AA n'a cessé de s’intéresser ces dernières années au Triangle de Weimar auquel elle a consacré deux importants dossiers : Le 'Triangle de Weimar’ a dix ans. Les relations franco-germano-polonaises des Etats et des Régions in AA, No 158 (oct.-déc. 2001), un dossier de 115 pages réalisé avec le concours de l’OFAJ ; La France et l’Allemagne face à l’ouverture de l’Union européenne. La portée du ‘Triangle de Weimar’ in AA No 171 (janvier-mars 2005), un dossier de 100 pages réalisée à partir de journées d’études organisées dans les universités de Bordeaux 3 et de Lille 3. En août 2006, le Triangle de Weimar a fêté son 15ème anniversaire. A cette occasion, à l’initiative du Comité pour la promotion de la coopération entre la France, la Pologne et l’Allemagne (http://www.weimarer-dreieck.com), présidé par Klaus-Heinrich Standke, les trois ministres des Affaires étrangères, H.-D. Genscher, R. Dumas et K. Skubiszewski, qui en ont été les initiateurs, se sont retrouvés à Weimar, dans la même salle de l’Hôtel de ville où ils fondèrent en 1991 le Triangle de Weimar, pour rappeler les conditions de la création de cette instance trilatérale, évoquer ses évolutions et évaluer ses perspectives d’avenir. Nous reproduisons ci-dessous leurs discours ainsi que les introductions faites par K.-H. Standke et B. Geremek.
- A.A. -

Klaus-Heinrich STANDKE

Hier soir, Daniel Barenboim a dit au Théâtre national de Weimar, non sans arrière-pensée, que " parfois il est plus facile de faire l’impossible que ce qui est difficile ". Peut-être pensait-il au Triangle de Weimar ? […] Il y a quinze ans, le 29 août 1991, dans cette même salle, les trois pères fondateurs ici présents, R. Dumas, H.-D. Genscher et K. Skubiszewski, ont présenté leur idée de créer le Triangle de Weimar sous la forme d’une Déclaration commune des ministres des Affaires étrangères français, polonais et allemand sur " la responsabilité de la France, de la Pologne et de l’Allemagne dans l’avenir de l’Europe " 1, une déclaration qui mérite aujourd’hui encore d’être lue.
Le message du Triangle de Weimar de 1991, la vision qu’il a alors développée, qui est en partie devenue réalité, mais qui n’est pas achevée, reste aujourd’hui comme hier valable. En voici deux phrases : " Nous avons désormais la chance unique de faire progresser la nouvelle Europe en assumant une responsabilité commune dans un esprit de solidarité humaine et avec le sentiment d'appartenir à une communauté de destin ainsi qu'en nous appuyant sur l'héritage de nos valeurs communes. Le désir naturel de tous les peuples d'instaurer la démocratie, la prospérité et la sécurité ne peut se réaliser à long terme que dans le rassemblement des forces de l'Europe tout entière. " Et puis cette autre : " Nous entendons mener une politique de coopération globale dans les domaines de la culture, de l'éducation, des sciences, des médias et des programmes d'échanges " C’est cette dernière phrase de 1991 qui nous a inspiré le thème de ce colloque au cours duquel seront abordés, comme dans un tour de force et comme les pierres d’une mosaïque, les sujets qui viennent d’être énumérés.
Pour ce qui est de la dimension politique du Triangle de Weimar, les trois ministres des Affaires étrangères ont décidé en 1991 de se rencontrer à l’avenir une fois par an et " de prévoir une réunion supplémentaire lorsque la situation en Europe le requiert. " Depuis, tous les ministres des Affaires étrangères – avec vos successeurs, cela en fait 15 au total pour les trois pays – ont satisfait à cette attente et se sont réunis au moins une fois par an. Et plus, ce qui n’était sans doute pas prévisible en 1991. Il y eut , en effet, une première rencontre en 1993 à Danzig des anciens présidents Lech Walesa, François Mitterrand et Richard von Weizsäcker et depuis 1998, sept années donc après la fondation du Triangle de Weimar, les chefs d’Etat français et polonais et le chancelier allemand se rencontrent tous les deux ans lors de qu’il est convenu d’appeler les " sommets de Weimar ". Ces sommets ont eu lieu jusqu’à maintenant deux fois en France, deux fois en Pologne et une fois en Allemagne. Pour ce qui est du 7ème sommet, la chancelière Angela Merkel avait invité les participants à se rendre à Weimar, dans cette salle même où nous sommes ? Ce sommet doit être rattrapé aussi rapidement que possible. 2
En plus des rencontres entre ministres des Affaires étrangères, des Chefs d’Etat et de gouvernement, le Triangle de Weimar a induit toute une série d’autres rencontres trilatérales au niveau ministériel, la quasi totalité des ressorts étant représentée. La dernière rencontre en date était celle des ministres de la Défense en juillet 2006 à Cracovie. A cela s’ajoutent les rencontres entre représentants des Régions – la prochaine est prévue au mois de septembre (2006) à Cracovie – et les jumelages entre villes. H. Schmalstieg, qui est aujourd’hui parmi nous, nous fera part, en tant que maire de Hanovre, de ses expériences et de celles de nombreuses autres villes. Landrat Friese parlera de la coopération entre les Régions, les collectivités régionales. Ce sont là des choses qui comptent en terme de proximité des citoyens. Il est, en effet, beaucoup plus difficile de mobiliser, au nom du Triangle de Weimar, la société civile, un concept souvent sollicité et pourtant difficile à définir. C’est pourquoi notre comité s’efforce de mettre en place, sous le patronage des trois fondateurs du Triangle de Weimar, une plate-forme permanente, ouverte à tous, qui lance des initiatives communes. Notre colloque est le signe tangible qu’il est possible de rassembler sur un même projet des représentants des sociétés civiles de nos trois pays.
Ce colloque pour le 15ème anniversaire du Triangle de Weimar n’aurait pu être réalisé sans les encouragements et le soutien du Président de la Bundeszentrale für politische Bildung, Thomas Krüger, sans l’engagement de l’OFAJ, représenté aujourd’hui par son Secrétaire général Max Claudet, ni sans celui du maire de Weimar, Stefan Wolf. Que tous en soient remerciés.
[…]
La première partie de notre rencontre, consacrée à la vision qu’avaient les pères fondateurs en 1991 et à ce qu’il en est advenu, quinze ans plus tard, en 2006, est introduite par Bronislaw Geremek, député au Parlement européen de Strasbourg, ancien ministre des Affaires étrangères de son pays, conseiller de Solidarno__, quelqu’un qui a toujours œuvré pour la coopération entre l’Allemagne, la France et la Pologne. Il a reçu le Prix Charlemagne de la ville d’Aix-la-Chapelle, est membre d’honneur de l’Association France-Pologne pour l’Europe à Paris et membre du Kuratorium du Comité pour la promotion de la coopération entre la France, la Pologne et l’Allemagne.


