Résumé

Selon les lexicographes médiévaux, l'étymologie recouvre plusieurs processus d'analyse sémantique des mots, à partir du rapprochement de formes et de significations, et souvent fondé sur une décomposition en syllabes ou en lettres. Cette méthode s'oppose à celle qu'utilisent majoritairement les lexicographes, à savoir l'analyse morphologique par derivationes, qui repose sur la décomposition en formants (appartenant ou non à la même langue que le dérivé ou le composé), lesquels sont le plus souvent justifiés par leur présence dans d'autres composés, selon une méthode de type distributionnel. Dans un premier temps, nous envisageons cette méthode à partir d'un traité anonyme de la fin du XIIe siècle. Dans un second temps, nous nous intéressons aux critiques virulentes de Roger Bacon contre les inconséquences de la méthode des derivationes, le plus souvent dues à une méconnaissance des langues (surtout le grec), et à l'absence d'une conception véritablement historique de la dérivation comme filiation des langues, qu'il propose, contre ses contemporains, d'appeler étymologie.

Summary

According to the medieval lexicographers, etymology covers various processes of semantic analysis of words, on the basis of the comparison of forms and meanings, and often founded on a decomposition into syllables or letters. This method is opposed to the one mostly used by lexicographers, i.e. a morph.ological analysis called derivationes, based on the decomposition into formants (which may or may not belong to the same language as the derivative or the compound), which are often justified by their presence in other compounds, according to a method close to a distributional one. In a first part, 1 analyse this derivational method through an anonymous tract of the end of the XIIth century. In a second part, 1 study the strong criticisms made by Roger Bacon against the inconsistencies of the method of the derivationes, which often come from a bad knowledge of languages (especially Greek), and from the lack of a genuinely historical approach to derivation conceived as a filiation of languages, which he proposes to call etymology, contrary to his contemporaries.