Résumé

L'un des changements majeurs de la lexicographie de langue anglaise des cinquante dernières années est que les dictionnaires utilisent de plus en plus les avancées de la linguistique théorique. Les linguistes, longtemps peu intéressés par le lexique, ont commencé à s'y intéresser, d'abord en Grande-Bretagne dans les années 1930 puis aux États-Unis dans les années 1970. Certains ont même accepté de diriger la rédaction de dictionnaires pour le grand public, surtout des dictionnaires destitués aux locuteurs étrangers. De leur côté, certains lexicographes se sont également intéressés à la linguistique à partir des années 1980. Un certain nombre de dictionnaires de langue anglaise ont des caractéristiques qui sont le fruit de cet engouement réciproque : codage des structures syntaxiques, contrôle du vocabulaire définitoire, modifications des techniques définitoires, distinction des sens, repérage et notation des expressions plus ou moins figées, y compris les collocations, etc. Les décennies qui ont suivi ont sans doute été un âge d'or de la lexicographie anglaise, avec des linguistes qui s'intéressent au moins autant au lexique qu'à la syntaxe, des lexicographes hautement compétents et des dictionnaires remarquables par leurs avancées. Mais à la fin de la première décennie du XXIe siècle, la lexicographie de langue anglaise est à un tournant: quelques éditeurs de dictionnaires, surtout britanniques, continuent à investir dans la recherche pour l'amélioration de certains de leurs produits, en particulier par la prise en considération des résultats des travaux des linguistes. Mais en même temps l'essentiel de la production reste traditionnelle, par peur de perdre sa clientèle, et l'avènement de l'informatique et des corpus informatisés tend à transformer le travail d'une majorité de lexicographes en tâches répétitives et fortement automatisées, dans lesquelles les éditeurs, sans aucun doute à tort, ne voient pas l'intérêt d'impliquer des professionnels hautement spécialisés et formés en linguistique. On peut s'interroger sur le résultat de cette tension, et la réponse est d'autant plus difficile que nul ne sait ce que deviendra l'objet dictionnaire dans les décennies à venir.

Summary

The paper examines the monolingual dictionaries of English published since the beginning of the 20th century and tries to determine how they have been affected by research in linguistics. Linguistic theories only reach the lexicographer's desk after some delay, so that the Oxford English Dictionary is very much a philological dictionary and Webster 's Third New International Dictionary is barely touched by structuralism. However, some characteristics of the more modern dictionaries, particularly learners' dictionaries, for example the indication of syntactic patterns, the use of a defining vocabulary, the adoption of full-sentence definitions or the hierarchical presentation of polysemous words are derived from the work of J.R. Firth, John Sinclair and others, on prototypes, on collocations and idioms, etc. Some of these influences have even begun to affect native speakers' dictionaries such as the New Oxford Dictionary of English. More changes can be expected from recent research, particularly Charles Filhmore's frame semantics. But linguistics is only one of the many factors bearing on the evolution of English lexicography, and many dictionaries remain highly conservative.