Résumé

Cette étude des emplois nominaux de avant/après s'inscrit dans le cadre plus général d'une discussion sur les relations entre l'espace et le temps. Un premier volet discute l'analyse sémantique de ces prépositions en termes de mouvement vers un pôle proposée par C. Vandeloise dans L'espace en français (1986), ainsi que les présupposés de la transposition littérale du sens spatial aux autres domaines, en particulier au temps, par la notion de mouvement abstrait. L'hypothèse défendue est que, pour rendre compte des différents emplois de avant/après, il faut (i) reformuler leur sens en mettant l'accent sur le rôle du site, et non du pôle, (ii) prendre pleinement en compte les différences profondes entre l'organisation de l'espace et celle du temps, que manifeste par exemple la manière dont s'agencent les relations d'antonymie ou de paraphrase entre prépositions dans chacun des deux domaines. Ces remaniements permettent d'expliquer pourquoi, contrairement à ce qu'avance Vandeloise, avant/après ne sont pas toujours converses, et d'analyser ce qu'elles ont de particulier parmi les prépositions communes à l'espace et au temps: être les seules prépositions temporelles antonymes, pouvoir alterner avec les adjectifs anaphoriques précédent/suivant, être suivies d'un infinitif alors que les propositions temporelles ont ordinairement un verbe conjugué, etc. La nouvelle version du sens de avant/après éclaire aussi pourquoi on passe d'une relation d'ordre entre avant - sous - après (Jean quitta la France avant/sous/après la Révolution) à une paraphrase entre avant et sous quand la préposition est suivie d'une mesure (Il veut une réponse avant/sous deux jours), et permet d'analyser les cas où après n'est plus antonyme de avant, jusqu'à faire cavalier seul dans un certain nombre d'emplois.

Summary

This study of the nominal uses of avant and après is part of a general discussion of the relationship between space and time. It starts by assessing the semantic analysis of these two prepositions in terms of movement towards a pole which is proposed in C. Vandeloise's 1986 book L'espace en français; it also examines what is entailed by the common practice of mapping spatial relations onto other, specifically temporal, relations and transliterating movement in space into abstract movement. It is shown that in order to account for the various uses of avant and après it is necessary (i) to redefine their meaning giving emphasis to the site rather than the pole; (ii) to take full account of the essential difference between the organization of space and time as manifested for example by the relations of synonymy and antonymy holding between prepositions in each case. It then becomes possible to explain why, pace Vandeloise, avant and après are not always converses of each other, and to give an explanation for the characteristics that set them apart from other prepositions of space and time, e.g. the fact that : a) avant and après are the only two temporal prepositions that are antonyms; b) they altemate with the anaphoric adjectives précédent and suivant; c) they are followed by an infinitive when other time prepositions are usually followed by a finite verb ; etc. The new view of the meaning of avant and après also explains why the relation between avant and sous, which is one of chronological order in Jean quitta la France avant/sous/(après) la Révolution, becomes a paraphrastic one when the preposition governs a quantity (Il veut une réponse avant/sous deux jours); it also allows us to understand those uses where après is no longer the antonym of avant.