La présente étude vise à tirer du témoignage platonicien la plus large information positive sur le maître de rhétorique Thrasymaque de Chalcédoine. Il s'agit en particulier d’établir la cohérence entre le propos tenu sur Thrasymaque dans le contexte de la présentation de l’histoire de la rhétorique dans le Phèdre et les propos prêtés au personnage de Thrasymaque au premier livre de la République. On avance que les thèses politiques du personnage fictif reflètent une conception de l’art oratoire fondée sur la production d’affections chez l’auditeur, en particulier de la pitié : la description des situations politiques doit faire apparaître en toute circonstance la position peu enviable du dominé, afin de justifier la plainte. Ce résultat est confirmé par la confrontation aux fragments restants de l’œuvre de Thrasymaque. On en tire dès lors une conclusion sur l’influence du Thrasymaque historique sur Platon : si le philosophe abandonne la rhétorique émotionnelle de l’orateur, il en conserve et en amplifie le pessimisme.

Summary. The aim of this paper is to draw on Platonic evidence as much positive information as possible about the rhetoric teacher Thrasymachus of Chalcedon. It is more specifically claimed that there is a consistency between what is said of Thrasymachus in the Phaedrus, as part of an outline of the history of rhetoric, on the one hand, and the words attributed to the character of Thrasymachus in Republic I, on the other hand : the political ideas of the character correspond to a conception of oratory based on generating affects, especially pity, in the audience : any account of a political situation has to show the unenviable position of the dominated in order to justify the complaint. This claim is confirmed by a comparison with the extant fragments of Thrasymachus’ works. A conclusion is also drawn in relation to the influence of the historical Thrasymachus on Plato : although the philosopher discards the emo­tional oratory of Thrasymachus, he keeps and even further emphasizes his pessimism.