Bronislaw GEREMEK

Je me réjouis que les trois langues soient représentées lors de cette rencontre. Pour l’historien que je suis, il n’est pas fréquent de pouvoir parler d’un événement historique avec ceux qui en on été à l’origine, il y a quinze ans, pour en évoquer avec eux la genèse, l’évolution et les perspectives. Il y a quinze ans, nous vivions un moment particulier de l’histoire : l’unification de l’Allemagne et de l’Europe venait d’être réalisée, elle confrontait les hommes politiques en Europe à des défis particuliers. L’Allemagne et la Pologne étaient déjà d’accord sur la politique à suivre, le ministre polonais des Affaires étrangères, Krzystof Skubiszewskii parlait, d’une communauté d’intérêts germano-polonaise, avec en arrière-plan la longue histoire des relations germano-polonaises. La rencontre de Weimar fit apparaître, dans ce contexte, que pour construire la nouvelle Europe il fallait la rencontre de trois pays, il fallait que se rencontrent dans un même projet l’Allemagne, la France et la Pologne.
Trois questions se posent : Pourquoi le Triangle de Weimar ? Pourquoi la Pologne a-t-elle eu besoin de la France et de l’Allemagne ? Pourquoi l’Allemagne et la France ont-elle vu dans cette constellation une coopération pour l’avenir de l’Europe ? La première phrase de la déclaration commune de 1991 est particulièrement importante 3. Je souhaite donc entendre Hans-Dietrich Genscher expliquer ce qui a rassemblé les trois pays et pourquoi cela s’est produit à Weimar. Permettez moi de faire ressortir l’importance de son action alors que rien n’était encore décidé. H.-D. Genscher fait partie de ces Allemands qui ont compris, il y a de cela vingt-six ans, l’importance historique du mouvement Solidarno__ non seulement pour la Pologne, mais pour l’Europe. Il fait partie de ces grands Allemands qui appréhendent l’importance de la réconciliation entre le peuple polonais et le peuple allemand, des Polonais et des Allemands pour la construction de l’avenir de l’Europe. Je me rappelle de nombreuses rencontres avec H.-D. Genscher, je me rappelle en particulier la visite qu’il a faite à Varsovie, alors qu’il n’avait plus de fonctions officielles et qu’il était donc un simple citoyen. Il s’est rendu au parlement polonais, le Sejm, et pour la première fois dans son histoire, le Sejm s’est levé pour saluer un citoyen allemand en la personne de H.-D. Genscher, témoignant ainsi sa gratitude à un homme pour ce qu’il a fait pour l’Europe et pour la Pologne en tant qu’homme politique et homme d’Etat.
Lorsqu’a lieu la rencontre de Weimar, les problèmes européens de 1989 sont déjà derrière nous, les négociations 2+4 ont eu lieu, les positions polonaises sont connues. Derrière nous également les craintes provoquées en Pologne par le plan en dix points de Helmut Kohl. Mais déjà passé également le moment fort en charge symbolique où le chancelier Helmut Kohl et le premier Premier Ministre d’une Pologne indépendante, Tadeusz Mazowiecki, se sont donné l’accolade de la paix. Alors pourquoi cette rencontre de Weimar ?


