Hommage à Marieluise CHRISTADLER
1934-2006

Marieluise Christadler était un esprit toujours en éveil qui ne cessait de questionner les hommes et le monde parce qu'elle ne se satisfaisait pas des réponses convenues ou des explications hâtives, elle avait besoin de confronter ses convictions à celles des autres, elle était une femme à la fois de dialogue et de réseau. Elle ne ménageait pas sa peine et apportait son soutien fidèle quand elle estimait qu’il était mérité. Cela a fait d’elle pendant plusieurs décennies une médiatrice entre l’Allemagne et la France qui manquera, qui nous manquera. Née en 1934 à Düsseldorf, ville malaimée qu’elle trouvait trop snob, elle a fait des études de sciences politiques et de germanistique à Francfort sur le Main où les ressources de l’Institut d’étude de la littérature pour jeunes l’ont conduite à se pencher sur l’influence que ces livres ont exercée sur les jeunes recrues partant au front en 1914 et cette étude elle l’avait conçue dès le départ comme une étude comparative entre l’Allemagne et la France. En 1979, elle occupe la chaire de science politique à l’Université intégrée de Duisbourg (Integrierte Gesamthochschule) qu’elle ne quittera plus jusqu’à sa retraite. Elle y trouve l’élan des jeunes universités créées en Rhénanie-du Nord – Westphalie dans les années 1970 pour parer les déficits mis en évidence par les révoltes étudiantes des années 1960.
Politiste civilisationniste, son champ d’investigation était ce qu’elle appelait " civilisation française ", ce qui impliquait, à ses yeux, conformément au modèle de référence défendu par les germanistes français : l’histoire, la philosophie, la culture politique, les systèmes politique, constitutionnel et social. Son intérêt pour la France et plus encore pour les relations culturelles et intellectuelles entre la France et l’Allemagne l’amène tout naturellement à travailler avec l’OFAJ, l’Institut franco-allemand de Ludwigsbourg – où elle collabore régulièrement au Frankreich Jahrbuch – et … Allemagne d’aujourd’hui. Elle était membre du comité de patronage de la revue depuis 1989. Elle s’intéresse à l’imagologie (Deutschland-Frankreich. Alte Klischees – neue Bilder) et collabore à l’Institut Georg-Eckert de Brunswick, qui pratique l’étude comparée des historiographies nationales. En1985, elle publie un livre remarqué sur l’utopie partagée entre les socialistes français et allemands (Die geteilte Utopie), mais elle s’intéresse aussi à la Nouvelle Droite française (Alain de Benoist, Grece et ELEMENTS) qui l’intrigue de par ses audaces révolutionnaires.
Marieluise Christadler a suscité chez nombre d’étudiantes des vocations de chercheuses et des vocations franco-allemandes, elle a aussi vigoureusement soutenu les études féminines en Allemagne, comme en témoigne l’hommage que lui rendent dans ce même numéro F. Hervé et C. Ottomeyer-Hervieu en lui dédiant leur article sur le devenir du mouvement féministe en Allemagne. Entamée par la maladie qui la frappe en 1995, ses amis venaient de fêter avec elle, en mai 2004, son 70ème anniversaire à la Maison Heinrich Heine, à Paris. Ses amis lui ont dit alors sur le mode de témoignages personnels les plus divers leur affection et leur attachement - pour sa personne et pour son œuvre - dans un petit livre rassemblé par sa fille Maike et son compagnon Rolf Rendtorff (MC 70, Prolibris Verlag, Kassel 2004). Allemagne d’aujourd’hui leur présente ses sincères condoléances.