Résumé

L'objectif de cet article est d’interroger le travail de Lola Rogge (1908-1990) qui a jusqu’à présent fait l’objet de peu d’étude alors que son école hambourgeoise forme aujourd’hui encore de futurs professionnels de la danse tout en proposant également des cours pour enfants et adultes amateurs.

Formée à la danse et à son enseignement au sein de l’école Laban de Hambourg dirigée par Albrecht Knust, Lola Rogge s’attache dès la fin des années vingt à développer un travail pédagogique et artistique fondé essentiellement sur les principes fondamentaux du mouvement et de la danse énoncés par Rudolf von Laban. La pratique chorale en danse, centrale dans l’enseignement de ce dernier et de certains de ses collaborateurs – dont Knust –, occupe dès lors une place essentielle dans les cours de danse qu’elle dispense ainsi que dans les pièces chorégraphiques qu’elle commence à composer dès 1931. Dans la biographie qu’elle lui consacre, Patricia Stöckemann, mentionne toutefois une conception du choeur de mouvement dans le travail de Lola Rogge qui s’éloigne de celle que l’école Laban lui a transmise : selon Stöckemann, Rogge jugerait en effet nécessaire de dépasser une pensée de la pratique chorale en danse comme simple expérience communautaire et de l’envisager au niveau de la création artistique pour la scène professionnelle (Patricia STÖCKEMANN, Lola Rogge. Ein Leben für den Ausdruckstanz, Wilhelmshaven, Florian Noetzel Verlag, 1991, p. 73).

Dans une démarche essentiellement esthétique, nous proposons ici une étude de la façon dont Lola Rogge use des chœurs de mouvement au sein de ses principales œuvres créées dans les années trente. En quoi le traitement de la choralité au sein de ces pièces diffère-t-il de celui opéré par Laban qui, une décennie plus tôt, utilisait lui-même des chœurs de mouvement dans certaines de ses compositions chorégraphiques pour la scène professionnelle ? En nous appuyant notamment sur l’analyse d’images photographiques, il s’agira ainsi de comprendre comment la démarche créative de Lola Rogge peut répondre à l’ambition d’offrir à la danse artistique une alternative au corps de ballet.