en 1951, et assista à la désagrégation progressive de l’Empire britannique, sans pouvoir nullement l’empêcher. A sa mort en 1957, il était devenu une sorte de dinosaure, incapable de comprendre les grandes mutations de l’époque et tout juste capable de livrer des combats d’arrière-garde. L’histoire sociale et la question ouvrière lui avaient totalement échappé. La chronologie commentée met en perspective les événements qui ont eu une influence sur les idées et l’action de Vansittart. L’ouvrage comporte aussi des analyses condensées de ses principaux écrits, une bibliographie d’une vingtaine de pages et un index.

- A-M. C. –

Karen Hagemann, Jean H. Quataert (Ed.),
Gendering Modern German History.Rewriting Histioriography,
Berghahn Books, New York, Oxford, 2007.

Comme le soulignent les éditeurs de cet ouvrage collectif, il est temps de prendre en compte les résultats des Gender Studys pour considérer l’histoire sous un angle nouveau, et ce à l’occasion des actes d’un colloque consacré aux problèmes méthodologiques et théoriques de l’histoire du XIXème et du XXème siècle. L’histoire de l’Allemagne se prête particulièrement au renouvellement d’une telle approche : nation tardive au développement industriel en décalage par rapport à celui des grands pays européens, pays où les problèmes d’identité et de passage à la modernité sont constamment l’objet de réajustements, l’Allemagne se trouve après la seconde guerre mondiale au cœur de la Guerre froide et d’un travail de retour sur le passé nazi, qu’elle réussit à maîtriser comme peu d’autres en Europe. Dans le cadre des Gender Studys, les hommes et les femmes, véritables acteurs de l’histoire, sont tous pris en considération à part égale, un point de vue qui apparaît dans l’historiographie allemande seulement dans les année 1970. En 2003 encore, en Allemagne, le corps des Professeurs d’Université ne compte que 10 % de femmes, un facteur d’explication du manque d’intérêt de telles études… C’est aussi pourquoi les deux éditeurs de cet ouvrage font le point, dans le chapitre douze, sur la recherche avec une importante bibliographie des ouvrages récents.

L’ouvrage est organisé de manière thématique tout au long des douze chapitres, le second étant consacré à l’objet de l’étude des Gender Studys (Angelika Schaser) autour du nationalisme et des identités. Karen Hagemann revisite l’histoire militaire et celle des guerres, un domaine où de grands changements sont intervenus dans les dernières années, tandis que Birthe Kundrus traite de la colonisation allemande. Belinda Davis évoque le rôle des femmes en politique et, grâce aux mouvements de protestation qu’elles initient, leurs efforts pour devenir des acteurs plus influents dans un monde dominé par les hommes. Kathleen Canning se penche sur l’histoire sociale. Claudia Koonz se focalise sur l’époque nazie et la Shoah pour montrer que l’apport des femmes y est encore négligé. Pour Ben Baader, l’histoire du judaïsme et de la judéité doit être appréhendée différemment de manière à ne plus y occulter la part des femmes et Benjamin Maria Baader fait le point sur les différentes approches aux Etats-Unis et en Allemagne. En reprenant les thèses développées par Max Weber, Ann Taylor Allen s’intéresse à l’histoire des religions et veut y déterminer la part des femmes. Atina Grossmann s’interroge sur les liens qui existent entre sexualité et politique. Robert G. Moeller traite de la famille, de son évolution au cours du XXème siècle et de la crise qu’elle traverse actuellement. C’est un ouvrage intéressant qui paraît en allemand et qui permet de mettre en perspective une recherche bien plus avancée aux Etats-Unis qu’en Allemagne.

- Anne-Marie CORBIN -

Martin Schieder,
Im Blick des Anderen Die deutsch-französischen Kunst -beziehungen 1945-1959,
Akademie Verlag, Berlin, 2005 (Passagen/Passages Band 12), 500 p.

Cet ouvrage, qui a reçu le prix parlementaire franco-allemand en 2006, découle d’un programme de recherche du Centre allemand d’Histoire de l’art de Paris visant à éclairer les transferts culturels entre la France et l’Allemagne après 1945. A travers l’exemple de la peinture, l’historien de l’art Martin Schieder – à qui l’on doit notamment une étude sur les expositions organisées dans l’Allemagne de l’après-guerre par l’occupant français13 –, s’est ainsi attaché à décrire les relations artistiques franco-allemandes, depuis la capitulation jusqu’à la seconde édition en 1959 de la Documentade Cassel.

Cinq parties thématiques illustrent l’intensité et la complexité de ces relations en retraçant leur renaissance et leur évolution sur un plan politique (Kunst und Politik), privé (Private Vermittler und die Avantgarden), commercial (Kunst und Kommerz) et artistique (Kunst und Künstler), avant d’analyser le regard porté par chaque pays sur la peinture de l’autre (Das Eigene und das Fremde). Par-delà l’action menée à titre officiel par les autorités politiques des deux pays, cette étude très fouillée rend donc aussi hommage aux personnalités de la scène culturelle de l’époque, collectionneurs et amateurs d’art (Ottomar Domnick, Edouard Jaguer), peintres (Willi Baumeister, K.O. Götz, Hans Hartung, Francis Bott), marchands d’art (Otto Stangl, René Drouin, Daniel Cordier), critiques et historiens de l’art (Will Grohmann, Christian Zervos, Werner Haftmann, Herta Wescher), qui renouèrent un dialogue interrompu sous le Troisième Reich et œuvrèrent par leur engagement et leurs initiatives à la réconciliation franco-allemande. Agrémenté de photographies en noir et blanc et de plusieurs reproductions en couleur, doté aussi d’une abondante bibliographie, l’ouvrage de Martin Schieder contribue non seulement à la connaissance de l’histoire culturelle franco-allemande et européenne, mais il témoigne également de la place essentielle de l’art dans la compréhension et la coopération entre les peuples.

