L'article prend en considération la façon dont différents auteurs rassemblés sous l'étiquette générale de « présocratiques » commençaient leurs discours. Dans le contexte d’une transmission essentiellement orale tel que celui de la culture de la Grèce archaïque, l’incipit prend une importance fondamentale, dans la mesure où il pose les bases de la communication, définit le type de message que l’auteur veut transmettre et indique dans quelle voie il s’engage. Il donne donc des indications non seulement sur le type de texte, mais aussi sur le genre de public auquel ce texte était adressé. S’il s’agit d’un public restreint et choisi, l’incipit est généralement élitiste, obscur, et fait référence à un code auquel il est difficile d’accéder ou, comme dans le cas de l’écrit d’Alcméon, mise sur la difficulté d’une entreprise que les disciples doivent surmonter à l’aide de l’enseignement du maître. Si le texte est destiné à un public plus large d’amateurs cultivés, il mise sur des phrases ronflantes qui suscitent des visions grandioses et des émotions et placent l’orateur dans une position dominante vis-à-vis de l’auditoire. Ici on prend en considération en particulier les incipit de quatre auteurs assez différents les uns des autres, de la fin du VIe au dernier tiers du Ve siècle av. J.-C. : Héraclite, Alcméon, Anaxagore et Diogène d’Apollonie. En recourant à l’analyse linguistique et en les confrontant avec d’autres textes de même époque, on cherche à définir la particularité de chaque texte en relation avec le message qu’il véhicule et avec ses destinataires. Les résultats de cette analyse invitent à reconsidérer la méthode à employer pour aborder les fragments des auteurs dits présocratiques et à se libérer du modèle herméneutique « anthologique » d’Aristote qui vise à rechercher un « système » philosophique et néglige le rythme prosodique, l’harmonie de la langue, le caractère persuasif des textes et leur contexte culturel.

Summary. This paper considers the way in which different authors usually labelled as Pre­socratics used to start their speeches. In the context of a mainly oral transmission, like that of the archaic Greek culture, the incipit is of crucial importance, insofar as it lays the basis for the communication, defines what kind of message the author intends to convey and indicates which course he is adopting. Thus it gives indications not only about the nature of the text but also about the kind of audience whom this text was meant for. When the audience is a limited and selected one, generally the incipit is generally elitist, obscure and refers to a code that is not easily understood, or, as in the case of Alcmeon’s work, it highlights the difficulty of an under­taking that disciples have to overcome with the help of their master’s teaching. When a larger audience of well-educated amateurs is aimed at, the incipit relies on pompous sentences which call forth awe-inspiring visions and emotions and put the speaker in a position of mastery over the audience.In this paper the incipit of four authors is considered, being quite different from one ano­ther and dating from the end of the 6th up to the last third of the 5th century B.C. : Heraclitus, Alcmeon, Anaxagoras and Diogenes of Apollonia. By means of linguistic analysis and by comparing the texts with other texts of the same period, the paper aims at defining the peculia­rity of each text in relation to its content and to its adressees. The result of this analysis invites us to reconsider the method to be used in studying the fragments of the so-called Presocratics, and to throw off the "anthological" Aristotelian model of hermeneutics, a model that, aiming at establishing a philosophical "system", neglects the rhythm of the sentences, the harmony of the language, the persuasive features of the texts and their cultural context.