Hans-Dietrich GENSCHER

C’est en effet un événement rare qu’il soit permis, dans un intervalle d’une décennie et demie, à trois personnalités qui ensemble ont voulu ouvrir une voie, de se retrouver, dans les lieux où tout a commencé, pour tirer un bilan. Nous le devons à l’engagement de la ville de Weimar, qui a donné son nom à notre coopération, et nous le devons également à l’engagement d’un Européen des plus dynamique, K.-H. Standke qui s’emploie si bien à maintenir vivants l’esprit et la philosophie du Triangle de Weimar.
Bronislaw Geremek vient d’éclairer fort justement l’arrière-plan historique de notre initiative. La partition de l’Europe et la partition de l’Allemagne appartenaient au passé. Il vient d’évoquer des événements et rencontres communes. Je voudrais en rappeler une à mon tour. Le matin du 10 novembre 1989, j’ai rencontré à Varsovie Lech Walesa et Bronislaw Geremek qui a dit : " La chute du Mur, cela signifie l’unité de l’Allemagne et c’est pour cela aussi un grand jour pour la Pologne, car, quand l’Allemagne sera unifiée, la Pologne sera le voisin de la Communauté européenne et le voisin de l’OTAN. " Une vision clairvoyante qui, le lendemain de la chute du Mur, nous a tous profondément touchés. C’était aussi l’ouverture d’une perspective à long terme, la preuve que les visions qui sont à la base du Triangle de Weimar peuvent devenir réalité. Alors, la France et l’Allemagne ont pris l’engagement, dans une déclaration commune, de soutenir le rapprochement des Etats en voie de réforme, situés à l’est de la ligne qui séparait avant l’Europe. Aujourd’hui, la Pologne et les autres Etats sont membres de l’Union européenne. Nous avons parcouru un long chemin même s’il reste encore beaucoup à faire. C’est la responsabilité commune des Français, des Polonais et des Allemands pour l’avenir de l’Europe qui est, au départ, la raison qui nous a conduits à nous mettre ensemble. Au début des années 30 du 19ème siècle, lors de la Fête de Hambach, un orateur allemand a déclaré : " La liberté de la Pologne est aussi la liberté de l’Allemagne ", tous étaient alors empreints de l’esprit de la Révolution française. C’est vrai que lorsque nos trois peuples agissent ensemble, c’est bien et important pour l’avenir de l’Europe.
En 1991, nous voulions exprimer l’idée que nos trois peuples ne sont pas seulement responsables du développement pacifique, amical et constructif de nos relations futures, mais que nos relations sont importantes pour unir l’Europe. L’unité de l’Europe n’est pas imaginable sans la coopération de nos trois pays. Nous devons en être intimement persuadés. Lorsque, il y aura bientôt soixante ans, Churchill a tenu son grand discours à Zurich 4, il a appelé les Français et les Allemands à mettre un terme à leur inimitié séculaire et à construire l’Europe. Nous avons, à l’époque, compris ce qui s’était passé. Après la Seconde Guerre mondiale, nous avons connu des révoltes dans tous les Etats de l’Empire soviétique, mais après 1989, ce que nous avons vécu, c’était autre chose, ce qui s’est passé en 1989, c’était une révolution européenne de la liberté. Et pour nous Allemands, il était important que des Allemands en aient été aussi et se soient battus pour la liberté en Europe. Solidarno__ en Pologne avait aplani la voie. La coopération entre les peuples d’Europe contribue à décider du progrès de l’unification européenne et du développement d’une nouvelle culture du vivre ensemble en Europe.
Le choix de Weimar devait exprimer l’idée que la nouvelle Europe est plus qu’une communauté économique, que ce qui nous unit, c’est une culture commune à laquelle tous les peuples d’Europe ont apporté une contribution essentielle. L’écrivaine allemande Christa Wolff a dit à l’époque : " On sait quand la guerre commence " pour enchaîner avec la question : " Mais quand commence l’avant-guerre ? " J’aimerais ajouter une autre question : " Où commence l’avant-guerre ? " Elle commence dans les cœurs des hommes, dans les têtes des hommes, là où les préjugés, l’arrogance, le mépris des autres empoisonnent les âmes des hommes. C’est pourquoi le sentiment d’appartenir à une culture commune, de vivre ensemble au sein d’une grande et commune culture européenne reste décisif pour les générations qui nous suivent. C’est pour cela que nous n’avons pas proposé Bonn ou Berlin, mais Weimar, cette ville, symbole de notre culture européenne que des représentants de nos trois pays n’ont cessé de porter haut. Je pense que cette journée doit être l’occasion pour ceux qui ont jeté les bases en son temps d’en appeler à nos peuples et aux gouvernements de nos pays de tout faire pour que nos trois Etats continuent au sein de l’Union européenne de progresser sur le chemin d’un avenir européen heureux.
Permettez-moi de faire une remarque à propos de l’allocution qu’a tenue hier Daniel Barenboim. Quand nous regardons vers le Proche-Orient, nous voyons une situation pour laquelle l’Europe peut servir d’exemple, d’exemple pour surmonter les oppositions et les inimitiés prétendument insurmontables. C’est cela aussi que symbolisent nos trois peuples. C’est pourquoi je demande à nos gouvernements et à nos peuples de continuer à donner vie au Triangle de Weimar pour leur avenir et celui de toute l’Europe.