- Laurence THAISY -

Irmtraud Gutschke, Hermann Kant.
Die Sache und die Sachen,
Berlin (Das Neue Berlin) 2007.

Cet ouvrage est le résultat de cinquante heures d’entretien menées par Irmtraud Gutschke, rédactrice de la page littéraire de Neues Deutschland avec Hermann Kant, dont la critique ouest-allemande s’était empressée, après l’affaire Biermann, d’oublier la qualité d’écrivain (Reich-Ranicki mis à part !) pour ne plus voir en lui qu’un fonctionnaire dogmatique, président de l’Union des écrivains. La publication par Karl Corino en 1992 de « Die Akte Kant » (un document pourtant truffé d’inexactitudes), allait lui donner le coup de grâce et le livrer à la vindicte publique. En octobre 2007, Friedrich Schorlemmer qui fut pourtant un de ses plus virulents détracteurs, allant même jusqu’à réclamer en 1992 sa traduction en justice aux côtés de Honecker, Mielke et Karl-Eduard Schnitzler revient entièrement sur son jugement d’alors et écrit : « Je ne peux que recommander la lecture de ce livre » . On ne peut effectivement à la lecture de ces pages que porter un jugement autrement contrasté sur le rôle qu’a pu jouer Hermann Kant dans ses fonctions officielles et éprouver pour l’homme qui malgré les épreuves, a su garder sa dignité en refusant de se renier, une forme de sympathie. Ses réponses franches à des questions pourtant parfois gênantes permettent de mieux comprendre – qu’on les approuve ou non – les motivations qui furent les siennes, l’esprit dans lequel, à tort ou à raison, il a agi, les obstacles qu’il a cru pouvoir surmonter, les illusions aussi qu’il a nourries. Parmi ces illusions, le pouvoir qu’il croyait détenir ou au moins la marge de manœuvre qu’il croyait être la sienne du fait de sa relative liberté de parole, de ses relations avec tel ou tel dirigeant et qui lui auraient permis d’éviter, par exemple, une totale mise au pas de l’Union des écrivains. A-t-il eu raison ? Pour quel bénéfice? On peut évidemment se poser la question. De même qu’on peut ne pas l’approuver lorsqu’il persiste à penser que le système était bon, mais malheureusement animé par des responsables obtus. Quoi qu’il en soit, on ne peut rétrospectivement qu’être choqué (le terme est faible) par la façon dont Hermann Kant a été traité après la Wende. Pourquoi a-t-on cru bon d’oublier que la parution (qui faillit être bloquée) de Die Aula représenta pour un large public une réelle bouffée d’air, d’oublier que Das Impressum avait paru en République fédérale avant de pouvoir être édité en RDA, d’oublier que Heiner Müller avait qualifié Bronzeit de « plus cinglante satire » qu’il ait eu l’occasion de lire ?

L’ouvrage nous livre une foule d’informations sur le microcosme de l’Union des écrivains, les manœuvres et mesquineries au sein de cette institution. Il nous fait toucher du doigt concrètement ce que pouvaient être les rapports entre les intellectuels et le pouvoir. Il nous offre aussi une galerie de portraits, parfois assassins, de certains dirigeants dont la caractéristique essentielle était l’étroitesse d’esprit, doublée d’une arrogance sans bornes. Mais ce regard lucide sur les autres, Hermann Kant sait aussi le porter sur lui-même, non du reste sans une pointe de vanité. Evoquant un de ses discours à l’Union des écrivains dont il avait soigneusement cultivé l’ambiguïté, il ajoute : «C’est la forme d’arrogance dont je suis capable, j’ai toujours su que je pouvais faire passer beaucoup plus de choses qu’un autre. Il fallait donc que je mette cette capacité à profit, et j’y trouvais du plaisir ». Plus loin, il dit : « En RDA la discussion n’était pas la chose la plus développée. On ne disait pas ordre, mais décret, pas obéir, mais convaincre ». On trouve également des passages intéressants sur ses rapports avec Wolf Biermann, sur le piège tendu à Stefan Hermlin (p. 107 et pp. 105-106), des portraits réussis de Ursula Ragwitz, chargée de la Culture au Comité Central du SED, et de la « bande des Quatre », Alfred Kurella, Alexander Abusch, Hans Rodenberg et Otto Gotsche.

Hermann Kant estime avoir été plus utile dans ses fonctions que nuisible en raison de la relative liberté de parole dont il jouissait ou croyait jouir, du fait de ses relations, mais il est une chose qu’on comprend mal : pourquoi, alors qu’il savait avoir affaire tout autour de lui à des « primitifs », a-t-il supporté toute cette surveillance, toute cette méfiance, ce désaveu ?

- Jean MORTIER -

Notes

1. Pierre Nora: Nachwort, traduit par Reinhard Tiffert, in Etienne François/Hagen Schulze (dir.): Deutsche Erinnerungsorte. München 2001, vol. 3, p. 681-686. Traduction française selon: Alexandra Laignel-Lavastine: Des « Lieux de mémoire » à l'allemande, in : Le Monde, 16.03.2001.

2. Pierre Nora (dir.): Les lieux de mémoire. 7 volumes. Paris: Gallimard, 1984-1992.

3. Entretien avec Etienne François, in : European Review of History - Revue européenne d´Histoire, vol. 10, n°3, 2003, p. 489-496.

4. Op. cit.

5. Mario Isnenghi (dir.): I luoghi della memoria. 1: Simboli e miti dell'Italia unita, 1996; 2: Personaggi e date dell'Italia unita, 1997; 3: Strutture ed eventi dell'Italia unita, 1997
Roma-Bari: Laterza 1996-1997.

6. Christoph Jahr: Deutsche Erinnerungsblätter. Ein Archiv des kollektiven Gedächtnisses, in: Neue Zürcher Zeitung, 11.07.2001.

