L'étude du fonctionnement et du comportement des médias d'information dans les grandes crises technologiques survenues depuis l'accident de
Three Mile Island a permis de mettre à jour les valeurs constitutives des médias et l'ambiguïté de leur rôle. En effet, par delà leur fonction instrumentale, ils sont tour à tour observateurs et perfomateurs de la réalité, propagandistes des peurs et acteurs à part entière dans la dynamique de crise. A partir des observations fonctionnelles et stratégiques tirées de l'analyse de grandes crises technologiques, en particulier celle qui a suivi l'incendie des entrepôts Sandoz près de Bâle en 1986, un schéma de fonctionnement du système d'information et de communication est proposé. L'évènement catastrophique médiatisé devient révélateur du discours social, du "logos" de l'opinion publique et constitue un objet symbolique qui participe à la construction d'un patrimoine mémoriel, d'une conscience sociale du risque. L'apparition de nouvelles modalités relationnelles entre les médias et les publics, l'affaiblissement du pouvoir de représentation, l'institution de nouveaux rapports au temps montrent comment le système médiatique en situation de crise technologique se comporte en système complexe. Celui-ci est un révélateur puissant des fonctionnements sociaux marqués par l'impossibilité pour les publics de concevoir le risque; par l'institution d'un temps médiatique qui est impuissant à constituer le cadre de la mémoire collective ncessaire pour nous fonder comme sujet; par la perte progressive de la dimension symbolique et la régression vers son opposé, l'indiciel. Enfin, le système médiatique complexe en situation de crise technologique conduit nécessairement à s'interroger sur la tyrannie de l'économie et de l'urgence, sur la disparition progressive de la contrainte de produire du sens pour céder au bruit et sur l'avènement d'une certaine façon d'être au monde qui pourrait nous déposséder progressivement de notre citoyenneté.
