En examinant, au livre X des Confessions, notre memoria des arts libéraux, Augustin pose une série de questions stimulantes. La meilleure façon de les aborder est de les envisager dans le contexte plus large de ses idées sur ce que c'est qu’enseigner, apprendre, comprendre, acquérir un savoir. Pour être emmagasinés dans notre mémoire (un réceptacle ni matériel ni spatial, souvent dépeint métaphoriquement au moyen d’images spatiales), les contenus propres aux arts libéraux n’ont pas à passer par l’intermédiaire d’images (comme les objets des sens) ou de « notions » (comme les affections de l’âme). Quand nous étudions les disciplinae liberales, en réalité nous n’assimilons pas une nouvelle information délivrée par nos maîtres : leurs paroles déclenchent en nous un processus par lequel nous retrouvons, dans les « profondeurs » les plus éloignées de notre mémoire, des contenus qui y étaient déjà présents de façon latente depuis notre naissance (je traite la question de savoir ce que pourraient être exactement ces contenus). À la différence de ses écrits antérieurs, dans les Confessions, Augustin évite soigneusement les expressions qui pourraient suggérer une véritable réminiscence platonicienne, portant sur des choses connues dans des vies antérieures avant d’être oubliées, présupposant ainsi la préexistence et la réincarnation de l’âme (même la thèse que cogitare consiste littéralement à « se remémorer » n’implique pas qu’on se rappelle un savoir oublié). Je soutiens que pour Augustin l’illumination divine (telle qu’elle est présentée, p. ex., dans le De magistro et le De Trinitate) et la réminiscence ne sont pas deux théories concurrentes et incompatibles, mais deux ensembles de métaphores cohérents, quoique différents, destinés à illustrer des idées et des intuitions apparentées entre elles (parfois insuffisamment déterminées dans le détail). J’explique également pourquoi la métaphore de l’illumination semble en dernière analyse la plus appropriée.