7. Pierre Nora (dir.) : Erinnerungsorte Frankreichs. München: Beck. 2005, p. 15-23.

8. Sabine Schmidt/Karin Schmidt (dir.): Erinnerungsorte – Deutsche Geschichte im DaF-Unterricht. Materialien und Kopiervorlagen. Berlin: Cornelsen, 2007.

9. Centre de Recherche Historique de l’Académie des Sciences de Pologne konczal@panberlin.de

10. Maître de conférences, Clermont-Ferrand II, « Centre d’Histoire espaces et cultures » landrycharrier@gmail.com

11. Cf. Harpprecht, Klaus, Mein Frankreich. Eine schwierige Liebe, Hambourg (Rowohlt) 1999.

12. Meyer, Ahlrich, L’occupation allemande en France 1940-1944, Toulouse (Privat), 2002.

13. Martin Schieder, Expansion/Integration – Die Kunstaustellungen der französischen Besatzung im Nachkriegsdeutschland, Deutscher Kunstverlag, Berlin, München, 2004 (Passerelles, Band 3)


Les notes de lecture

Livres sur la littérature et le théâtre

Revue Europe, n° 952-53,
Georg Büchner,
Paris, 2008, 380 p.

La revue Europe est l'une des plus anciennes de France, fondée en 1923 par Romain Rolland. Elle n’a pas cessé de paraître (sauf sous l’occupation), dirigée par des écrivains de gauche, de Louis Aragon à Jean Guéhenno, de Jean-Richard Bloch à Jean Cassou. Très éclectique, ses livraisons les plus récentes ont intéressé les germanistes : Adorno, Bloch, Jelinek, Wittgenstein, Yvan Goll, Bachmann, etc. Le dernier numéro contient un dossier de 172 p. sur Georg Büchner, constitué par Erika Tunner. Ses quatorze contributions illustrent et précisent différents aspects de l’œuvre brève et fulgurante du « messager hessois ». Elles s’appuient sur la publication solide des Œuvres complètes de Büchner (Le Seuil, sous la direction de B. Lortholary, 1988) et des Dichtungen (éd. par Henri Poschmann, DTV, 2006). Point n’est besoin d’être féru pour lire ce numéro spécial sur Büchner : plusieurs articles résument son action. Chacun de ses quatre grands textes fait néanmoins l’objet d’une relecture à la lumière des acquis récents de la recherche, en France (J.-L. Besson) et en Allemagne : La Mort de Danton (P. Silvain), Léonce et Léna (E. Tunner), Woyzeck (S. Braunschweig) et le récit Lenz (F. Campbon). On appréciera les articles sur la « réception » de Büchner : par Gutzkow, Lukacs, Canetti, Volker Braun. Certains textes sont inédits en français, et introduits par des notes propres à les « décrypter ». Au total : un volume à ranger bien en vue dans le rayon Büchner des bibliothèques.

Das Nibelungenlied,
Mittelhochdeutsch-Neuhochdeutsch,
éd. par Ursula Schulze, DTV n° 13693, Munich, 2008, 855 p.

L’Allemagne d’aujourd’hui a-t-elle encore à se soucier du Nibelungenlied ? Sans doute que oui, dans la mesure où cette épopée nationale en 10 000 vers et trente-huit « aventures » fait partie du bagage culturel que se lèguent les générations. La tétralogie de Wagner en fait aussi partie. Récemment, Moritz Rinke en a fait jouer une adaptation à Worms. Cette édition comble une lacune : une version « bilingue » de l’œuvre du 13ème siècle traduite en allemand moderne par une spécialiste. L’annexe (75 pages) donne toutes les clés pour suivre l’inaltérable parcours des héros mythiques (très belle carte, du Rhin au Danube), et son illustration, de la fin du 18ème siècle à nos jours. Un livre de bonne et plaisante pédagogie.

Florence Baillet,
Ödön von Horváth,
Belin, Paris, 2008, 228 p.

C’est un ouvrage de la collection « voix allemandes » (Michel Espagne en est le directeur), qui compte déjà une vingtaine de monographies. F. Baillet y a fourni un Heiner Müller. Son livre sur Horváth vient à son heure pour présenter la vie et l’œuvre de cet auteur austro-hongrois, né en 1901 et mort accidentellement à Paris en 1938. Les travaux initiaux sur Horváth sont déjà lointains (Ingrid Haag et l’auteur de ces lignes). F. Baillet reprend tous les acquis de quatre décennies de recherches et y ajoute sa propre vision synthétique. A juste titre, elle considère que la vie de l’auteur, ses pièces (dix-sept au total), ses romans et nouvelles forment un tout, qu’il faut considérer selon les trois périodes distinctes de sa courte existence. Mais il faut d’abord parler de cette « Mitteleuropa » qu’il incarne parfaitement, ce qui lui évita de tomber dans le fanatisme nationaliste – il en fut même l’adversaire déclaré. Les premières expérimentations (1923-1930), les « pièces populaires » sous la République de Weimar (1930-1933) et comment écrire en exil face au nazisme (1933-1938) : ces trois têtes de chapitre sont détaillées de façon très claire, en sous-chapitres allant de l’analyse de contenu à la classification esthétique. Le travail théâtral, la sémiologie, la réception par le public et la critique sont pris en compte. Le style est aussi agréable que la connaissance des méandres de la vie de Horváth, contraint à un demi-exil en Autriche, est bien étayée. L’écho rencontré par les œuvres de Horváth dans la presse sert beaucoup pour définir sa position politique : écrivain de gauche sans affiliation, réservant ses pointes les plus acérées à la « réaction » anti-républicaine. Le théâtre de Horváth fait partie intégrante du répertoire français (Comédie Française, Théâtre de la Ville cette année). Ses œuvres traduites sont accessibles (L’Arche, Christian Bourgois). Le livre, détaillé et plaisant, de Florence Baillet en sera désormais l’indispensable accompagnateur.

Hilda Inderwildi, Catherine Mazellier (éds.),
Le Théâtre contemporain de langue allemande, L’Harmattan,
Paris, 2008, 262 p.

