L'histoire de la Revue critique des idées et des livres, modestement lancée en avril 1908, est attachée aux deux années précédant la Grande Guerre, qui signent le succès et la reconnaissance symbolique d’une revue alors luxueusement éditée, tirant à plus de 3000 exemplaires, qui s’impose comme l’organe officiel du néo-classicisme et la seule rivale de la NRF : plusieurs numéros spéciaux font date, notamment un « Stendhal » en mars 1913, qui marque le début des études stendhaliennes en France. Ce succès vient consacrer le travail d’un groupe de jeunes intellectuels réunis par la fréquentation du salon de la comtesse de Courville, la célèbre et influente amie de Barrès et Maurras, et soudés derrière leur directeur Jean Rivain. Nés au milieu des années 1880, Gilbert, Clouard, Longnon ou Marsan appartiennent à la première génération des disciples formés par Maurras, la première à le considérer comme un « Maître »… et la première à se séparer de l’Action française.
Cette première (et méconnue) « dissidence » met en jeu un classique affrontement de générations et toute une série de luttes d’ambition internes aux jeunes maurrassiens. Jusqu’en 1910, la RCIL est tenue par le groupe de Georges Valois et de ses amis, qui tente de faire de la revue la tribune du rapprochement entre antidémocrates de gauche et de droite… À partir de 1911, Rivain reprend la main sur la RCIL, avec le dessein d’en faire une revue de haute tenue littéraire et intellectuelle. Les prétextes politiques et philosophiques mis en avant par Maurras au moment de la rupture de février 1914 (Stendhal, la défense de Bergson) cachaient cet affrontement de personnes et une hostilité de plus en plus irrémédiable à l’égard d’un jeune homme riche, arrogant et jalousé, dont les succès semblaient autoriser la prise de liberté avec la « ligne du parti » et faisaient ombrage à la vieille revue grise fondée par Vaugeois…

The history of the Revue critique des idées et des livres, modestly launched in April 1908, is closely tied to the two years preceding the Great War, which sealed the success and symbolic recognition of the luxuriously produced review with a print-run in excess of 3,000, and established it as the official mouthpiece for neo-classicism and the only rival of the N.R.F. (several special issues were of particular importance, notably the March 1913 number dedicated to Stendhal, which marks the beginning of Stendhal studies in France).
This success consecrated the efforts of a group of young intellectuals who fre-quented the salon of the Comtesse de Courville, a celebrated and influential friend of Barrès and Maurras, and were close to the publication’s editor, Jean Rivain. Born in the mid 1880s, Gilbert, Clouard, Longnon and Marsan belonged to the first generation of disciples around Maurras, the first to regard him as a "Maître" . . . and the first to break with the Action française.
This first (and little known) “dissidence” brings into play a classic generational conflict alongside a range of struggles generated by internal ambitions amongst the young Maurrassians. Until 1910, the RCIL was controlled by Georges Valois and his friends, who attempted to make the review a tribune for the rapprochement between anti-democrats of left and right. After 1911, Rivain took control of the RCIL, intending to turn it into a literary and intellectual review of high standing. The political and philosophical excuses that Maurras put forward when he broke with the group in 1914 (Stendhal, the defense of Bergson) concealed personal rivalries and particularly the increasingly deep-rooted antipathy towards a wealthy and arrogant young man who used his success to allow himself to break with the “party line”, generating resentment at the “revue grise” that had been founded by Vaugeois.