Michel Leymarie

Pour rendre compte de l'audience de Charles Maurras et du maurrassisme au cours de trois décennies successives, trois enquêtes et un hommage sont pris ici en considération. L'enquête de la Revue française politique et littéraire sur « Maurice Barrès et la jeunesse » (1913) permet de comparer l’audience respective de Barrès, Maurras et Bergson dans un terreau commun aux jeunes et à leurs aînés. Même s’il apparaît davantage pour certains comme un intercesseur qui fait transition avec le maurrassisme, Barrès demeure un maître, alors que d’autres se tournent vers Bergson.
L’Enquête sur les maîtres de la jeune littérature (1922), menée par Henri Rambaud et Pierre Varillon, montre que Bourget, Barrès et Maurras demeurent admirés, parfois plus comme maîtres de vie que comme modèles littéraires. L’Enquête sur le nationa-lisme (1923) conduite par Maurice Vaussard interroge d’abord les rapports entre nationalisme et catholicisme, qui vont aboutir à la condamnation de l’Action française trois ans plus tard.
Enfin, l’hommage que la Revue universelle rend en janvier 1937 à Maurras, pour son jubilé, à l’occasion de ses cinquante années d’activité journalistique et littéraire, est marqué par la conjoncture nationale et internationale. Cet hommage montre la grande audience qu’a selon ses proches le doctrinaire et apparaît comme une étape dans la voie de la réconciliation avec Rome. Il est aussi une marche vers l’élection de Maurras à l’Académie française, en juin 1938, et figure une victoire idéologique et culturelle, précédant le second apogée de l’Action française.

As a means of assessing the audience for Charles Maurras and Maurrassian ideas across a thirty-year period, this article explores three "enquêtes" (surveys, enquir-ies) and an "hommage" (commemorative volume). The enquiry on “Maurice Barrès and the Young”, published by the Revue française politique et littéraire in 1913, allows a comparison of the respective audiences for Barrès, Maurras and Bergson across a terrain shared by the young and their seniors. Even if for some he appears to stand as an intercessor on a path towards Maurrassianism, Barrès remains a master in his own right, while others look towards Bergson.
The Enquête sur les maîtres de la jeune littérature (1922), directed by Henri Rambaud and Pierre Varillon, shows that Bourget, Barrès and Maurras were still admired, though sometimes as masters rather than literary models. Maurice Vaussard’s Enquête sur le nationalisme of 1923 focuses on the relationship between nationalism and Catholicism that would lead to the condemnation of Action française three years later.
Finally, the “Hommage” paid to Maurras by the Revue universelle in January 1937 on the occasion of his jubilee, marking 50 years of journalistic and literary activity, bears the mark of the prevailing domestic and international situation. The “hom-mage” demonstrates the substantial audience claimed for the doctrinaire by his close circle and serves as a waystage in the process of reconciliation with Rome. It is also a step towards Maurras’s election to the Académie française in June 1938, and represents an ideological and cultural victory, heralding the second surge of the Action française itself.