Dans la collection « De l’Allemand » (direction Françoise Lartillot) vient de paraître un volume de contributions suscitées par l’actualité (au sens large : créations au théâtre, concours de recrutement, réactions aux grands événements). Les auteurs sont des spécialistes du drame allemand contemporain, ou des auteurs (comme Kathrin Röggla, Rebekka Kricheldorf, Jens Roselt pour le domaine autrichien). Des noms connus sont à l’affiche (Jelinek, Peter Weiss, Thomas Bernhard, Botho Strauss), comme des très contemporains qui commencent à « percer » en France (Einar Schleef, Moritz Rinke, René Pollesch). Un très utile complément aux publications bilingues des éditions PUM (Presses universitaires du Mirail, Toulouse) sous le vocable « Nouvelles scènes allemandes » (près de dix titres parus, dont AA a rendu compte).

Livres sur l’histoire et la civilisation

Rainer Rother, Karin Herbst-Meßlinger (éds.)
Hitler darstellen,
edition text + kritik, Munich, 2008, 160 p.

Sait-on que l’on peut compter plus de cent titres de films (y compris pour la télévision) où Hitler est incarné par un comédien ? Le succès de Der Untergang (La Chute), en 2004, a incité la Deutsche Kinemathek (Berlin) à organiser un colloque sur le personnage « Hitler » comme rôle à assumer. C’est le fruit de ce colloque (octobre 2007) que ces dix articles de spécialistes de la Filmwissenschaft. Ils analysent ce corpus filmique, selon différents axes : le lieu de production (Hollywood, l’Union Soviétique), les rapports avec les documentaires, les relations avec la science historique, la psycho-pathologie, les réactions du public, etc. de nombreuses photos, souvent peu connues – mais Lubitsch (To be or not to be, 1942) et Fritz Lang (Man Hunt, 1941) sont considérés comme les grands fondateurs, au même titre que Chaplin. La lecture est très instructive, pour des études d’histoire avant tout.

Text + kritik,
Juden. Bilder,
Munich, 2008, 126 p.

Il s’agit d’une livraison de la célèbre revue (n° 180), qui rompt avec sa tradition plutôt monographique. Dix auteurs de différentes disciplines nous proposent des analyses sur « l’image des juifs » depuis 1945, en pays de langue allemande. Il est logique que le panorama s’ouvre sur la problématique créée par la pièce de Max Frisch, Andorra (1961) : l’antisémitisme comme « modèle » de toute société qui a besoin de boucs émissaires pour exister. Dans ce contexte, la spécificité de l’antisémitisme de l’Allemagne (et de l’Autriche) risque d’être mise au rang de simple et terrifiante illustration. Si l’antisémitisme est partout, il peut aussi être nulle part pire qu’ailleurs. La position de plusieurs écrivains sur cette problématique est développée au fil des articles : Alfred Andersch, Jean Améry, Ernst Jünger, Bruno Apitz, Martin Walser. Le « Heimatfilm » après 1945, malgré sa médiocrité, est jugé digne d’attention. Le contenu des manuels scolaires (les juifs, la culture juive, l’Etat d’Israël) est aussi passé au crible. Et le volume se clôt sur une interrogation : existe-t-il un « antisémitisme littéraire », qui serait plus fréquentable ? A mettre à la portée de tous, mais où le classer, dans quel rayon de bibliothèque ?

Wolfgang Seidel,
Wo die Würfel fallen,
DTV n° 34524, Munich, 2008, 255 p.

Le sous-titre de ce manuel d’histoire et de civilisation est explicite : les expressions qui ont fait l’histoire. Il est toujours utile de remonter aux sources, tellement les discours (articles, prises de parole) sont truffés d’allusions. La compréhension est à ce prix. L’ordonnancement est chronologique (de l’Antiquité à notre 21è siècle), les « entrées » (plus de cinq cents) sont majoritairement allemandes, mais aussi européennes, dans la mesure où tout se tient dans ce monde des citations. Dans les cinq grands chapitres, les époques prennent de la densité, à partir de « la prise de la Bastille » jusqu’au « changement de climat » (la moitié du volume). Les anglicismes s’implantent dans le monde allemand (Beat generation, Babyboomer), mais le « génie de la langue résiste à cette tendance (Pillenknick, Lauschangriff, Retortenbaby). Un livre à consulter au fil des lectures, des traductions. Une bonne chronologie et un index guideront utilement les lecteurs de tous âges.

Stefan Burgdorff et Klaus Wiegrefe (éds),
Der erste Weltkrieg, die Ur-Katastrophe des 20. Jahrhunderts,
DTV n° 34512, Munich, 2008, 315 p.

L’expression Ur-Katastrophe est juste. Cette guerre de 1914-18 est la mère de toutes les autres catastrophes du 20éme siècle : Hitler, Staline, la guerre de 1939-1945, les camps, le rideau de fer sont des suites de ce désastre initial. Il est bon de redire la nouveauté de cette « boucherie » inimaginable : la modernisation des armes (canons, obus, gaz, etc.). Le DTV a fait appel à des rédacteurs et historiens du Spiegel pour aborder, de façon très lisible, 34 chapitres ouverts à la curiosité de générations actuelles. Leurs réponses démontent certains mythes et accusent, sans parti pris. Quelques exemples, pris au début de ce livre-enquête : la responsabilité de l’empereur Guillaume II, la folie nationaliste des intellectuels des deux bords, le prétendu enthousiasme des foules. La répartition des articles est géographique : le front ouest, les fronts à l’est, la situation intérieure de l’Allemagne en guerre.

Une surprise : la découverte récente, dans les archives françaises, de photos en couleurs, selon un procédé inventé par les frères Lumière. L’effet est stupéfiant, même s’il s’agit d’images demandant un long temps de pose (ruines de Reims, « poilus » dans les falaises de craie, zouaves algériens). Ce livre devrait compléter utilement le nouveau manuel d’histoire binational.