Bronislaw GEREMEK

Je m’adresse maintenant au ministre Roland Dumas. Je souhaite insister sur les grands mérites qu’a eus la France dans les changements de la politique européenne après la Guerre froide sous la direction de François Mitterrand et de son proche collaborateur Roland Dumas. Pour la Pologne, il allait de soi que s’élève de France la voix de la liberté qui rappelle que la Pologne a sa place parmi les Etats européens démocratiques et indépendants. Cette voix, les Polonais l’attendaient. Pour la Pologne, la France est un voisin, avec lequel nous n’avons certes pas de frontière commune, mais que nous percevons avec toute la charge affective d’un voisin. Et comme il en va des émotions, ce n’est pas la raison, mais les sentiments qui priment. La participation de la Pologne aux plans français n’a pas toujours trouvé du côté français un écho amical et favorable. Je fais partie d’une génération pour laquelle Napoléon compte parmi les fondateurs de la liberté de l’Europe, mais je ne saurais dire pourquoi.
En 1989, ce n’était pas les rêves qui comptaient, il fallait compter avec la réalité. Quand en 1981 Lech Walesa était en visite à Paris, un mois avant la proclamation de l’état de guerre en Pologne, le chef du gouvernement français d’alors, Pierre Maurois, lui dit que la Pologne avait le droit de se libérer de l’influence de l’Union soviétique et que la France assumerait en pareil cas ses responsabilités. Au nom du Président Mitterrand, il ajouta : " Si Solidarno__ tient encore six mois .... " Nous n’avons pas pu tenir aussi longtemps. Un mois plus tard, l’armée envahissait les rues de Varsovie et d’autres villes, Solidarno__ fut défait. En décembre 1988, François Mitterrand invita Lech Walesa à Paris, ce qui était beaucoup plus qu’un geste officiel. Lech Walesa était à l’époque un citoyen privé de ses droits et dont les agissements étaient flétris devant l’opinion publique. L’invitation de Lech Walesa à Paris fin 1988 était l’annonce d’un processus pacifique de transformation en Pologne. Le gouvernement communiste polonais d’alors a compris la portée du geste et compris également que toute l’Europe regardait Solidarno__ et Lech Walesa. C’est l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement communiste a alors cherché le dialogue.
Et puis vint l’année 1989, avec ses négociations sur l’avenir de l’Allemagne et la prise de conscience, en particulier en Pologne, que de l’unité allemande dépendait autant l’avenir de l’Europe que de la Pologne. C’est l’opposition qui disait en Pologne que la Pologne avait besoin de l’unification allemande. Comment, Monsieur le Ministre, la France a-t-elle perçu ce processus qui signifiait la fin de la Guerre froide ? Comment avez-vous à Weimar, dans cette ville où Hans-Dietrich Geber vous recevait, le rôle de cette forme particulière d’entente entre des pays poursuivant une même idée, mais aux potentiels si différents ? La Pologne était un pays pauvre avide de liberté, l’Allemagne et la France, deux grands pays dont la réconciliation avait jeté les fondements de l’unité de l’Europe. Dans quelle mesure a-t-on à l’époque perçu ce rapprochement entre partenaires inégaux comme une pièce dans la construction de la future Europe ?

