Résumé

L'étude de la morphologie dérivationnelle par le biais des lexiques bilingues du moyen âge ouvre plusieurs voies d'analyse. Tout d'abord, la juxtaposition d'équivalents latins et français permet souvent une précision et une compréhension qui peuvent manquer à d'autres textes, sous réserve de se méfier dans les lexiques d'un français et d'un latin qui semblent lexicographiquement déterminés. La dérivation latine pose parfois des problèmes de forme et de sens, car la présence de termes peu usités en latin peut influer sur la création de termes français, eux-mêmes destinés à une vie très brève ou une application limitée. Les lexiques fournissent aussi un portrait de la tension entre la créativité latinisante et la créativité francisante, ils enregistrent souvent des suffixes rivaux (-able/ -ible par exemple), nous permettant donc d'en tracer le sort, ils confirment enfm l'emploi de mots récemment créés et adoptés dans la langue française. En bref, les meilleurs lexiques sont des livres de référence, le reflet des tendances linguistiques de leur temps.

Summary

Medieval Latin-French glossaries and dictionaries are a rich source of material for the study of derivational morphology. In this paper classic examples are taken from a database of over 20 bilingual lexica to illustrate the derivational processes at work, specifically in the adoption of the adjectival endings -able and -ible, where there was often hesitation, in the creation of feminine agent terms in -eresse, and in the abstract noun endings -ation, -ment, -ance and -té. AIl cases produce anumber of neologisms, though these should be considered with caution as frequently sorne terms are found only in a dictionary context and never in other texts. Nonetheless, the material shows that word creation can be both latinising, that is essentially borrowing directly from Latin with superficial changes as in dampnabletés from 'dampnabilitas', and gallicising, often deconstructing terms and rebuilding them on the base of their French elements, as in blechabletés from 'ledibilitas'. The results, as a whole, confirm the value of these early dictionaries as witnesses of lexical development in üld and Middle French.