Du côté des traductions

Dans le cadre de la Saison culturelle européenne en France (2ème semestre de 2008) les « éditions THEÂTRALES » (dont nous avons déjà souligné les mérites dans AA) ont eu la tâche d’éditer une pièce représentative de l’actualité dramatique des pays constituant l’Union européenne. Pour ce qui constitue notre champ, cela donne deux textes, très bien traduits, prêts pour une carrière en français.

Händl Klaus,
Le charme obscur d’un continent,
t.f. d’Henri Christophe,
Paris, 2008, 90 p.

Cet auteur autrichien (né en 1969 à Innsbruck) a été remarqué par la critique allemande comme le « meilleur auteur 2006 » par la revue-phare Theater heute). Les trois personnages de sa pièce (un homme, deux femmes, qui ne portent qu’un prénom) se livrent à un duel verbal en trois séquences. La pièce est bâtie sur le rythme rapide des répliques. A la manière des Diablogues de Rolland Dubillard, une banale conversation sur un appartement en destruction/reconstruction devient la métaphore de la vie de notre temps et de notre nouveau siècle.

Anja Helling,
Bulbus,
t.f. d’Henri Christophe,
Paris, 2008, 60 p.

L’auteure est née en 1975, et elle est reconnue comme l’une des meilleures de sa génération dans les « capitales » du jeune théâtre (Berlin, Hambourg, Munich et Vienne). Selon le canon du théâtre « post-dramatique », il n’y a pas d’action au sens classique, seulement des personnages dont on doit reconstituer l’identité à partir des répliques. Bulbus est un village de montagne où l’on joue au curling. La vie n’y existe pas, à vrai dire, ou n’y existe plus, comme dans la légende de la ville engloutie. (On peut demander son catalogue à « éditions THEÂTRALES », 20 rue Voltaire, 93100, Montreuil-sous-Bois)

La maison d’éditions L’Arche publie deux livres : une nouvelle traduction d’une pièce de Brecht, et la traduction de quatre pièces de Falk Richter, auteur révélé par l’actualité du théâtre en Allemagne (et plus particulièrement à Berlin).

Bertolt Brecht,
Sainte Jeanne des abattoirs,
t.f. de Pierre Deshusses,
L’Arche, Paris, 2008, 140 p.

On sait que cette dernière grande pièce berlinoise de Brecht fut interdite par les nazis en 1933 (la création était prévue à Darmstadt). Elle ne fut réellement créée qu’en 1959 après la mort de l’auteur, à Hambourg, par Gustav Gründgens. On peut la rattacher au cycle des « pièces didactiques », dont elle n’a cependant pas la brièveté et la raideur. Elle a pour sujet la crise de 1929 et ses suites (à Chicago, dans le marché de la viande). Cette sainte Jeanne (nommée Dark !) est officier de l’Armée du Salut : le cadre plaisait à Brecht pour son côté spectaculaire et musical (utilisé dans deux autres textes de l’époque, Happy End et Le Commerce de pain, qui eurent un certains succès, bien des années après, mis en scène par le Berliner Ensemble). La nouvelle traduction (elle remplace celle de Gilbert Badia, qui est toujours au catalogue, volume 2 du Théâtre complet, de 1974) s’efforce de reproduire l’allure parodique du langage brechtien : versification, rimes approximatives, citations de la Bible plus ou moins « retournées ». On sait que Brecht adorait le cabaret, avec cette Sainte Jeanne, on est bien servi. La crise, qui sévit actuellement aux Etats-Unis, et ailleurs, semble avoir été prévue dans ses moindres détails concrets.

Falk Richter,
Hôtel Palestine, Electronic city, Sous la glace, LeSystème,
t.f. d’Anne Monfort,
L’Arche, Paris, 2008, 170 p.

Falk Richter est né en 1969. Il a écrit sa première pièce en 1996. Il mène une double carrière d’écrivain et de metteur en scène (Hambourg, Berlin, Zurich). Son style relève du « théâtre post-dramatique » : pas d’action, tout juste une situation, et avant tout une mise en cause du langage moderne, « mondialisé ». Ses personnages, ou plutôt ses locuteurs, sont des êtres interchangeables, sans identité autre que leur « job » : des journalistes, des consultants, des prénoms (Bob, Tom, Joy et même… Jean Personne).

La performance des comédiens se doit d’être à la hauteur de la charge satirique. Comment parler ce langage, truffé de locutions anglaises (un anglais d’aéroports, d’ordinateurs), concernant le management, les ressources humaines, les manœuvres bancaires, la télévision ? Dans la deuxième pièce, un ahuri, Tom, est incapable de dire où il se trouve, tellement tout se ressemble dans cette « world company » : les salles de conférence, les chambres, les films porno. Le « système » fait que tout est spectacle, tout est virtuel, instable, éphémère. Il y a évidemment beaucoup de nostalgie dans ce dérèglement incontrôlé de tous les sens.


Index des auteurs publiés et des auteurs traités dans Allemagne d’aujourd’hui en 2008