Roland DUMAS

Ma première parole sera pour saluer et remercier M. le Maire de Weimar qui nous accueille avec autant de gentillesse et de fidélité à notre action. Je remercie aussi tous ceux autour de cette table et au-delà de cette table qui consacrent leur temps, bénévolement, au travail du Triangle de Weimar et qui permettent grâce à eux, j’en vois parmi vous des Français, des Polonais, des Allemands, c’est grâce à eux que nous survivons et que nous allons de réunion officielle en réunion officielle comme celle-ci. Sans eux, le Triangle de Weimar n’existerait pas ; donc je voudrais au nom de notre participation au Triangle de Weimar les remercier chaleureusement et maintenant en venir à la question qui m’est posée. M. Geremek, comme toujours, a bien dressé le tableau, il a préparé la réponse à sa question : comment est né le processus du côté français qui a conduit au Triangle de Weimar ? Il n’est pas né comme ça spontanément. Sans vouloir le taquiner, je dirais qu’il n’est pas né par l’opération du Saint-Esprit. Chacun a son histoire, ici en particulier dans cette assemblée, M. Genscher vient de résumer ce qu’il avait retenu, gardé, conservé de l’histoire de son pays. La Pologne nous allons en parler. La France c’est une longue histoire d’amour avec la Pologne qui ne date pas du Triangle de Weimar quel que soit le mérite que l’on veut reconnaître aux fondateurs de ce Triangle. C’est une affaire qui remonte loin dans le temps, au temps des Rois, des Royautés, des guerres, et pour ne prendre que la période qui nous concerne, je dirais que nous avions, moi et ma génération, nous avions un constant intérêt, une attention permanente pour ce qui se passait en Pologne : la Seconde Guerre mondiale qui est née là, ses déroulements qui atteignent chacun de nous dans nos familles. Personnellement j’étais très jeune mais j’ai gardé le souvenir de la déroute de 1940 et de l’époque où mon père qui commandait une escadre de l’aviation a accueilli à Lyon-Bron l’aviation polonaise qui s’était réfugiée chez nous pour se refaire, refaire ses pilotes, et repartir pour l’Angleterre poursuivre la lutte. Et nous avions déjà beaucoup d’admiration pour la place de la Pologne dans le combat de cette époque-là ! C’était très riche, très fort. Et puis après la guerre, nous savions quand même ce qui se passait en Pologne ; on avait une presse, des informations, des gens qui allaient, qui venaient, et lorsque la situation est devenue ce qu’elle était en 1981, le déchaînement en France était total. Pour répondre à la question : tout le monde était concerné par la Pologne. A commencer par les syndicats, les journaux, les hommes politiques, les organisations. Il y avait donc déjà en 1981 un sentiment fort pour ce qui se passait en Pologne. Et lorsque j’ai été appelé aux Affaires Etrangères par le Président François Mitterrand et que je rencontrais mon ami Hans-Dietrich Genscher, nous parlions évidemment des relations entre la France et l’Allemagne, ça allait de soi, mais la France et l’Allemagne avaient fait déjà un long chemin ensemble dans les années 80. Et plus encore lorsqu’en 1991 on imagina ce Triangle de Weimar. La France et l’Allemagne avaient fait cette longue route qui avait suivi la terrible Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale avec tous ses cortèges de malheur, de deuils et de morts ! Nous étions déjà dans un autre climat, et cela faisait plus de quarante ans que cela durait. Nous avions fait des progrès et nous avions déjà plein de projets. Genscher et moi nous les partagions ; tantôt c’était un projet français qui devenait un projet franco-allemand, tantôt c’était un projet allemand qui devenait germano-français. Nous avions donc une autre situation dans le monde, par rapport à l’Europe et par rapport au monde. Mais la Pologne qui intéressait l’Allemagne pour les raisons qui viennent d’être dites et que je ne reprends pas, et qui était l’affection de la France, était restée, elle, en chemin. D’abord l’occupation, la guerre, l’occupation, le régime communiste, la dictature, etc. Donc il a fallu imaginer dans les années 89-90, surtout après la chute du mur, où il était clair que tout allait bouger, tout allait changer, et que nous devions, dans cette perspective, imaginer pour la France, pour l’Allemagne et pour la France à l’égard de la Pologne, quelque chose d’original. Et cette originalité elle est venue de notre réflexion de proposer à notre ami Skubiszewski quelque chose qui est un ovni, une sorte d’objet indéterminé, ce n’est pas un traité international, ce n’est pas une institution, ce n’est pas une organisation mondiale, c’est le Triangle de Weimar qui est désigné spécifiquement.
Alors pourquoi cette idée ? D’abord, plusieurs idées me sont venues à l’esprit. La Pologne et l’Allemagne avaient un contentieux plus direct qu’avec la France. Donc le souci des Allemands – et, par pudeur, je pense que Hans-Dietrich Genscher n’a pas voulu y faire allusion – il y avait une préoccupation à l’époque des autorités allemandes, et surtout de Hans-Dietrich, vis-à-vis de la Pologne. Comment aborder ce problème, cette nouvelle période des relations entre l’Allemagne et la Pologne ? Le problème, il n’était pas pour la France, il était pour l’Allemagne, et j’ai très bien compris à l’époque que, l’entente franco-allemande, cette perspective d’organisation de l’Europe autour de l’axe, comme on disait, franco-allemand, devait servir aussi à régler ce problème, à la fois psychologique, politique. Faire en sorte que l’Allemagne ne se retrouve pas, comme si rien ne s’était passé, en tête-à-tête avec la Pologne. Et que dans la perspective de l’Europe qui n’existait pas encore, et qui sera le creuset futur, du reste j’en dirai un mot tout à l’heure, dans lequel chacun devait trouver sa place, que l’entente franco-allemande devait servir à suggérer une solution nouvelle à nos relations à l’intérieur de l’Europe. Ça c’était la première idée.
