Résumé

Comme en latin avec -arius, -aria, -arium et en français moderne avec -ier, -ière, la dérivation en -ier(e) en ancien français est principalement de type actanciel : elle suppose un procès dont le dérivé (ou le nom recteur du dérivé) représente l'agent ou l'instrument et la base généralement l'objet. Mais elle a connu aussi d'importantes innovations. Fondamentalement adjectivale en latin, elle est devenue directement nominale. La confusion des suffixes -ier(e) issu de -arius, -aria, -arium et -er issu de -aris, -are a introduit un autre modèle de type relationnel. Les nombreuses interférences entre les deux modèles sont à l'origine de nouvelles séries lexicales. La morphologie constructionnelle médiévale est par ailleurs fertile en irrégularités diverses : doublets, dérivés synonymes de leur base, suffixations décalées au moyen d'un interfixe, interférences entre dérivations en -ier et en -eor, etc. Ces libertés et ces infléchissements, qui ont laissé des traces dans le lexique contemporain, ne permettent pas de rendre compte de ce suffixe au moyen d'une règle unique considérée comme panchronique.

Summary

As with Latin -arius, -aria, -arium and Modem French -ier, -ière, derivation by -ier(e) in Old French is mainly associated with the argument structure of a process in which the derivative (or the noun modified by it) represents the Agent or Instrument and the base usually the Object. But it has also gone through major innovations. Fundamentally adjectival in Latin, it has become directly nominal. Confusion between the suffix -ier(e) from -arius, -aria, -arium and the suffix -er from -aris, -are induced another derivational pattern which coins relational adjectives. The many interferences between the two patterns triggered new lexical series. Moreover, mediaeval constructional morphology is prolific in irregularities of all kinds: doublets, derivatives synonymous with their base, suffixation "shifted" by an interfix, interferences between -ier and -eor, etc. Those liberties, that can still be traced in the contemporary lexicon, added to the evolutions of the derivational patterns, make it impossible to account for this suffix through a single, panchronic rule.