Résumé

Recours à l'injure antisémite, véhémence du verbe, attaques ad hominem, volonté de susciter la violence ligueuse : la parole pamphlétaire maurrassienne emprunte largement aux écrits de Drumont. Cette imprégnation remonte à la fin des années 1880, lorsque le jeune Maurras, critique à L'Observateur français, applaudissait aux charges de Drumont contre la « République juive », les abus du capitalisme et les errements de la société moderne. Tout au long de sa carrière, il ne cessera de se référer au combat du « pape de l'antisémitisme », estimant, comme l'écrit Léon Daudet, que les livres de Drumont « font partie du bagage intellectuel de tout royaliste d'Action française ». Néanmoins, dans les années 1900, à mesure que progresse son influence dans les milieux nationalistes, Maurras affirme de plus en plus ouvertement sa différence. Enfant du siècle romantique, Drumont exalte la puissance de l'imagination et de la sensibilité, valorise l'intuition au détriment de la sèche intellectualité, vibre à l'unisson d'une « voix intérieure » de nature mystique, supérieure à la raison. Nul élan semblable chez Maurras, qui reproche à Drumont la nature irrationnelle de ses écrits, son pessimisme, son incapacité à jeter les bases d’une méthode d’action cohérente et, surtout, son romantisme. Le style pamphlétaire du théoricien royaliste reflète ces divergences. Même dans ses éditoriaux les plus agressifs, Maurras fait montre d’une colère froide, cherche à rationaliser ses haines, se méfie des emportements de la passion : le théoricien perce toujours derrière le journaliste de combat. Polémiste dans l’âme, Drumont ne partage pas ces exigences, comme en témoigne la violence débridée de ses écrits.

Summary

Recourse to anti-semitic insults, verbal violence, ad hominem attacks, a willingness to encourage partisan violence: Maurras’s polemical style shares much with the work of Drumont. This influence reaches back to the late 1880s, when the young Maurras, then a critic at the Observateur français, praised Drumont’s assaults upon the "Jewish Republic", capitalist abuses and the deviations of modern society. Throughout his career, he continually alluded to the battles of the "Pope of anti-semitism", judging, in Léon Daudet’s words, that Drumont’s books "are part of the intellectual baggage of every royalist in the Action française". Nonetheless, during the 1900s, as his influence within nationalist circles grew, Maurras increasingly insisted on points of difference. A child of the romantic century, Drumont praised the power of the imagination and sensibility, favored intuition over dry intellectualism, and responded sympathetically to a mystical "interior voice" that was superior to reason. There is none of this in Maurras, who criticized the irrational nature of Drumont’s writing, his pessimism, his inability to lay the foundations for a method of coherent action, and, above all, his romanticism. Even in the most aggressive of his editorials, Maurras reveals a cold anger, attempts to rationalize his hatreds and distrusts being carried away by passion: the theoretician always emerges behind the partisan journalist. A polemicist to the core, Drumont shares none of these concerns, as is demonstrated by the unrestrained violence of his writing.