La deuxième idée était de voir comment, ce qui s’était produit en Occident, et qui désormais se produisait dans l’Europe orientale, depuis la chute du mur de Berlin – la chute du mur de Berlin, ce n’était qu’un an et demi avant la création du Triangle de Weimar -, autour de cette perspective qui s’ouvrait, répondre aux préoccupations au-delà de la Pologne, au-delà de ce pays ami, répondre aux préoccupations de tous les pays de l’Europe de l’Est qui s’interrogeaient pour savoir comment les choses allaient s’organiser entre les deux parties de l’Europe. Au fond, les pays de l’Est qui sortaient de la dictature communiste avaient deux aspirations, disons-le, qui sont encore un peu aujourd’hui en filigrane : la recherche de la sécurité qu’ils avaient perdue pendant un demi-siècle, d’où le besoin d’aller vers l’Alliance atlantique, c’est-à-dire là où était la force qui avait sauvé la liberté de l’Occident, et deuxièmement, pour des pays qui avaient été diminués par le régime communiste imposé par l’Union soviétique, avec la complicité d’un certain nombre de personnalités, ce régime qui avait amenuisé l’économie de ces pays, faisait que ces pays aspiraient à plus de prospérité. D’où, l’envie d’entrer dans la Communauté européenne, de participer à la construction de l’Europe. Et donc dans cette double préoccupation que nous comprenions très bien, il fallait offrir un endroit, une cellule, une organisation, même informelle, où l’on pouvait à la fois traiter des problèmes passés - des problèmes passés qui avaient laissé leurs traces, qui apparaissent encore souvent aujourd’hui dans les discussions, je ne fais pas allusion au contemporain, à l’actualité, il y a beaucoup de sujets qui resurgissent et qu’il faut traiter -, donc avoir un endroit, où l’on pourrait à la fois, France et Allemagne, accompagner la Pologne, la Pologne accompagner la France et l’Allemagne dans cette perspective, réfléchir aux sujets anciens, et préparer les solutions aux problèmes de l’avenir. C’était ça le début du Triangle de Weimar, et je crois que les quinze années qui se sont écoulées ont montré son utilité. En effet, on ne voit pas la reprise d’un dialogue en tête-à-tête avec les contentieux qu’on s’envoie à la tête, face à face c’est toujours désagréable, ça n’a pas donné de bons résultats dans le passé. A trois, c’est peut-être plus acceptable, c’est-à-dire on a plus d’urbanité [sic ?], on a plus de sagesse, le troisième peut intervenir dans le débat, donc à trois, le Triangle c’est déjà utile pour ça.
C’était également utile pour faire que la Pologne prenne sa part maintenant, reprenne sa place dans l’Europe d’aujourd’hui et dans celle de demain, dans tous les domaines où elle a excellé, que ce soit les arts, la culture, la recherche, les sciences, et qu’elle participe à la vie de l’Europe naissante. Donc la question qui va se poser, qui a été posée, et à laquelle je réponds par avance, non seulement le Triangle de Weimar a répondu aux préoccupations qui étaient les nôtres il y a quinze ans, mais il demeure aujourd’hui en place de telle façon qu’il va jouer un rôle différent mais aussi important que dans la première période. C’est pourquoi, je répondrais à la question de notre ami Geremek : moi je suis pour le maintien, pour le renforcement, pour l’amélioration du fonctionnement du Triangle de Weimar parce que la période que nous avons connue est une période utile et celle qui va venir, le sera plus encore. […]
&Mac183; Je crois que le Triangle de Weimar ne peut pas se substituer à autre chose. Il est ce qu’il est. Avec ses moyens, son originalité et ses insuffisances. Il y a toutes les institutions étatiques, para-étatiques, qui ont des moyens financiers beaucoup plus importants et qui gèrent les affaires publiques.
&Mac183; Donc à partir de là, deuxième idée, le Triangle de Weimar est fait pour corriger les orientations qui ne sont pas satisfaisantes, et suggérer, donner des idées, parce qu’après tout, personne n’a le monopole des idées,
&Mac183; troisième et dernière remarque : le Triangle de Weimar doit vivre de lui-même. Et quand on dit : il faut faire appel, envoyer un message à la jeunesse, je pense que la jeunesse elle-même est en train de concevoir, j’ai eu quelques exemples ces derniers jours, de bien concevoir l’intérêt de l’Europe et à l’intérieur de l’Europe, de ce que nous avons fait et créé avec le Triangle de Weimar. J’ai appris d’ailleurs avec beaucoup de satisfaction que certaines de nos facultés, en France, en Allemagne, peut-être en Pologne ça je ne sais pas, donnaient maintenant comme thème d’études des recherches pour le doctorat ou la thèse " le Triangle de Weimar " et plus particulièrement – je crois même qu’il y a quelqu’un qui est assis autour de cette table qui pourra le confirmer – le sujet de l’art ou de la culture dans le Triangle de Weimar. Ça c’est évident que c’est un des grands sujets sur lequel il y a tellement à faire que l’Union Européenne, le Parlement s’y intéressent, mais qu’il serait bon que le Triangle de Weimar qui veut innover relance tout ça. Je constate avec grande joie que l’université prend cette affaire en main et que les étudiants s’y intéressent. En France, je crois que M. Ménudier qui aura la parole dans un instant pourra le confirmer, et je sais que l’Université de Sarrebruck et d’autres proposent des sujets d’actualité ou même d’avenir. La recherche, la culture sont des sujets qui restent devant nous et qui sont à défricher. Voilà, il faut que nous incitions, il faut que tout le monde s’y mette, que les enseignants, les universités le fassent, mais aussi que les étudiants commencent à s’intéresser à ces thèmes-là.

