Résumé

La redécouverte du Cratyle de Platon à la Renaissance n'est pas étrangère au regain d'intérêt qui se manifeste alors pour la recherche du sens des choses dans la sève originelle des noms. Pantagruel en conseille la lecture à ses compagnons. Est-ce à dire que la Renaissance a totalement oublié les exégèses patristiques sur l'origine des mots pour justifier son goût de la transparence à travers le dialogue platonicien ? En fait, par un curieux syncrétisme, humanistes et poètes semblent s'être souvenus de l'étymologie médiévale dans leurs propres spéculations, tentant de résoudre à leur manière les questions que posait déjà Isidore de Séville dans ses fameuses Etymologies. Nous examinons ici dans quel but et sous quelle forme Rabelais a parodié cette préoccupation, nous demandant comment se partagent les influences cratyliennes et isidoriennes dans son oeuvre, et quel rôle elles jouent par rapport aux 'options idéologiques du grand poète comique de la Renaissance.

Summary

The Renaissance search for meaning, through the relentless examination of the origin of words, was greatly stimulated by the rediscovery of Plato's Cratylus. Does this mean, then, that the Church Fathers' exegeses were forgotten, and the Renaissance taste for linguistic transparency came to be mainly rekindled through Plato's dialogue? In fact, mediaeval etymologies remained alive, through a series of syncretic practices, as humanists and poets reproduced their processes in their own speculations, and tackled sorne of the very issues that Isidore of Seville had discussed in his famous Etymologies. This paper focuses on how and why Rabelais translated and parodied this etymological preoccupation in his exuberant linguistic creation. It also tries to identify Cratylic and Isidorian influences on the great comic poet, within the ideological context of the Renaissance.