L'argument de lacune à combler dans les préfaces des ouvrages scientifiques n'est souvent qu’une figure rhétorique. Cependant cet argument est tout à fait justifié dans le cas du « Dictionnaire des relations franco-allemandes » paru l’année dernière : les jeunes Français et Allemands intéressés par les relations franco-allemandes ont pu constater lors de leurs séjours scolaires et études universitaires l’absence d’un ouvrage de référence dans ce domaine. Il s’est accumulé dans les dernières décennies un nombre considérable de publications sur les « relations franco-allemandes », mais il est étonnant de constater qu’il n’y avait jusque peut de temps aucun ouvrage à caractère encyclopédique consernant l’univers franco-allemand. Ainsi, les initiateurs et directeurs du présent ouvrage – Isabelle Guinaudeau, Astrid Kufer et Christophe Premat – ont le mérite d’avoir proposé un livre qui aborde le franco-allemand dans une forme très synthétique complètant en quelque sorte l’ouvrage codirigé par Jacques Leenhardt et Robert Picht portant sur le « commerce franco-allemand des idées » . Le fait que « Le dictionnaire des relations franco-allemandes » a été conçu et réalisé par les jeunes chercheurs français et allemands et publié en même temps en France et en Allemagne a constitué sans aucun doute un effort considérable. Il prouve à la fois l’efficacité du collège doctoral en sciences sociales qui a été crée il y a quatre ans dans le cadre de l’Université franco-allemande.

Le présent ouvrage contient 90 entrées de taille variable et il est en fait beaucoup moins opulent que les ouvrages encyclopédiques parus dans le dernier temps concernant l’Allemagne et le monde germanique vus par les Français ou un aperçu synthétique des facettes multiples de la société française élaboré par les auteurs allemands. Les notices dans le présent dictionnaire portent sur l'histoire des relations franco-allemandes (Révolution française, Napoléon, première guerre mondiale), l’institutionnalisation de coopération entre les deux pays (Institut franco-allemande de Ludwigsburg, OFAJ), le réseau d'initiatives issues de la société civile (prisonniers de guerre, jumelages), la coopération culturelle (festival de Donaueschingen ou Dada), économique (EADS) et politique (moteur franco-allemand). De plus, quelques notices concernent les acteurs du franco-allemand (Joseph Rovan ou Alfred Grosser) et la perception réciproque des Français et des Allemands (ennemi héréditaire, stéréotypes ou réconciliation) ainsi que les sources de divergences et de malentendus franco-allemands (traduction, politique énergétique ou Euro).

« Le Dictionnaire des relations franco-allemandes » offre beaucoup d’articles très informatifs et bien écrits (p.ex. sur les rencontres de Blaesheim, l’Institut franco-allemand ou sur les relations entre la France et la RDA) mais au total la qualité des contributions n’est pas constante. Un reproche pourrait également être formulé envers la qualité des traductions en allemand. Cet aspect ainsi qu’un certain nombre des fautes de frappe dans l’édition allemande semblent témoigner de la dominance des auteurs français dans le travail sur cet ouvrage collectif. Il est d’ailleurs dommage que les directeurs du présent dictionnaire n’aient pas donné plus d’informations sur la conceptualisation de leur ouvrage et le processus transfrontalier de sa réalisation. Le lecteur obtient une masse considérable des notices mais il peut également gagner l’impression que le terme « relations franco-allemandes » constitue dans le présent ouvrage une notion aux contours très flous. Il est certainement un vrai défi de rassembler dans un volume toutes les connaissances sur les « idées » et les « faits » des relations franco-allemandes en s’appuyant sur plusieurs disciplines ; justement la complexité d’une telle entreprise demanderait une définition exacte des critères de choix des entrées et leur conséquente application. Il est vrai que les directeurs évoquent le principe d’exemplarité, mais malheureusement les critères de choix n’ont pas été expliqués. On trouve par exemple un article sur Alfred Grosser mais rien sur Carlo Schmid, Brigitte Sauzay ou Daniel Cohn-Bendit, on trouve un article sur Paul Celan, mais aucune entrée concernant par exemple Claire et Ivan Goll. Il y a une contribution sur les événements de 1848, 1939-40 et 1968, mais on cherche en vain les dates 1918 ou 1989. En outre, le « Dictionnaire des relations franco-allemandes » ne comporte aucune notice sur la problématique du fédéralisme allemand et du centralisme français, la Grande Région ou les huguenots. Par conséquent, il se pose la question de savoir est-ce qu’il ne serait pas mieux de se concentrer sur les relations franco-allemandes au XXe siècle ou sur l’histoire du temps présent pour cerner l’univers du franco-allemand de manière plus détaillée et plus analytique.

Les entrées ont été complétées par des indications bibliographiques et il y a deux instruments facilitant l’orientation : les renvois attirent l’attention des lecteurs aux autres articles abordant le même problème ou des questions liées thématiquement et un registre alphabétique permet de faire une recherche par nom propre ou mot-clé et de se repérer rapidement dans les entrées. Mais si on compare les deux éditions, on constate une différence visible au premier coup d’œil : la mise en page dans l’édition française est beaucoup mieux faite et par conséquent – même qu’il s’agit du même contenu – elle est beaucoup plus agréable à lire que la version allemande. « Le Dictionnaire des relations franco-allemandes » veut répondre à un besoin et satisfaire plusieurs exigences : il s’agit d’un outil d’explication et de vulgarisation et « d’une réflexion critique ayant pour objet de « questionner » par des regards croisés la coopération franco-allemande au-delà du caractère institutionnel de l’amitié et des péripéties de l’actualité immédiate. » (p. 13). Le présent ouvrage s’adresse à toute personne intéressée au franco-allemand pour des raisons personnelles ou professionnelles, tout d’abord aux lycéens et étudiants qui apprennent la langue du pays voisin. A cet égard, on remarque un déficit étonnant : l’absence de la Toile. Il est vrai que quelques auteurs évoquent les pages d’accueil des institutions ou des organisations présentées dans leurs articles, mais une liste exhaustive des liens utils pour ce qui s’intéressent au franco-allemand manque.
- Kornelia KONCZAL -

Jacques Leenhardt, Robert Picht (dir.) : Au jardin des malentendus. Le commerce franco-allemand des idées. éd., nouv. éd., augm. et actualisée. Arles: Actes Sud, 1997 [1990]. Jacques Leenhardt, Robert Picht (Hg.): Esprit - Geist. 100 Schlüsselbegriffe für Deutsche und Franzosen. 2. Aufl. München: Piper, 1990 [1989].

Élisabeth Décultot, Michel Espagne, Jacques Le Rider (dir.): Dictionnaire du monde germanique. Paris: Bayard, 2007.

Bernhard Schmidt, Jürgen Doll, Walther Fekl, Siegfried Loewe, Fritz Taubert : Frankreich-Lexikon. Schlüsselbegriffe zu Wirtschaft, Gesellschaft, Politik, Geschichte, Kultur, Presse- und Bildungswesen. 2., überarb. Aufl. Berlin: Erich Schmidt, 2008.