Quel est le degré de certitude de la division des dialogues platoniciens en trois périodes (« jeunesse », « maturité » et « vieillesse »), aujourd'hui tenue pour acquise dans le monde anglophone ? Cet article suggère de renoncer à cette division, au motif que les bases sur lesquelles elle repose pour l’essentiel sont trop faibles pour la soutenir. Le tournant dans le corpus platonicien n’est pas l’introduction de Formes « séparées » (qu’on tient d’habitude, à partir d’Aristote, pour le signe distinctif des dialogues de la période de « maturité »), mais plutôt le passage d’un type de psychologie morale, ou de théorie de l’action, à un autre ; à savoir, d’une psychologie « intellectualiste » à une psychologie « rationaliste-irra­tionaliste » du type de celle qui est soutenue en République, IV. Cette façon de diviser les dialogues, affirme-t-on ici, possède un puissance explicative supé­rieure à celle du modèle concurrent. Si elle nous donne encore une distinction entre dialogues « socratiques » ou non, (a) cette distinction bouscule la distinction admise (dans le monde anglophone) entre périodes de jeunesse et de maturité, et (b) on ne peut plus en rendre compte en termes de « développement », si, par « développement », il faut entendre progrès philosophique.