AUTEURS PUBLIES

BACHIR-LOOPUYT, T., 186/194-198, (Création musicale et diversité culturelle. Les concours de musiques du monde « Creole »).
BAZIN, J., 186/123-132, (Les deux corps du peuple. La foule et l'art en RDA).
BEAUSSE, P., 186/94-102, (Petite histoire du photographique allemand).
BELTRAN-VIDAL, D., 184/173, (CR C. Gaudin).
BOURNIZIEN, E., 183/113-128, (Tacheles : la construction d’une cathédrale de la sub-culture ?).
BRAUN, V., 185/3-7, (Volker Braun et le Roman de Hinze et Kunze, Présentation par J. Poumet).
BOUILLOT, C., 178/68-82, (En crabe de Günter Grass et le débat médiatique sur la question des expulsions).
BOURNIZIEN, E., 176/139-158, (Mail Art (art postal) : une tendance artistique alternative et son rôle social en RDA).
BRAND, E., 176/37-48, (" Il est plus facile pour un scénariste de devenir romancier que pour un romancier de devenir scénariste ").
BRODERSEN, H., 183/134-145, (Conjoncture allemande : dans la moyenne européenne) ; 184/159-162 (CR H. Joly, R. Aron).
CHANTRE, B., 184/152-154, (Un entretien de Gérard Valin avec Benoît Chantre sur l’ouvrage de René Girard, Achever Clausewitz).
COLONGE, P. 185/133-139, (L’Angleterre vue par Helmut Schmidt dans Les Allemands et leurs voisins).
CORBIN, A.-M., 184/163-165, (CR M. Gravier, A. Waine) ; 185/140-146, (Niklas Luhmann et Jürgen Habermas : des frères ennemis) ; 186/58-61, (CR P.G. Kielmansegg, U. Lachauer, B. Effner, H. Heidemeyer).
COMMUN, P., 186/3-13, (La crise bancaire en Allemagne : Etat des lieux et conséquences).
DARMAUN, J., 183/51-56, (P.-P. Sagave et Th. Mann).
DEUSSEN, Ch., 183/3-4, (Pierre-Paul Sagave, l’homme et l’enseignant-chercheur, Ouverture).
EMMERICH, W., 185/39-48, (« Ce qu’on n’a pas vécu – ce qui vaut d’être vécu » ; Sens et sensualité dans le Roman de Hinze et Kunze de Volker Braun, trad. Par M. Gagneur).
FERLAN, F., 184/43-67, (Education, enseignement supérieur et culture : des titres de compétence législative rénovés pour la fédération et les Länder).
FEYEUX, A., 186/75-81, (L’image de la nation allemande. Photographie et reconstruction identitaire en l’Allemagne de l’Ouest dans k’immédiat après-guerre).
FÖRSTERLING, W., 184/95-103, (Le point de vue du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie dans les négociations sur la réforme du fédéralisme I).
FRANCOIS, J.-C., 183/146-149, (Notes de lecture) ; 184/171-173, (Notes de lecture) ; 185/93-99, (Lothar Trolle, ou le théâtre allemand à l’état libre) ; 186/64-65, (Notes de lecture).
GEORGET, J.-L., 184/21-31, (Le fédéralisme et l’impossible réforme territoriale) ; 186/71-74, (L’art contemporain : miroir de l’identité allemande ? Présentation).
GIRAUD, O., 184/119-130, (Réformes du fédéralisme en Allemagne et en Suisse : des compromis viables et durables ?).
GOUAZÉ, S., 183/72-73, (P.-P. Sagave, professeur de responsabilité civique, Témoignages) ; 184/104-118, (Entre solidarité et concurrence : la réforme du fédéralisme et ses retombées sur les Länder en tant que sites de production) ; 186/193, (Biographie H. Hörling).
GOUGEON, J.-P., 184/32-42, (De la réalité du fédéralisme culturel) ; 186/28-41, (Die Linke, entre gauche radicale et défi à la social-démocratie).
HAAG, I., 185/30-38, (A propos de l’amour dans le Roman de Hinze et Kunze).
HÄHNEL-MESNARD, C., 184/167-170, (Chronique culturelle) ; 186/66-70 (Chronique culturelle).
HANSTEIN, H., 186/184-192, (La maison Lempertz : observatoire privilégié des évolutions du marché de l’art allemand dans le miroir de l’histoire).
HARDER, H., 183/57-62, (Souvenirs de P.-P. Sagave. Ses cours sur T. Mann).
HERRMANN, R., 184/155-157, (Dictionnaire du monde germanique, CR).
HÖRNIGK, F., 185/23-29, (Réflexions à la lecture du Roman de Hinze et Kunze. Tentative de nouvelle approche, 1985-2008 ; trad. Par J. Poumet).
JULLIARD, C., 186/193, (Nécrologie J.-P. Christophe).
KIEFER, A., 186/89-93, (« Sans mémoire, il n’y a pas d’identité ». Propos recueillis par A. Lauterwein).
KLEIN, C., 185/16-22, (Polémique et satire dans le Roman de Hinze et Kunze de Volker Braun).
KLEIN, J., 184/157-159, CR M. Kerber).
KLEIN, S., 186/171-183, (La photographie et l’art contemporain allemand : un marché mondial. Propos recueillis par C. Heydel et G. Robin).
KOCH, U.E., 183/5-16, (P.-P. Sagave : un Berlinois de naissance et fier de l’être).