Bronislaw GEREMEK

Quand le Professeur Krzysztof Skubiszewski est devenu le chef de la diplomatie polonaise, il avait l’expérience de la génération de la guerre et la conscience que beaucoup de choses séparent l’Allemagne et la Pologne, les peuples allemand et polonais. Qu’un homme de sa génération s’employât à réaliser la réconciliation germano-polonaise dans le domaine politique, est donc d’une importance particulière. K. Skubiszewski est, jusqu’à aujourd’hui encore, l’architecte de la politique étrangère polonaise. Les objectifs qu’il lui a assignés ont été atteints, les méthodes qu’il a définies pour mener l’action de la Pologne continuent d’être valables. Quand en 1991 la Pologne eut besoin d’aide, ce fut pour mettre en pratique une politique qui visait l’adhésion de la Pologne à ce qu’il appelait les structures européennes et euro-atlantiques, l’adhésion donc à la Communauté européenne et à l’OTAN. A cet effet, la Pologne comptait sur la compréhension de l’Europe et du monde, mais surtout sur celle des deux Etats et peuples qui avaient réussi à construire l’Europe sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale, la France et l’Allemagne. Le Triangle de Weimar a vu le jour avant que l’on parle, dans les relations germano-polonaises, de processus de réconciliation entre les peuples. La politique étrangère polonaise se heurta, dans son désir d’intégrer les structures occidentales sur la base d’une communauté de valeurs, à un obstacle qui était mental et culturel dans les mémoires allemandes et polonaises. Elle était un élément dans l’émergence d’une nouvelle politique européenne. Ma question est donc de savoir quelle perception vous aviez, au moment de vous rencontrer à trois à Weimar, chacun représentant les intérêts de son pays mais tous étant liés par une même communauté de valeurs, des possibilités de vous entendre à trois au profit de l’Europe.

Krzysztof SKUBISZEWSKI

Cette rencontre éveille en moi divers souvenirs et provoque différentes réflexions. C’est pour moi un moment agréable. Peut-être vais-je dire d’abord quelques mots en allemand puisque nous sommes dans une ville allemande, dans une ville où vécut et oeuvra si longtemps Johann Wolfgang Goethe, ce maître de la langue allemande. Mon exposé sera bref pour ne pas démentir Goethe qui disait que l’art est de savoir se limiter (In der Begrenzung liegt der Meister).

Reconnaître les intérêts communs que nous avions ouvrait de nouvelles possibilités dès après l’année 1989, c’est-à-dire après le ‘tournant’ en Allemagne, pour une politique active de voisinage de nos trois peuples. L’idée d’une coopération trilatérale, ce sera l’objet de ma contribution d’aujourd’hui à l’histoire du Triangle de Weimar, a été mise en œuvre par Hans-Dietrich genscher. C’était tout à fait nouveau, comme je me plais à le faire remarquer, non seulement dans l’histoire, mais aussi dans le cadre de la diplomatie européenne d’aujourd’hui. C’était une chance de pouvoir agir dans un espace européen marqué par les pires conflits et de contribuer à l’émergence d’un sentiment d’appartenance commune. Peut-être y-a-t-il dans cette formule un élément de réponse à la question posée par Monsieur le Professeur Geremek. Dans ses Mémoires (Erinnerungen), Hans-Dietrich Genscher écrit, je le cite, que " Bonn et Paris prenaient au sérieux l’idée de développer une relation importante avec la Pologne . La France, la Pologne et l’Allemagne ayant une responsabilité commune pour l’unité de l’Europe. " L’arc de Weimar que forment la France, l’Allemagne et la Pologne devait ouvrir une nouvelle perspective européenne.
Dans ses mémoires, l’ancien ministre des Affaires étrangères Roland Dumas évoque en mars 1991 la rencontre des ambassadeurs français et allemands en Europe centrale à l’occasion de laquelle il fut également question d’une politique à l’Est commune. Roland Dumas mentionne la dissolution du Pacte de Varsovie et insiste sur la dynamique de la paix. C’est la situation nouvellement créée en Europe qui a conduit Dumas et Genscher à se tourner vers la Pologne. Dumas situe cette initiative dans le contexte de craintes polonaises face au risque d’hégémonie d’une grande puissance et à un nouveau Yalta. Quand Hans-Dietrich Genscher, à l’occasion d’une rencontre, m’expliqua son idée, ma réaction ne fut pas seulement favorable, elle fut enthousiaste. Car il était clair pour moi que la conception d’une relation trilatérale ne pouvait avoir que des retombées positives pour la Pologne et l’Europe. Je vis immédiatement l’énorme potentiel que le Triangle de Weimar pouvait jouer en faveur de notre quête de sécurité. L’intégration de la Pologne dans le domaine exemplaire de la coopération franco-allemande était à l’époque et est encore aujourd’hui un facteur essentiel de stabilité pour nous. Il était évident que l’arc de Weimar ne pouvait qu’ouvrir des perspectives favorables à notre future entrée dans les organisations occidentales.