LANOË, E., 183/94-103, (La réforme des diplomaties culturelles dans les années 1970 : la RFA et la France sur le même chemin).
LEMONNIER-LEMIEUX, A., 185/49-60, (L’ancrage philosophique et politique de V. Braun dans le Roman de Hinze et Kunze).
LESTRADE, B., 183/73-75, (P.-P. Sagave, professeur de responsabilité civique, Témoignages) ; 183/129-133, (Actualité sociale, janvier 2008) ; 184/131-135, (Actualité sociale, avril 2008) ; 185/147-161, (L’emploi des seniors en France et en Allemagne – un succès en demi-teinte) ; 186/52-56, (Actualité sociale, juillet 2008).
MARTENS, S., 183/148-149, (CR H. Kohl) ; 184/162-163, (CR ouvrages photographiques); 186/14-27, (Les stratégies économiques allemandes dans le voisinage de l’Union européenne à l’Est (Russie, Ukraine, Biélorussie).
MENUDIER, H., 186/42-51, (Les Länder en 2008 – Elections et partis).
MIARD-DELACROIX, H., 183/81-82, (La civilisation allemande en perspective).
MILLOT, C., 185/61-70, (Un poète écrit un roman. Quelques principes d’écriture poétique dans le Roman de Hinze et Kunze de Volker Braun).
PIERRON-BONNIKE, N., 186/158-166, (De Dunkerque à Berlin. Un point de vue sur les arts plastiques dans l’Allemagne d’aujourd’hui).
PIVERT, B., 185/100-115, (De la discipline de fer au laisser-faire. Le thème de l’éducation avant et après 1968 dans l’œuvre de Gabriele Wohmann).
POUMET, J., 185/3-7, (Volker Braun et le Roman de Hinze et Kunze – Présentation).
REUTTER, W., 184/68-82, (Les parlements régionaux et les différents échelons politiques).
ROBERT, V., 184/136-146, (JE, TU, NOUS. Le discours sur le « nouveau » patriotisme avant la coupe du monde de football 2006.
ROBIN, G., 186/71-74, (L’art contemporain : miroir de l’identité allemande ? Présentation) ; 186/103-121, (L’art contemporain allemand est-il politique ?).
RUIZ, A., 183/17-37, (Du sujet prussien et ressortissant du Reich au citoyen français. La « rémigration » de P.-P. Sagave, descendant de huguenots du refuge berlinois).
SAGARRA, E., 183/48-50, (L’apport de P.-P. Sagave à la recherche sur Fontane).
SAGAVE-ANDRÉ, C., 183/78-80, (Témoignages).
SAGAVE-BOUDER, I., 183/76-78, (Témoignages).
SCHELLER, H., 184/83-94, (Fonction d’assistance ou fonction éducatrice et de mise en garde ? Quel rôle à l’avenir pour la constitution financière de l’Allemagne ?).
SCHLENSTEDT, D., 185/8-17, (Histoire éditoriale du Roman de Hinze et Kunze, trad. Par M. Gagneur).
SCHULTE, H., 183/38-40, (P.-P. Sagave, un médiateur franco-allemand).
SIMONIN, C., 183/150-154, (Carnet littéraire) ; 185/126-132, (Carnet littéraire).
THAISY, L., 186/61-63, (CR U. Ziegler, F. Becker).
THEUNE, B., 186/171-183, (La photographie et l’art contemporain allemand : un marché mondial. Propos recueillis par C. Heydel et G. Robin).
THURET, M., 183/41-47, (P.-P. Sagave, spécialiste de Th. Fontane).
TIESSET, J.-L., 185/121-123, (Hommage à G.-A. Goldschmidt).
VAILLANT, J., 183/65-68, (P.-P. Sagave, collaborateur économique d’Allemagne d’aujourd’hui) ; 183/104-112, (Le Goethe-Institut de Lille : 50 ans de coopération culturelle franco-allemande) ; 184/3-4, (La réforme du fédéralisme allemand, Présentation) ; 184/5-14, (Aux origines du fédéralisme allemand) ; 184/156, (CR G. Mouralis) ; 185/116-120, (G.-A. Goldschmidt et l’Allemagne) ; 186/193, (J.-P. Christophe, biographie).
VALIN, G., 183/63-64, (Th. Mann et le mythe du « chevalier d’industrie ès lettres) ; 183/69-72, (P.-P. Sagave, professeur de responsabilité civique, Témoignages) ; 184/147-151, (René Girard, l’Allemagne et la France).
VILAIN, Y., 184/119-130, (Réformes du fédéralisme en Allemagne et en Suisse : des compromis viables et durables ?).
VISSAULT, M., 186/133-145, (Beuys. Le nerf de la guerre).
WEDEKING, G., 186/146-157, (Tableaux en noir et blanc : du mode de la neutralité chez Gerhard Richter).
WEINACHTER, M., 183/83-93, (Le SPD, le débat sur l’agenda 2010 et le Congrès de Hambourg. Virage à gauche ?).
WERNER, M., 186/167-170, (Marginalité, scandale et institutions. Les stratégies d’un marchand d’art au service de la peinture figurative allemande. Propos recueillis par C. Joschke).
WOYKE, W., 184/15-20, (La réforme du fédéralisme de 2006).
YECHE, H., 185/84-92, (Le bestiaire de Volker Braun).
ZSCHACHLITZ, R., 185/71-83, (Dans la boîte noire. Le roman de Hinze et Kunze de Volker Braun et le canon esthétique de la RDA).

AUTEURS TRAITES

Adam, H.C., 184/162, (Berlin. Porträt einer Stadt. Portrait of a city. Portrait d’une ville, CR S. Martens).
Alexander, M., 184/172, (Klein Geschichte der bömischen Länder, CR de J.-C. François).
Bärfuss, L., 186/66-67, (Hundert Tage, Chronique culturelle et littéraire de C. Hähnel-Mesnard).
Becker, F., 186/63, (Kultur im Schatten der Trikolore – Theater, Kunstausstellungen, Kino und Film im französisch besetzten Würtemberg-Hohenzollern 1945-1949, CR L. Thaisy).
Belletto-Sussel, H., 186/57, (Précis alphabétique de civilisation germanique, CR D. Herbet).
Böttcher, J., 186/68-69, (Nachglühen, Chronique culturelle et littéraire de C. Hähnel-Mesnard).
Braslavsky, E., 184/168, (Aus dem Sinn, CR C. Hähnel-Mesnard).
Braun, V., 185/3-92, (Volker Braun et le Roman de Hinze et Kunze. Dossier dirigé par J. Poumet).
Brecht, B., 183/147, (Die Gedichte, CR de J.-C. François).
Büchner, G., 183/146-147, (Dantons Tod, Text und Kommentar, CR de J.-C. François).
Corvin, M., 183/147, (Anthologie critique des auteurs dramatiques européens, CR de J.-C. François).
Décultot, E., 184/155-157, (Dictionnaire du monde germanique, CR de R. Herrmann).
Duvernet, J., 186/57, (Précis alphabétique de civilisation germanique, CR D. Herbet).
Effner, B., 186/60-61, (Flucht im geteilten Deutschland. Erinnerungsstätte Notaufnahmelager Marienfelde, CR A.-M. Corbin).
Espagne, d’, M., 184/155-157, (Dictionnaire du monde germanique, CR de R. Herrmann).
Farges, P., 186/64-65, (Le trait d’union, ou l’intégration sans l’oubli, CR de J.-C. François).
Fontane, T., 183/41-47, (P.-P. Sagave, spécialiste de Th. Fontane par M. Thuret) ; 183/48-50, (L’apport de P.-P. Sagave à la recherche sur Fontane, par E. Sagarra).
Frein, N., 184/171, (1968-Jugendrevolte und globaler Protest, CR de J.-C. François).
Gaudin, C., 184/173, (La marionnette et son théâtre – Le théâtre de Kleist et sa postérité, CR D. Beltran-Vidal).
Gernhardt, R., 183/150-153, (Später Spagat, Carnet littéraire de C. Simonin).
Girard, R., 184/152-154, (Un entretien de Gérard Valin avec Benoît Chantre sur l’ouvrage de René Girard, Achever Clausewitz).
Glavinic, T., 184/170, (Das bin doch ich, de C. Hähnel-Mesnard
Goldschmidt, G.-A., 185/116-120, (G.-A. Goldschmidt et l’Allemagne par J. Vaillant) ; 185/121-123, (Hommage à G.-A. Goldschmidt par J.L. Tiesset).
Grass, G., 186/67-68, (Die Box. Dunkelkammergeschichten, , Chronique culturelle et littéraire de C. Hähnel-Mesnard).
Gravier, M., 184/163-164, (Good Bye Honecker ! Identité et loyauté dans les administrations est-allemandes (1990-1999), CR A.-M. Corbin).
Habermas, J., 185/140-146, (Niklas Luhmann et Jürgen Habermas: des frères ennemis par A.-M. Corbin).
Heidemeyer, H., 186/60-61, (Flucht im geteilten Deutschland. Erinnerungsstätte Notaufnahmelager Marienfelde, CR A.-M. Corbin).
Hein, C., 183/153-154, (Fraülein Paula Trousseau, Carnet littéraire de C. Simonin).
Hermann, J., 185/128-130, (Carnet littéraire de C. Simonin).
Horvath, Ö., von, 183-147, (Légende de la forêt viennoise, CR J.-C. François).
Joly, H., 184/159-161, (Formation des élites en France et en Allemagne, CR H. Brodersen).
Kerber, M., 184/157-159, (Europa ohne Frankreich, Deutsche Anmerkungen zur französischen Frage, CR J. Klein).
Kielmansegg, P.G., 186/58, (Das geteilte Land. Deutsche Geschichte, CR A.-M. Corbin)
Kilcher, A.-B., 186/64, (Franz Kafka, CR J.-C. François).
Kempowski, W., 185/126-128, (Carnet littéraire de C. Simonin).
Kohl, H., 183/148-149, (Erinnerungen, CR S. Martens).
Krzykowski, I., 183/146, (Expressionnisme(s) et avant-gardes, CR J.-C. François).
Lachauer, U., 186/59-60, (Als die Deutschen weg waren. Was nach der Vertreibung geschach: Ostpreussen, Schlesien, Sudetenland, CR A.-M. Corbin)
Lange-Müller, K., 184/169, (Böse Schafe, CR C. Hähnel-Mesnard).
Lenz, S., 185/130-132, (Carnet littéraire de C. Simonin).
Le Rider, J., 184/155-157, (Dictionnaire du monde germanique, CR de R. Herrmann).
Löhr, R., 184/170, (Das Erlkönig-Manöver, CR C. Hähnel-Mesnard).
Luhmann, N., 185/140-146, (Niklas Luhmann et Jürgen Habermas: des frères ennemis par A.-M. Corbin).
Mann, K., 184/172-173, (Mephisto, CR J.-C. François).
Mann, T., 183/51-56, (P.-P. Sagave et T. Mann par J. Darmaun); 183/57-62, (Souvenirs de P.-P. Sagave. Ses cours sur T. Mann par H. Harder).
Martin, A., 183/146, (Georg Büchner, CR J.-C. François).
Mathieu, J.-P., 186/57, (Précis alphabétique de civilisation germanique, CR D. Herbet).
Millot, C., 183/146, (Expressionnisme(s) et avant-gardes, CR J.-C. François).
Mouralis, G., 184/166, (Une épuration allemande. La RDA 1949-2004, CR J. Vaillant).
Mühsam, Z., 186/65, (Une vie de révolte. Lettres 1918-1959, CR J.-C. François).
Sagave, P.-P., 183/3-82, (P.-P. Sagave, l’homme et l’enseignant-chercheur. Dossier dirigé par U.E. Koch et J. Vaillant).
Scheuermann, S., 185/128-130, (Carnet littéraire de C. Simonin).
Schleime, C., 184/169, (Weit fort, CR C. Hähnel-Mesnard).
Schmidt, H., 185/133-139, (L’Angleterre vue par Helmut Schmidt dans «Les Allemands et leurs voisins » par P. Colonge).
Schmitt, H.J., 184/172, (Tschechien, CR J.-C. François).
Schulze, I., 186/69-70, (Adam und Evelyn, Chronique culturelle et littéraire de C. Hähnel-Mesnard).
Trolle, L., 185/93-99, (Lothar Trolle ou le théâtre allemand à l’état libre, par J.-C. François).
Waine, A., 184/164-165, (Changing cultural tastes. Writers and the popular in modern Germany, CR A.-M. Corbin).
Wohmann, G., 185/100-115, (De la discipline de fer au laisser-faire. Le thème de l’éducation avant et après 1968 dans l’œuvre de Gabriele Wohmann par B. Pivert).
Wolle, S., 184/171-172, (Der Traum von der Revolte, CR J.-C. François).
Ziegler, U., 186/61-62, (Kulturpolitik im geteilten Deutschland : Kunstausstellungen und Kunstvermittlung von 1945 bis zum Anfang der 60er Jahre, CR L. Thaisy).

N.B. : la pagination du 185 est la pagination de la 2e version.