Si vous permettez, je dirai maintenant quelques mots en français. Une autre langue de notre Triangle. Quel est l’avenir de notre organisme informel ? Il me semble que l’élargissement de la communauté de l’Union européenne vers l’Est, contenant la Pologne, ça crée des bases nouvelles pour notre coopération, des bases plus larges. Il y a eu des commentateurs qui disaient, voilà plus ou moins la fin du Triangle de Weimar, la Pologne se trouve maintenant dans l’Union européenne, le but a été achevé. On est très loin de cela. Nous avons des tâches beaucoup plus larges, plus grandes, je dirais des tâches permanentes. Et voilà un phénomène négatif : il y a juste au moment de l’entrée polonaise à l’Union européenne, il y a un déficit de coopération. Ce dont nous avons besoin c’est d’une tâche, je dirais, grande : la coopération des trois gouvernements en ce qui concerne le futur traité européen de constitution. Pour l’instant en Pologne, il y a très peu de débats à propos de cette question mais ça changera sans doute. Il y a le problème des rapports et de la coopération entre l’Union européenne et l’Est européen, notamment avec la Russie, c’est un autre sujet pour le travail au sein du Triangle de Weimar. Il y a d’autres problèmes de la politique commune, des débuts de la politique commune au sein de l’Union européenne. Voilà un autre point du jour pour les trois pays. La liste peut être allongée et vraiment plus riche. Un autre point ce sont les rapports transatlantiques. On a évoqué le terme de " Interessengemeinschaft ", une communauté d’intérêts entre l’Allemagne et la Pologne après les changements de 1989. Il me semble qu’une telle communauté existe entre les trois pays et qu’il faut développer cette communauté. 5

En guise de conclusion, je souhaiterais dire que le principal intérêt du Triangle de Weimar, surtout au moment de sa création, a été de supprimer de grandes difficultés et certaines hostilités qui subsistaient encore. Les relations germano-polonaises étaient à cette époque bonnes et c’était tout le mérite du Ministre Genscher. Il en allait autrement de la France avec laquelle nous n’avions pas de ces problèmes, comme l’a rappelé le Ministre Dumas. Nous avons pu observer qu’une bonne coopération est possible, doit être possible même quand l’histoire s’est déroulé négativement, ce qui n’est pas arrivé rarement. Cela me conduit à faire une deuxième observation à propos de la déclaration de Weimar. Ces derniers temps, surtout dans les relations germano-polonaises, des débats historiques ont pris beaucoup de place au point de s’insinuer dans les relations entre les gouvernements et les Etats. Personne ne peut affirmer que l’histoire n’est pas une partie de la réalité politique. Pourtant je suis d’avis qu’il convient de faire la part entre débat historique et conception de la politique, en particulier de la politique étrangère. Cela ne signifie pas que nous ne devions pas cultiver la mémoire de l’histoire ou qu’il faille minimiser l’importance des symboles historiques. La politique doit avoir cela présent à l’esprit. Et pourtant une politique qui dépendrait de l’histoire peut aisément engendrer des tensions selon les positions adoptées ou même provoquer des complications en politique étrangère. Il convient de l’éviter. Que l’histoire ait ses limites, nous le savons depuis longtemps. Je pense ici à l’année 1965, au mémoire de l’Eglise protestante en Allemagne et à la lettre pastorale des Evêques polonais et allemands 6. Un troisième et dernier point. Je suis persuadé que la pérennisation du Triangle de Weimar et son bon fonctionnement renforce notre croyance en l’Europe. La coopération franco-germano-polonaise renforce notre croyance en l’Europe.

Bronislaw Geremek clôture le débat en reprenant ce message d’avenir des trois fondateurs du Triangle de Weimar: " Le Triangle de Weimar sert l’avenir de l’Europe. "
(Traduction de l’allemand en français : J. Vaillant)

1 Consultable dans sa version française sur le site du ministère polonais des Affaires étrangères :
http://msz.gov.pl. NdlR.

2 Ce 7ème sommet a eu lieu entre-temps le 5 décembre 2006 à Mettlach en Sarre, réunissant autour de la chancelière Angela Merkel les présidents Jacques Chirac et Lech Kaczynski. NdlR.

3 " La responsabilité de la France, de la Pologne et de l'Allemagne dans l'avenir de l'Europe. "

4 Discours du 19 septembre 1946 de W. Churchill à Zurich sur l’Europe. NdlR.

5 Tout ce paragraphe a été prononcé en français par K. Skubiszewski qui s’est auparavant exprimé en allemand. NdlR

6 Premier pas sur la voie de la réconciliation germano-polonaise, le mémoire de l’EKD sur " la situation des expulsés et la relation du peuple allemand à ses voisins de l’Est " (abrégé ‘Ostdenkschrift’, consultable sur le site de l’EKD : www.ekd.de), a été publié le 1er octobre 1965. Il provoqua un débat qui prépara l’ouverture à l’Est du gouvernement Brandt-Scheel à compter d’octobre 1969. Autre main tendue, en novembre 1965, les évêques catholiques polonais adressent à leurs homologues allemands une lettre pastorale commençant par la phrase : " Nous pardonnons et demandons pardon ". Dans leurs réponses, les évêques allemands déçurent par un excès d’égards pour le point de vue des réfugiés allemands. NdlR.